SECONDE PARTIE : VERS UN NOUVEL ORDRE FINANCIER MONDIAL ?
Toute crise collective ou personnelle est un moment d'inflexion, de remise en question, et porte donc en elle les germes du renouvellement et de la refondation. Le capitalisme de marché, qui repose intrinsèquement sur un mouvement dynamique et sur l'initiative privée, ne peut guère éviter d'être soumis à des cycles et crises , ce qui en fait à la fois la force et la faiblesse.
Il n'en est pas moins nécessaire et concevable d'en limiter l'instabilité , qui a été accentuée par la « financiarisation » de l'économie depuis deux décennies.
Il importe surtout d'en atténuer les incidences négatives pour les acteurs qui ne sont pas directement parties prenantes dans les excès de la finance de marché, soit les petits épargnants, les ménages modestes, les PME, et de manière générale les personnes les plus exposées à la crise et au chômage.
La crise actuelle, comme les grandes crises précédentes, provoque donc une remise en cause des acquis, sorte d'avatar de la « destruction créatrice », concept traditionnellement associé à l'innovation et à la croissance endogène.
Elle crée des opportunités de marchés, d'innovation et de réflexion, dont certaines sont potentiellement déstabilisantes lorqu'elles se limitent à reproduire les schémas antérieurs et à permettre à tel établissement de profiter de la faiblesse des concurrents pour renforcer ses positions sur certains marchés (cf. supra sur les risques de comportement de « passager clandestin »). Mais elle ouvre surtout une fenêtre d'action pour assainir le modèle économique des institutions financières et lui restituer sa dimension de service apporté aux autres secteurs économiques.
I. LES DÉFIS ET OBJECTIFS D'UNE NOUVELLE RÉGULATION
A. ÉVITER QUE LES MÊMES CAUSES NE PRODUISENT LES MÊMES EFFETS ET RESISTER À LA TENTATION D'UN RETOUR AUX PRATIQUES ANTÉRIEURES
1. La recherche financière au service d'une nouvelle conception de la régulation
La crise doit fournir l'occasion de mener une réflexion économique et juridique approfondie sur le concept même de la régulation publique, les contours de l'ordre public financier et la meilleure manière de prévenir et résoudre les crises futures, sous l'impulsion du nouveau forum décisionnel mondial qu'est devenu le G 20. La « fenêtre de tir » est cependant déjà réduite et, ainsi que l'a souligné le dernier document du groupe de travail commun de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la crise financière internationale 103 ( * ) , « le sommet de Pittsburgh constitu[ait] sans doute la "dernière chance" pour éviter que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ».
L'analyse des causes de la crise devrait également contribuer à une accélération des progrès en matière de modélisation et de mathématiques financières, dans laquelle la France a certainement une « carte à jouer » . Divers enjeux tels que le retour à une certaine simplicité dans l'offre de produits financiers, l'amélioration de la mesure des risques sous-jacents des portefeuilles de titres, l'influence de la psychologie et des interactions individuelles sur les décisions d'investissement et l'évolution des indices boursiers (objet de la finance dite « comportementale »), ou la détermination de critères pertinents de mesure du risque systémique, offrent un champ très vaste pour la recherche financière.
La crise a souligné l'intensité et la complexité des relations entre institutions financières d'une part, entre le système financier et l'économie productive d'autre part, d'où le recours fréquent aux métaphores biologiques et « virales » pour en expliquer les causes et le déroulement. Malgré son caractère réducteur, ce type d'analyse pourrait trouver quelque écho si la recherche économique s'attachait à établir une analogie entre le système financier et un ensemble d'organismes vivants qui interagissent entre eux, et donc à le considérer plutôt comme un « écosystème ».
* 103 « Réforme du système financier international : troisième contribution du groupe de travail sur la crise financière internationale », publié le 16 septembre 2009.