2. La volonté d'assurer la protection du consommateur et la continuité de la surveillance micro-prudentielle
a) L'amorce d'une convergence vers la régulation par objectifs ?
Le constat des failles de la régulation a conduit à la remise en cause de deux extrêmes 89 ( * ) : des autorités sectorielles et fragmentées selon le schéma américain, et le modèle britannique de l'autorité intégrée et unique (toutefois distincte de la banque centrale), la Financial Services Authority (FSA) ayant été très critiquée pour sa gestion de la faillite de Northern Rock en juillet 2007. En Allemagne a contrario , les vives critiques à l'encontre de la Bafin ( Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht ) tendent à renforcer la légitimité de la Bundesbank comme superviseur unique des banques.
Les réformes en cours ou projets annoncés aux Etats-Unis, en France et au Royaume-Uni témoignent de la primauté désormais accordée à deux grands objectifs : la préservation de la stabilité financière et la protection du consommateur de produits et services financiers (épargne, assurance ou crédit).
Certes, on n'assiste pas à la généralisation du modèle de régulation par objectif, selon une architecture en « deux piliers » (modèle dit « twin peaks ») analogue à celle qu'ont adoptée l'Australie 90 ( * ) et les Pays-Bas 91 ( * ) . La remise en cause de certaines pesanteurs institutionnelles et la volonté de mettre en place des systèmes de supervision plus adaptés à la réalité de la finance contemporaine traduisent cependant des préoccupations communes, susceptibles de fournir le socle d'une coopération plus approfondie entre autorités nationales 92 ( * ) , en particulier transatlantique, ou même entre celles d'un même pays (la SEC et la CFTC par exemple).
1) La difficile réforme des autorités américaines de supervision
La réforme institutionnelle présentée aux Etats-Unis par MM. Barack Obama et Tim Geithner, secrétaire au Trésor, marque un effort important quoique perfectible 93 ( * ) de rationalisation de la surveillance du système financier, qui se heurte cependant à de fortes résistances du Congrès et des banques. Il prévoit essentiellement :
- un Conseil de supervision des services financiers ( Financial Services Oversight Council ), présidé par le secrétaire au Trésor et auquel siègeraient notamment les présidents de la Fed, de la SEC et de la FDIC ( Federal Deposit Insurance Corporation ), identifierait les lacunes et risques au niveau macro-prudentiel. Il disposerait également d'un pouvoir de veto sur les agences de régulation ;
- la Fed serait investie d'un nouveau pouvoir de supervision de tous les grands établissements financiers à caractère systémique , la gestion de leur éventuelle faillite étant confiée à la FDIC. L'OTS ( Office of the Thrift Supervision ) et l'OCC ( Office of the Comptroller of the Currency ) quant à eux disparaîtraient au profit d'un nouveau superviseur bancaire national ( National Bank Supervisor ). La fusion de la SEC et de la CFTC n'est en revanche pas prévue ;
- la SEC verrait son mandat sur les hedge funds et les banques d'investissement conforté. Celle-ci a par ailleurs présenté en octobre 2009 un plan stratégique ambitieux pour 2010-2015, comportant 70 mesures destinées à renforcer la surveillance boursière ;
- une nouvelle Agence de protection financière des consommateurs ( Consumer Financial Protection Agency ), qui regrouperait sept régulateurs fédéraux actuels et aurait notamment autorité sur les pratiques en matière de cartes de crédit (ce qui concerne potentiellement 6.000 émetteurs), de crédit immobilier et de comptes d'épargne, voire sur les moyens de paiement sécurisés sur Internet.
Les critiques sur ce projet n'ont pas manqué, mais les plus intéressantes relèvent qu'une application réelle de la législation existante (notamment sur les pouvoirs de la Fed et de la FDIC) permettrait de remplir une bonne partie des objectifs. En outre, le pouvoir de veto dont serait investi le Conseil de supervision des services financiers contribuerait à renforcer l'emprise des autorités politiques, au détriment de la responsabilité des agences. De même, l'incertitude demeure sur les pouvoirs de sanction de la nouvelle agence de protection des consommateurs, qui a vocation, pour asseoir sa crédibilité, à être aussi puissante et efficace que la Federal Trade Commission ou la Food and Drug Administration .
2) La FSA entre continuité et remise en question
Au Royaume-Uni , le projet de réforme présenté en juillet 2009 par M. Alistair Darling, Chancelier de l'Echiquier, a préservé l'architecture actuelle et en particulier la FSA. Le président de cette dernière, Lord Adair Turner, s'est néanmoins distingué par un discours beaucoup plus véhément à l'égard des banques et opérateurs de marché. Les Conservateurs ont également publié en juillet 2009 un Livre blanc sur la régulation financière, dans lequel ils annoncent vouloir mettre fin à l'actuel accord tripartite (entre la Banque d'Angleterre, le ministère des finances et la FSA) au profit d'un système « twin peaks » . Parmi les mesures préconisées, la banque centrale verrait son mandat et ses pouvoirs considérablement renforcés et une nouvelle agence de protection des consommateurs serait créée.
3) Le projet français : un pas important vers la régulation par objectif
Enfin en France , une réforme d'assez grande ampleur est en cours (cf. encadré ci-dessous) et conduira à mieux identifier le pôle prudentiel et le pôle de contrôle des pratiques commerciales et de marché, sans toutefois appliquer jusqu'au bout la logique « twin peaks » puisque ce second pôle ne serait pas transféré à l'AMF.
Il est vrai que l'hypothèse d'une extension du champ de surveillance de l'AMF aux conditions et pratiques d'octroi du crédit conduisait non seulement à se poser la question des moyens et de l'adaptation « culturelle » de cette autorité, mais encore et surtout celle du sort de la médiation bancaire et du traitement du surendettement.
Les principaux axes du projet français de réforme des autorités de supervision L'article 152 de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a habilité le Gouvernement, dans un délai de 18 mois, à prendre « les mesures relatives aux autorités d'agrément et de contrôle du secteur financier en vue de garantir la stabilité financière et de renforcer la compétitivité et l'attractivité de la place financière française. Ces mesures ont notamment pour objet de redéfinir les missions, l'organisation, les moyens, les ressources, la composition ainsi que les règles de fonctionnement et de coopération des autorités d'agrément et de contrôle du secteur bancaire et de l'assurance, notamment en prévoyant le rapprochement, d'une part, entre autorités d'un même secteur et, d'autre part, entre la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles [...] ». Une mission de réflexion et de propositions sur l'organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières a été confiée par Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, à M. Bruno Delétré, qui a remis son rapport en janvier 2009. Il préconise une organisation de type « twin peaks », soit : - une fusion de la Commission bancaire, du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI, soit l'autorité d'agrément), du Comité des entreprises d'assurance et de l'Autorité de contrôle des assurances et mutuelles (ACAM) ; - et un élargissement des missions de l'AMF au contrôle du respect des obligations professionnelles à l'égard de la clientèle, afin de mieux garantir la protection du consommateur de services financiers ou d'assurance. La création d'une nouvelle autorité de contrôle prudentiel, commune aux secteurs des banques et des assurances, a été actée le 27 juillet 2009. L'ordonnance correspondante doit être finalisée d'ici la fin de l'année 2009 et fait l'objet d'une consultation publique. Cette autorité serait dotée d'un collège unique de seize membres, de deux sous-collèges sectoriels et d'une commission des sanctions de quatre membres. A l'instar de la Commission bancaire, elle sera logée à la Banque de France et profiterait donc pleinement de sa connaissance du secteur bancaire. Elle disposera du statut d'autorité administrative indépendante, et son mandat devrait être explicitement axé sur la préservation de la stabilité du système financier et la protection des clients, assurés et bénéficiaires. M. Delétré a remis le 15 juillet un second rapport, non public, sur « les règles et la supervision relatives au respect par les intermédiaires financiers de leurs obligations envers la clientèle », en particulier dans un objectif d'harmonisation des règles. Celles afférentes à la distribution des produits d'assurance-vie ont déjà été assez largement alignées, par une ordonnance du 30 janvier 2009, sur celles en vigueur pour les instruments financiers depuis la transposition de la « directive MIF », précitée. Le projet d'ordonnance ne fait qu'initier une démarche de régulation par objectif, sans en tirer toutes les conséquences institutionnelles . Plutôt que de créer une nouvelle autorité ou de confier la surveillance de l'ensemble des obligations déontologiques à l'AMF, il est proposé que l'AMF et la nouvelle autorité conservent leurs prérogatives pour les produits financiers qui les concernent. La coopération entre les deux autorités serait cependant développée, du fait de l'imbrication croissante entre les produits d'épargne (assurance-vie et OPCVM notamment) et du développement d'acteurs distribuant toute la gamme des produits d'assurance et bancaires. La nouvelle autorité et l'AMF créeraient ainsi un pôle qui élaborerait une politique commune sur les contrôles et suites à donner , assurerait une veille sur l'évolution des produits et une surveillance conjointe de la publicité. Il constituerait un point d'entrée unique pour les demandes des consommateurs, mais toute décision serait prise uniquement par chaque autorité, selon les cas traités. L'AMF a anticipé ce mouvement en prévoyant notamment la création d'une direction des relations avec les épargnants, le renforcement du contrôle des campagnes commerciales et des achats anonymes de produits d'épargne. |
b) Des réformes destinées à combler les « trous » de la supervision
Une des priorités du G 20, exprimée dès le sommet de Washington, a été de ne laisser aucun acteur ou marché hors du champ de la régulation, quel que soit son degré d'intensité. Les démarches déjà accomplies ou en cours dans trois domaines - les agences de notation, les fonds dits « alternatifs » (fonds spéculatifs et de capital-investissement) et les dérivés de gré à gré - témoignent d'une volonté internationale d'assurer une meilleure continuité de la supervision micro-prudentielle sur l'ensemble de l'écosystème financier.
La Commission européenne , en particulier M. Charlie McCreevy, commissaire au marché intérieur, a de façon assez soudaine considérablement infléchi sa doctrine et aplani ses résistances antérieures, et a présenté un plan ambitieux d'extension du champ de la régulation. Lors du sommet de Pittsburgh, le G 20 a également réaffirmé certains principes, en insistant sur la protection du consommateur, la transparence et l'internationalisation des normes.
Déclaration des dirigeants lors du sommet du
G 20 de Pittsburgh
« (...) Notre travail n'est pas terminé. Il reste encore beaucoup à faire pour protéger les consommateurs, les déposants et les investisseurs contre les pratiques de marchés abusives, promouvoir des normes de grande qualité et veiller à ce que le monde ne soit plus confronté à une crise de l'ampleur que nous avons connue. « Nous sommes déterminés à prendre des mesures aux niveaux national et international pour renforcer ensemble les normes afin que nos autorités nationales mettent en oeuvre des normes mondiales de manière rigoureuse afin d'assurer l'égalité des conditions de concurrence et d'éviter la fragmentation des marchés, le protectionnisme et l'arbitrage réglementaire . Les efforts que nous avons engagés pour traiter les actifs dépréciés et encourager la mobilisation de capitaux supplémentaires doivent être poursuivis chaque fois que cela est nécessaire. Nous nous engageons à mener si besoin des tests de résistance transparents et stricts. « Nous invitons les banques à conserver une plus grande proportion des bénéfices actuels pour reconstituer leur capital, en tant que de besoin, pour soutenir les prêts. Les originateurs et les sponsors de titrisation devront conserver une partie du risque des actifs sous-jacents, ce qui doit les encourager à agir prudemment. En outre, nous sommes convenus d'améliorer la régulation, le fonctionnement et la transparence des marchés financiers et physiques de matières premières afin de remédier à la volatilité excessive des prix des matières premières. » |
1) Le règlement européen sur les agences de notation
La part de responsabilité des agences de notation dans la crise, ainsi que l'a souligné fin 2008 M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF, « n'est pas exclusive mais n'est pas marginale ». La Commission européenne a présenté dès le 12 novembre 2008 une proposition de règlement sur l'encadrement de ces agences, qui pour l'essentiel reprend les principaux points du code de conduite de l'OICV, actualisé en mai 2008 94 ( * ) . Cette proposition développe les trois axes suivants :
- l'indépendance et la prévention des conflits d'intérêt : examen des liens entre analystes et entités notées, rotation individuelle des analystes tous les cinq ans, présence d'administrateurs indépendants dans les organes dirigeants, séparation des fonctions de notation et de conseil et limitation des services auxiliaires ;
- une procédure européenne d'enregistrement associant le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CERVM) et les autorités des Etats membres d'origine des agences. Dans le régime transitoire actuel, le CERVM ne fait cependant que centraliser et coordonner les demandes d'enregistrement, qui sont instruites par les autorités nationales. L'agrément est susceptible d'être retiré en cas de violation sérieuse et répétée de la réglementation. A la suite du vote du Parlement européen, fin avril 2009, le rôle du CERVM - auquel succèdera l'Autorité européenne des marchés financiers (cf. infra ) - comme point d'entrée unique de l'enregistrement devrait être renforcé courant 2010 ;
- le renforcement de la transparence des agences et de la qualité des notations : divulgation des conflits d'intérêts potentiels ou réels et du mode de rémunération, obligations relatives à la présentation des notations (méthodologie, fiabilité des informations...), obligations de publication périodique des méthodes et hypothèses utilisées, traitement des notations élaborées hors de l'Union européenne 95 ( * ) .
Le règlement ne détaille cependant pas les sanctions susceptibles d'être prises par les régulateurs nationaux en cas d'infraction. Il ne traite pas non plus les enjeux de l'ouverture de l'oligopole à la concurrence et de la nécessité du dialogue transatlantique avec la SEC. Cependant l'encadrement des agences crée en soi des barrières à l'entrée et n'est donc pas un facteur de diversification de l'offre de notation.
2) Le projet controversé de directive sur les gérants de fonds alternatifs
L'encadrement des fonds alternatifs a également donné lieu à une proposition de directive sur les gérants de tels fonds, dite « directive AIFM » (« Alternative Investment Funds Managers »), publiée le 30 avril 2009. Elle est beaucoup plus controversée que le règlement sur les agences de notation, car jugée trop souple par certains Etats membres (Allemagne et France) et trop stricte par d'autres (Irlande et Royaume-Uni en particulier). Les principaux points de désaccord sont exposés dans la seconde partie.
Le champ de la proposition de directive est vaste puisqu'il englobe tous les fonds qui ne sont pas réglementés par la directive sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dite « directive UCITS », soit essentiellement les fonds spéculatifs (« hedge funds ») et les fonds de capital-investissement.
Elle propose un encadrement des gestionnaires et acteurs de la chaîne de valeur plutôt que des fonds eux-mêmes , en appliquant deux principes : tous les acteurs présentant un risque systémique pour le système financier doivent être régulés, et les gestionnaires bénéficient d'un passeport de commercialisation transfrontalière au sein de l'Union européenne, en contrepartie du respect de certaines obligations de suivi des risques et de transparence. Ses principales dispositions sont les suivantes :
- un seuil qui détermine le champ de la réglementation, soit 100 millions d'euros d'actifs gérés pour un fonds recourant au levier (soit les hedge funds et fonds de LBO) et 500 millions d'euros pour les fonds de capital-investissement ;
- le principe d'un agrément , sollicité par tout gestionnaire auprès de l'autorité compétente de l'Etat de son siège statutaire ;
- les informations requises pour cet agrément, telles que l'identité des actionnaires du gestionnaire, son programme d'activité, les caractéristiques des fonds alternatifs qu'il prévoit de gérer, le règlement ou les documents constitutifs de chaque fonds, les délégations éventuelles, et les dispositions prises pour la conservation des actifs ;
- les diverses obligations imposées au gestionnaire : règles de conduite (traitement équitable et loyal du client, gestion des conflits d'intérêt, fonctions distinctes de gestion des risques, système de gestion de la liquidité...), mesures de publicité et de transparence à l'égard des investisseurs et des autorités compétentes, exigences minimales de fonds propres (125.000 euros), règles en matière d'organisation (notamment sur l'évaluateur indépendant et sur le dépositaire , ce qui est particulièrement important au regard de « l'affaire Madoff » 96 ( * ) ) et de délégation de gestion ;
- des exigences supplémentaires pour les fonds « recourant de manière systématique à un levier élevé » et pour les gestionnaires qui acquièrent individuellement ou conjointement le contrôle de sociétés non cotées ;
- les conditions relatives à la commercialisation des fonds par leur gestionnaire. L'article 32 prévoit que les Etats membres peuvent autoriser la commercialisation de fonds alternatifs auprès d'investisseurs de détail , et imposer à cette fin des exigences plus strictes au gestionnaire ou au fonds alternatif ;
- des règles spécifiques concernant les pays tiers , qui ont en particulier trait à l'agrément des gestionnaires établis dans ces pays (disposition sans doute la plus contestée de la proposition, cf. infra seconde partie) et à la délégation des tâches de dépositaire d'un fonds domicilié dans un pays tiers ;
- des dispositions relatives aux autorités compétentes (pouvoirs, sanctions, coopération, médiation...).
Il est prévu que le champ de la directive soit rééxaminé deux ans après la date limite de transposition, en tenant compte des évolutions à l'échelon international et des discussions avec les pays tiers.
3) Les nombreuses initiatives en matière de dérivés de crédit
Les produits dérivés négociés de gré à gré , en particulier les dérivés de crédit CDS (cf. supra ), dont les volumes de transactions ont surpris plus d'un observateur, n'ont pas lieu de faire l'objet d'un texte législatif communautaire. L'enjeu principal est d'intégrer ces produits dans des marchés réglementés et organisés , et par conséquent d'assurer leur traitement « post-marché » par une chambre de compensation (« central counterparty clearing house » - CCP), qui permet de centraliser la couverture du risque de contrepartie 97 ( * ) .
De nombreuses initiatives concomitantes, publiques et privées, ont été prises et poursuivent trois objectifs déterminants et liés 98 ( * ) que sont la standardisation des contrats en amont, la centralisation de la compensation en aval, et l'établissement d'un registre des positions permettant de mieux évaluer les effets systémiques potentiels :
- lors du sommet d'avril 2009, le G 20 a pris l'engagement d'oeuvrer en faveur de la normalisation et de la résilience des marchés de dérivés de crédit, notamment par le recours aux chambres de compensation. Le Conseil européen du 19 juin 2009 a également appelé à réaliser de nouveaux progrès en matière de transparence et de stabilité des marchés de dérivés ;
- l' International Swaps and Derivatives Association ( ISDA ), acteur clef du secteur 99 ( * ) , a accéléré ses travaux sur la standardisation des contrats , en particulier le dénouement des CDS, dans le cadre de deux protocoles dénommés « Big » et « Small Bang ». Avec d'autres associations, elle défend le principe d'une uniformisation des processus (documentation et cadre juridique) plutôt que des produits.
La standardisation des contrats sur indice a progressé, mais celle des contrats adossés à un sous-jacent unique 100 ( * ) (contrats dits « single name ») est plus délicate à réaliser. De même, la normalisation des règles d'exercice des CDS (soit la protection contre le risque de crédit sous-jacent) peut se heurter à des difficultés telles que la caractérisation de l'événement de crédit (en particulier le cas d'une restructuration de la dette) et le monopole bancaire lorsque le sous-jacent du contrat est un prêt ;
- plusieurs chambres de compensation fournissent d'ores et déjà des services pour les CDS : Intercontinental Exchange Trust (ICE) aux Etats-Unis, ICE Clear Europe et Eurex Clearing (filiale conjointe des bourses allemande et suisse) en Europe. LCH.Clearnet SA (filiale française de LCH.Clearnet ) a annoncé le lancement de sa plate-forme de compensation de contrats sur sous-jacents européens d'ici la fin de l'année 2009 ;
- le 3 juillet 2009, la Commission européenne a publié une communication intitulée « Rendre les marchés de produits dérivés plus efficaces, plus sûrs et plus solides » et ouvert une consultation publique sur les dérivés OTC, qui a été clôturée le 31 août 2009. Dix opérateurs se sont également engagés à compenser les CDS d'entités européennes qu'ils traitent en faisant appel à une ou plusieurs contreparties centrales régulées au sein de l'Union européenne. La Commission compte prendre des initiatives législatives en 2010, qui auront notamment trait à la régulation des chambres de compensation et du reporting sur les transactions de gré à gré ;
- le Trésor américain a publié le 11 août 2009 un projet de réglementation des produits dérivés de gré à gré, qui prévoit des exigences de fonds propres et de conduite pour les courtiers, et une obligation de passer par une chambre de compensation pour les produits « normalisés ». Les prérogatives de surveillance des CDS seraient partagées entre la CFTC et la SEC. Mme Mary Shapiro, présidente de la SEC, a cependant considéré que ce projet ne traite pas suffisamment les risques de contournement par des produits bancaires et de fraude, et que des codes de conduite plus rigoureux devaient être imposés pour mieux protéger les investisseurs profanes ;
- 35 autorités nationales et banques centrales, dont la FSA, la Fed et la BCE, ont annoncé le 4 septembre 2009 la création d'un forum d'échanges sur les dérivés de gré à gré ;
- enfin plus récemment, l'AMF , par la voix de son président Jean-Pierre Jouyet, a insisté auprès de la Commission européenne pour qu'elle « adopte une attitude ambitieuse et se dote d'un arsenal juridique et technique complet pour permettre à l'Europe d'être en position de discuter au plan international ». L'AMF a ainsi appelé de ses voeux la mise en place d'une chambre de compensation et d'une base de données centralisée pour les dérivés de crédit en zone euro, un recours plus généralisé aux marchés réglementés, et une directive européenne sur les infrastructures de post-marché.
Le groupe de travail se félicite que les nombreux travaux en cours aboutissent à des résultats concrets et rapides, mais déplore que l'Europe ait pris un important retard dans la structuration économique et la réglementation des produits dérivés OTC. Le marché est en effet largement dominé par des acteurs américains , et accessoirement britanniques :
- trois des cinq plus grands initiateurs de CDS en 2009 sont des banques américaines 101 ( * ) ;
- l'ISDA est de culture anglo-saxonne et ses travaux sont plus avancés pour les CDS sur entités de référence américaines ;
- le fournisseur de référence de données sur les prix de marché des CDS est Markit (société britannique), qui assure également la cotation des indices ;
- la principale chambre de compensation est ICE, en position de quasi monopole sur les CDS. La structure créée en mars 2009 par le Chicago Mercantile Exchange et Citadel (qui est un hedge fund ) est plutôt positionnée sur la compensation de dérivés de change. L'activité d' Eurex Clearing était quasi nulle en septembre 2009, et l'offre conjointe du marché Liffe et de LCH.Clearnet Ltd a été arrêtée en juin 2009 ;
- enfin la Depository Trust and Clearing Corporation (DTCC, constituée sous forme de coopérative) 102 ( * ) domine le segment du règlement-livraison et dispose depuis 2006 d'une base de données irremplaçable avec la Trade Information Warehouse , seule centrale d'enregistrement des contrats CDS dans le monde.
* 89 Entre ces deux pôles existe une gamme diversifiée de systèmes intégrés (au sein de la banque centrale ou avec un superviseur unique à proximité de cette dernière) et sectoriels (parmi lesquels celui de la France).
* 90 Avec l' Australia Prudential Regulatory Authority (APRA) et l' Australia Securities and Investment Commission (ASIC).
* 91 Les deux autorités néerlandaises sont la Banque des Pays-Bas et l'Autorité des marchés financiers ( Autoriteit Financiële Markten - AFM).
* 92 La FSA et la CFTC ont par exemple décidé fin août 2009 de renforcer leur coopération en matière de surveillance des marchés de l'énergie, par un accès réciproque aux données de marché et un cadre commun pour les mesures d'urgence.
* 93 Mais plus ambitieux que le plan présenté en avril 2008 par M. Henry Paulson.
* 94 La dérive des agences a traduit l'échec de la première version du code, élaborée en 2005.
* 95 Deux cas de figure peuvent se présenter :
- si l'agence possède une filiale implantée dans l'Union européenne, ce qui est le cas des trois principales, il suffit que la filiale européenne, dûment enregistrée, « endosse » ladite notation et en assume la responsabilité ;
- si l'agence n'est pas implantée dans l'Union, l'utilisation de sa note suppose que la Commission européenne reconnaisse l'équivalence entre la supervision européenne et celle du pays d'origine, et qu'elle prévoie une forme de coopération avec l'autorité européenne concernée.
* 96 L'article 17 de la proposition de directive prévoit ainsi une séparation stricte entre gestionnaire et dépositaire . Il autorise la délégation des fonctions de dépositaire, mais précise que « le dépositaire est responsable à l'égard du gestionnaire et des investisseurs du fonds alternatif de tout préjudice subi par eux et résultant de l'inexécution de ses obligations ». Cette responsabilité ne peut être affectée par une éventuelle délégation.
* 97 Les chambres de compensation, qui sont des entités régulées et ont généralement un statut d'établissement de crédit (donc, en Europe du moins, sont soumises au régime « Bâle II »), présentent d'importants avantages en termes de stabilité financière et de cantonnement du risque systémique :
- elles s'interposent en tant que contrepartie centrale unique de l'ensemble des transactions qu'elles enregistrent ;
- à l'instar des marchés réglementés, elles demandent à leurs adhérents d'assumer certaines obligations ;
- elles demandent aux participants un dépôt initial de garantie (pour la couverture des risques futurs) et réalisent des appels de marge quotidiens (pour la couverture des variations de prix passées) ;
- elles assurent la novation (soit l'enregistrement des opérations et la prise en charge de la garantie) de manière hebdomadaire ou quotidienne ;
- elles centralisent le risque net global de leurs membres et disposent du capital suffisant pour faire face à la défaillance de l'un d'entre eux ;
- elles disposent d'un fonds mutuel de garantie ayant vocation à couvrir les risques « extrêmes » résultant d'une volatilité exceptionnelle.
* 98 En effet, les dérivés susceptibles d'être compensés sur une CCP sont essentiellement les contrats standardisés, et le recours à la compensation centralisée appelle logiquement des transactions sur des marchés organisés.
* 99 L'ISDA est une organisation professionnelle qui regroupe les intervenants majeurs des marchés de dérivés et dont la principale activité est d'élaborer des contrats standards de référence pour les transactions (« master agreements »).
* 100 Néanmoins les CDS sur emprunteur unique partagent désormais une caractéristique commune avec les CDS sur indice : depuis juin 2009, les coupons versés par l'acheteur de protection au vendeur sont fixes , selon une échelle en quatre niveaux (de 25 à 1.000 points de base) pour les CDS sur entités européennes, et en deux niveaux pour les CDS sur entités américaines (100 ou 500 points de base).
* 101 Soit, d'après l'agence de notation Fitch , JP Morgan Chase , Goldman Sachs et Morgan Stanley . Barclays et Deutsche Bank figurent respectivement en troisième et quatrième positions.
* 102 La DTCC et Markit ont également annoncé la création d'une société commune (opérationnelle depuis le 1 er septembre 2009), MarkitSERV , ayant pour objet l'automatisation du traitement des transactions de gré à gré sur produits dérivés.