C. UNE STRATÉGIE MISE EN oeUVRE DE 2001 À 2009 QUI N'A PAS PORTÉ LES FRUITS ESCOMPTÉS

Au contraire, les nombreuses erreurs politiques et stratégiques commises depuis 2001 ont conduit à :

• une forte dégradation de la situation sécuritaire en Afghanistan . Selon le général MacChrystal (COMISAF), la situation s'est globalement détériorée. La coalition fait face à une insurrection qui résiste et qui s'accroît. Il existe également une crise de confiance chez les Afghans, envers leur propre gouvernement et envers la communauté internationale, qui mine la crédibilité de la coalition et enhardit les insurgés 6 ( * ) . De plus, les afghans ont le sentiment que la volonté occidentale n'est pas inébranlable.

• une régionalisation de l'insurrection, ainsi que le développement d'autres sanctuaires du terrorisme international .

• en dépit d'un certain nombre de succès, le sentiment général de la population afghane et un sentiment de déception, de frustration et finalement de colère envers le gouvernement et les officiels dont la corruption est avérée, et envers la coalition qui n'a pas su apporter sécurité et développement.

• enfin, les progrès en matière de gouvernance (institutions fiables et efficaces, lutte contre la corruption et les trafics, en particulier de drogue) ne sont pas « totalement convaincants » pour utiliser un euphémisme.

Anthony Cordesman du Center for strategic and international studies, l'un des experts du groupe d'évaluations stratégiques dont le général MacChrystal s'était entouré, a indiqué que : « cette guerre n'est pas façonnée par une stratégie, mais par des années de négligences et d'insuffisances dans les ressources procurées. Sept ans après le début de la guerre, il est frappant de voir à quel point les gens continuent d'agir comme si c'était la première année. Il n'y a pas d'unité d'effort, pas de plan de campagne commun. Ce qui devrait être un effort intégré civilo-militaire, avec pour priorité de gagner la guerre sur le terrain, est une gabegie dysfonctionnelle centrée sur Kaboul et handicapée par des divisions bureaucratiques auxquelles s'ajoutent la corruption afghane, les tensions entre les membres de l'OTAN et de la FIAS, et caveats des Etats membres ».

De même, un rapport de la Chambre des communes d'août 2009 intitulé «Global security : Afghanistan and Pakistan » dresse un constat sévère. Il souligne en particulier l'absence de vision unifiée et de stratégie de la part de la communauté internationale, ses erreurs et ses politiques fragmentées qui ont rendu la tâche de stabilisation du pays « considérablement plus difficile » qu'elle n'aurait dû l'être. Le rapport regrette notamment la faible coordination des Nations unies, le potentiel inexploité de l'Union européenne et estime que l'administration Bush, du fait de ses « tendances unilatéralistes » et d'une priorité excessive accordée aux objectifs militaires, est « responsable » de nombre de problèmes rencontrés aujourd'hui en Afghanistan.

Enfin, la coalition elle-même n'a pas su évoluer dans sa composition. Elle rassemble 40 pays, dont la quasi-totalité des pays membres de l'Union européenne (25 sur 27), mais très peu de pays musulmans (Turquie, Azerbaïdjan, Jordanie). Les forces de la coalition sont donc vues comme des troupes de l'Occident dont la présence, faute de progrès en matière de développement et de gouvernance, est ressentie comme une occupation qui poursuit des objectifs propres et qui manipule un gouvernement afghan à son service.

Ce bilan, globalement négatif, ne manque pas d'avoir des répercussions sur les opinions publiques occidentales qui, après une phase initiale de large soutien, s'interrogent sur la «gagnabilité » de la guerre au regard des coûts humains et financiers. 7 ( * )

Les gouvernants des nations démocratiques sont soumis à des pressions de la part des opinions publiques pour justifier la pertinence des objectifs poursuivis, voire pour définir une stratégie de sortie ou de retrait. Ces pressions ne feront que se renforcer en fonction des échéances électorales dans les différents pays.

En dépit de ces évolutions et des appréciations très négatives qui sont portées sur l'évolution du conflit pendant les huit dernières années, un consensus général existe sur le fait que la sécurité des Etats occidentaux, la paix et la stabilité du monde, sont engagés en Afghanistan et au Pakistan. Dès lors, l'objectif est celui d'un Afghanistan suffisamment stable, disposant de forces lui permettant de gérer sa propre sécurité interne et externe, de stopper les interférences des puissances de l'extérieur et de lutter contre l'établissement de bases terroristes et de camps d'entraînement sur son territoire. À cet objectif, qui s'inscrit dans la durée, doit correspondre une stratégie dont la mise en oeuvre autorisera, à terme, le retrait des forces de la coalition occidentale.

* 5 Voir chapitre IV

* 6 Cette crise de confiance est liée à la déception et à la frustration des Afghans devant le peu de résultats de la reconstruction et du développement en dépit de progrès indéniables mis en avant en matière de santé, d'éducation etc.... Sa sécurité n'étant pas assurée par la coalition, la population adopte, de manière très rationnelle, une attitude de neutralité tant vis-à-vis de la coalition et des forces gouvernementales que des insurgés.

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