C. LES ACTIONS INDIVIDUALISÉES DE SOUTIEN AUX ÉLÈVES PAR L'ÉDUCATION NATIONALE
Le développement récent des aides personnalisées mises en oeuvre par l'éducation nationale conduit à relativiser l'impact du découplage entre les territoires d'intervention de la politique de la ville et de l'éducation prioritaire. L'action de l'éducation nationale combine en effet désormais des dispositifs ciblés sur des établissements et des dispositifs ciblés sur les élèves en difficulté, quel que soit leur établissement d'appartenance. Par delà l'aide personnalisée de deux heures prévue à l'école primaire ou les stages de remise à niveau pendant les congés scolaires, il est utile de rappeler brièvement les caractéristiques des programmes personnalisés de réussite éducative et de l'accompagnement éducatif.
1. Le programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)
L'article 16 de la loi du 23 avril 2005 dispose qu'« à tout moment de la scolarité obligatoire, lorsqu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, le directeur d'école ou le chef d'établissement propose aux parents ou au responsable légal de l'élève de mettre conjointement en place un programme personnalisé de réussite éducative ». Les textes d'application publiés en août 2005 précisent que le soutien apporté à l'élève doit être aussi individualisé que possible, sous forme de travail en petits groupes ou de tutorat. Le PPRE fait l'objet d'un document contractuel entre l'établissement et la famille de l'élève.
Une enquête de la DGESCO réalisée en 2007 observe que c'est en classe de 6 ème que le pourcentage d'élèves bénéficiant d'un PPRE est le plus important : il atteint 10,4 % en moyenne ( 16,6 % en éducation prioritaire, 8,9 % hors éducation prioritaire ) ; la classe de CE1 vient ensuite avec un taux de 8,2 % ( 13,9 % en éducation prioritaire et 7,2 % hors éducation prioritaire ) ; enfin, le pourcentage de PPRE en CM2 est particulièrement faible avec un taux de 2,4 % ( 4,3 % en éducation prioritaire et 2,1 % hors éducation prioritaire ).
La diffusion de ce dispositif demeure donc encore très inégale, même si elle est légèrement plus importante dans les établissements relevant de l'éducation prioritaire : en 2007-2008, les PPRE bénéficiaient à 7,2 % des collégiens en général et à 10,7 % des collégiens relevant de l'éducation prioritaire. L'échec scolaire - au sens des sorties du système éducatif sans diplôme ni qualification reconnue - touchant environ un élève sur cinq, ce dispositif apparaît en définitive d'un usage relativement limité.
L'exemple du collège Magellan de Chanteloup-les-Vignes illustre ainsi les limites de ce dispositif : créé il y a trois ans, le PPRE y apparaît d'ores et déjà concurrencé par deux autres dispositifs qui relèvent, l'un de l'éducation nationale (accompagnement éducatif), et l'autre de la politique de la ville (tutorat renforcé).
PPRE, accompagnement éducatif, et tutorat
renforcé : l'exemple du collège Magellan de
Chanteloup-les-Vignes
Un PPRE est proposé par les équipes après le premier trimestre et lors des conseils de classe. En 2006-2007, une vingtaine d'élèves, principalement de 6 ème et 5 ème , ont bénéficié de ce dispositif. Ces PPRE portaient sur des durées de 6 à 12 semaines, et plus de 75 % concernaient des difficultés en français. Le bilan de ce dispositif, réalisé par le collège à l'issue de la première année de mise en place, a permis de constater des progrès sensibles pour les élèves ne devant remédier qu'à une difficulté spécifique et dont le PPRE pouvait donc s'inscrire sur une courte durée. En revanche, ce dispositif s'est avéré insuffisant pour les élèves confrontés à des difficultés multiples. Ce constat a conduit le chef d'établissement à solliciter pour ces élèves des mesures de « tutorat renforcé ( 34 ( * ) ) » , qui étaient mises en place dans le cadre d'un dispositif de réussite éducative par la municipalité de Chanteloup-les-Vignes. Au cours de cette première année, 27 élèves ont bénéficié de ce tutorat renforcé pour un budget horaire de 669 heures. Selon une enquête menée auprès des tuteurs et des élèves, des progrès auraient été obtenus dans les résultats scolaires dans plus de 60 % des cas, et ce dispositif aurait également permis dans près de 90 % des cas de redonner confiance aux élèves, d'éviter le décrochage, d'organiser un meilleur suivi des devoirs, d'améliorer la tenue des agendas et des cahiers, et d'apporter une aide méthodologique. Cependant, les deux tiers des élèves inscrits au tutorat renforcé bénéficiaient également du dispositif d'« accompagnement éducatif » ( Cf. infra ) qui avait également été mis en place récemment au collège dans le cadre de l'aide aux devoirs et leçons, ce qui représentait entre trois à cinq heures supplémentaires pour les élèves de 6 ème et 5 ème . Certains élèves étaient même présents au collège jusqu'à huit heures de plus par semaine. Chez certains enfants, des problèmes d'absentéisme ont été signalés, ainsi que des progressions scolaires plus limitées. De plus, une bonne communication s'est révélée difficile à mettre en oeuvre entre « tuteurs renforcés » et intervenants de l'accompagnement éducatif. Compte tenu de cette situation, les équipes pédagogiques ont décidé que les élèves en difficulté lourde (moyenne inférieure à 7 dans les disciplines fondamentales, décrochage scolaire caractérisé par des copies rendues blanches ...) seraient proposés pour le tutorat renforcé, et qu'en revanche, ils ne bénéficieraient de l'accompagnement éducatif que dans les domaines artistique, culturel et sportif. Sur ce fondement, une vingtaine d'enfants ont suivi un tutorat renforcé au cours de l'année 2008-2009. Professeurs et tuteurs se rencontrent selon des fréquences variables, et les tuteurs sont invités au conseil de classe. Cette situation appelle deux observations. Alors même que, face au constat de difficultés scolaires lourdes, l'accompagnement éducatif, dont la responsabilité incombe au collège, devrait logiquement avoir un contenu prioritairement orienté vers une aide aux devoirs assurée par les enseignants qui constatent directement ces difficultés, il peut apparaître surprenant que les équipes pédagogiques aient préféré au cas d'espèce réserver un potentiel d'accompagnement éducatif pouvant aller théoriquement jusqu'à 8 heures par semaine à des activités sportives ou culturelles, et laisser la charge d'un tutorat renforcé de 3 heures à des intervenants extérieurs. D'autre part, on peut observer que, par delà ces deux dispositifs, les PPRE ne concernent plus désormais que 10 élèves, ce qui remet en cause ce dispositif qui avait été placé au coeur de l'obligation d'accès de tous les élèves au socle commun de compétences et de connaissances défini par la loi de programme pour l'avenir de l'école. La cohérence de ces orientations n'est pas manifeste. |
2. L'accompagnement éducatif
Depuis la rentrée 2007, le ministère de l'éducation nationale a mis en place plusieurs dispositifs pour accompagner les élèves après les cours. Dès novembre 2007, 1 000 collèges situés en zone d'éducation prioritaire ont proposé à leurs élèves, sur la base du volontariat, un accompagnement éducatif de deux heures par jour, quatre jours par semaine. Depuis la rentrée 2008-2009, ce dispositif est proposé à tous les collégiens et aux élèves des écoles élémentaires de l'éducation prioritaire. Il recouvre quatre domaines, selon des formules définies par l'équipe éducative en fonction des besoins des élèves : l'aide aux devoirs, les activités culturelles, les activités sportives, et les langues vivantes depuis la rentrée 2008 pour les collégiens . Dans le cadre de sa généralisation, 323 M€ sont consacrés à ce nouveau dispositif.
L'accompagnement éducatif en
2008-2009
- 710 227 collégiens de l'enseignement public, soit 30 % des effectifs, bénéficient du dispositif dans 5 157 collèges ; plus de 4 millions d'heures sont consacrées à l'accompagnement éducatif par 74 878 intervenants, dont 60,8 % d'enseignants, soit un taux d'encadrement d'un intervenant pour 9 collégiens. - 170 669 élèves des écoles élémentaires publiques relevant de l'éducation prioritaire bénéficient du même dispositif dans 3 072 écoles ; plus de 1 million d'heures sont assurées par 14 554 intervenants, dont 74,8 % d'enseignants, soit un taux d'encadrement d'un intervenant pour 12 écoliers. Les professeurs sont secondés par des assistants d'éducation, des assistants pédagogiques et des assistants de langue. Certaines activités sont animées par des intervenants d'associations agréées, des artistes, des étudiants, des personnels des collectivités territoriales... Dans les collèges publics, l'aide aux devoirs représente 64,4 % de ces activités, la culture 21,1 %, le sport 11,3 % et les langues vivantes 3,2 %. Dans les écoles élémentaires publiques de l'éducation prioritaire, l'aide aux devoirs représente 64,6 % de ces activités, la culture 20,3 % et le sport 15,1 %. Source : enquête prévisionnelle DGESCO |
* 34 Le tutorat renforcé est proposé dans le cadre d'un CLAS. Cette aide personnalisée regroupe 1 à 3 élèves maximum sur 3 heures par semaine (3 fois une heure ou généralement 2 fois 1,5 h).