2. Disposer d'instruments variés pour identifier et sanctionner le risque systémique
a) Un éventail plus diversifié d'instruments de mesure du risque des banques
Le groupe de travail partage les orientations présentées par le Comité de Bâle pour réformer les exigences de solvabilité bancaire, ainsi que les échéances a priori raisonnables fixées par les dirigeants du G 20, soit l'élaboration des nouvelles règles harmonisées d'ici fin 2010 et leur application d'ici fin 2012 .
Ainsi qu'il a été relevé supra , le risque est néanmoins de fonder les espérances d'une nouvelle stabilité financière exclusivement sur un ratio de fonds propres devenu plus complexe et segmenté que l'actuel . Le champ potentiel d'application des normes de fonds propres a en effet été notablement enrichi ces derniers mois. Il tend à dépasser le seul cadre de la solvabilité, au titre du « provisionnement contracyclique » ou en tant que sanction à la prise excessive de risques tels que l'impact systémique de l'établissement, la présence de filiales et activités dans des pays non coopératifs, l'exposition aux activités de titrisation et de négociation pour compte propre, ou une politique de rémunérations variables non soutenable.
Tous ces objectifs sont isolément pertinents mais leur cohérence globale doit aussi être envisagée. « L'arme » des fonds propres doit être utilisée avec fermeté mais prudence, sous peine d'inciter les banques à recourir à de nouveaux artifices bilantiels pour les optimiser , ce qui serait contre-productif.
Le groupe de travail recommande donc de ne pas « tout miser » sur un plus grand raffinement de la pondération des fonds propres et de recourir à d'autres indicateurs plus simples sur le levier du bilan, la liquidité et les expositions à diverses contreparties et classes d'actifs (CDS, obligations à haut rendement et hedge funds en particulier).
Les critiques formulées par les banques françaises sur le ratio de levier sont légitimes mais ne doivent pas conduire à condamner d'avance cet instrument, aussi fruste en apparence soit-il. L'appréciation de ce ratio par le CSF et les autorités prudentielles dans le cadre du « deuxième pilier » de Bâle II doit en tout état de cause tenir compte des différences de comptabilisation aux Etats-Unis et en Europe , car elles induisent des écarts sensibles dans l'appréciation du périmètre du bilan. Ce n'est qu'après une harmonisation du mode de calcul que l'on pourra envisager d'intégrer ce ratio dans le premier pilier, c'est-à-dire la réglementation des fonds propres.
Au-delà des outils de mesure, la simulation de la résistance au risque en situation récessive permet d'entretenir la vigilance et de prendre le cas échéant les mesures correctrices nécessaires. La démarche des « stress tests » n'est pas nouvelle mais elle doit être harmonisée, pérennisée et rendue systématique .
Le CSF et le Comité de Bâle doivent donc établir conjointement une méthodologie et des hypothèses précises d'élaboration de ces tests. Ils seraient ensuite mis en oeuvre par les autorités prudentielles des Etats du G 20 selon une périodicité régulière, par exemple tous les six mois . Ils devraient également être publiés en descendant au niveau de chaque établissement, ou le cas échéant, pour éviter des distorsions concurrentielles et une surréaction des déposants, par pays et/ou par catégorie d'établissement selon leur taille et leur activité dominante.
b) Matérialiser le coût de l'assurance systémique
Après la faillite de Lehman Brothers , les Etats et banques centrales sont de facto devenus les réassureurs en dernier ressort des grandes institutions financières. Une telle situation est susceptible de se reproduire et ne permet pas de neutraliser durablement l'aléa moral, donc l'exposition anticipée aux risques, a fortiori lorsque cet aléa n'a pas de réelle contrepartie en termes de coût du risque. Le groupe de travail considère donc qu'il serait opportun d'acter la possibilité de l'intervention publique mais de la tarifer par une sorte de « prime d'assurance systémique » ou de « collatéralisation » de ce risque.
Les projets relatifs à l'augmentation des exigences en fonds propres pour certaines activités risquées ou seuils d'impact systémique s'inscrivent dans cette démarche. On pourrait également envisager, en France, de substituer, à produit fiscal constant, une « taxe de risque systémique » à la taxe sur les salaires, dont le taux serait progressif et l'assiette spécifique , par exemple le produit net bancaire 137 ( * ) et la taille relative du portefeuille de négociation.
Le risque systémique doit également être mieux pris en compte dans le droit de la concurrence , afin d'anticiper les effets d'une opération de fusion ou absorption sur la stabilité et la sécurité financières globales, et non pas uniquement en termes de cartellisation, de position dominante ou d'augmentation du bien-être des consommateurs. En France, la future autorité de régulation prudentielle devra raffermir ses liens non seulement avec l'AMF, mais encore avec l'Autorité de la concurrence.
Enfin le groupe de travail considère qu'il serait logique, à moyen ou long terme, de mettre en place une garantie centralisée des dépôts à l'échelle de la zone euro , selon un fonctionnement analogue au fonds de garantie français, qui est alimenté par les établissements de crédit et les entreprises d'investissement. Cette garantie consoliderait la protection des épargnants contre les faillites systémiques et s'inscrirait dans la continuité du relèvement du plancher de garantie (par la directive 2009/14/CE du 14 mars 2009, cf. supra ).
* 137 Le critère du produit net bancaire peut certes apparaître « simpliste », mais il reste révélateur de l'interconnexion avec l'économie réelle (lorsque l'activité de crédit et dépôts est majoritaire) ou de l'exposition aux risques de marché (dans le cas d'une banque d'investissement) ;