A. - La gestion des suites de la sécheresse de 2003 1. Entre 1989 et 2007, plus de 444.000 sinistres dus à la sécheresse ont été recensés, pour un coût total de 4,1 milliards d'euros, soit 9.200 euros en moyenne par sinistre. Ces sinistres sont liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux (ou subsidence), qui affecte l'intégrité des bâtiments. 2. La sécheresse de 2003 fut exceptionnelle par son intensité et par ses caractéristiques. Cette sécheresse estivale a causé, à elle seule, environ 138.000 sinistres. Son coût est évalué à 1.018 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance. 3. La reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle imputable à la sécheresse repose sur des critères dont la pertinence est, à juste titre, contestée. Particulièrement inadaptés à l'épisode de 2003, ces critères ont fait l'objet de plusieurs ajustements, conduisant à classer en état de catastrophe naturelle 4.441 communes sur 8.022 ayant sollicité ce classement. 4. Les ajustements opérés des critères de reconnaissance ont, au moins en partie, reposé sur des considérations budgétaires. Ces critères ont notamment été « calibrés » afin d'éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT n'entraîne l'appel en garantie de l'Etat. 5. Le zonage météorologique « Aurore », dont les données sont exploitées pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, présente un maillage très lâche. Ainsi, des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu subir des traitements différenciés au regard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et ce pour la seule raison qu'elles étaient rattachées à des zones « Aurore » différentes. 6. Dans le cadre de la loi de finances pour 2006, l'Etat a mis en oeuvre, sur l'invitation pressante du Parlement, une procédure exceptionnelle d'indemnisation au bénéfice des ressortissants des communes non reconnues en état de catastrophe naturelle. 218,5 millions d'euros ont été consacrés à ces aides complémentaires, dont l'attribution a reposé sur une instruction déconcentrée des dossiers. 7. En dépit de la mobilisation incontestable de la plupart des services préfectoraux, les modalités de mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle ont révélé plusieurs faiblesses, dont la plus importante a consisté à fonder l'instruction des dossiers sur de simples devis. Motivé par le souci d'indemniser rapidement les victimes, ce choix a toutefois conduit à octroyer des indemnisations dont le montant a pu se révéler très insuffisant au regard des travaux effectivement nécessaires. 8. La sécheresse de 2003 a causé un désarroi profond et durable chez les victimes insuffisamment ou pas indemnisées, ainsi que chez les élus des communes non reconnues en état de catastrophe naturelle. Le maintien de collectifs d'élus ou de sinistrés très actifs, les saisines fréquentes dont font l'objet les parlementaires, ou encore les recours intentés par les victimes ou les communes concourent à démontrer que la gestion de la sécheresse de 2003 n'est pas soldée. 9. Le groupe de travail souhaite que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse. Il souhaite être régulièrement informé de l'état de ce reliquat et de son emploi par les services de l'Etat. 10. Le groupe de travail demande au Gouvernement de mettre en oeuvre une vague complémentaire d'indemnisations. Afin de circonscrire les effets d'aubaine et de limiter les demandes reconventionnelles, ces indemnisations pourraient être réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et devraient être conditionnées par la réalisation d'une expertise préalable. B. - Quelles leçons pour l'avenir ? 11. Après 2003, l'Etat a tardé à prendre toutes les mesures de nature à prévenir le risque de subsidence. En effet, tout porte à croire que le caractère lent et diffus du phénomène n'a pas incité les pouvoirs publics à le traiter avec célérité. 12. Une large gamme d'outils et de procédures favorise aujourd'hui, en théorie, l'information préventive du public sur le risque de subsidence. La portée réelle de ces outils et procédures est toutefois douteuse, et une sensibilisation accrue des services de l'Etat, des élus locaux et des populations est nécessaire, s'agissant d'un risque dont les implications commencent seulement à être appréhendées. 13. Les maires des communes situées en zone d'aléa argileux fort doivent être rapidement et systématiquement alertés des enjeux liés au phénomène de subsidence. En conséquence, le groupe de travail préconise la mise en oeuvre, avant la fin de l'année 2010, d'une procédure d'alerte spécifique de ces élus, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme et d'instruction et de délivrance des permis de construire. 14. Aucune adaptation significative des règles de construction au phénomène de retrait-gonflement n'est intervenue depuis 2003, ce qui apparaît d'autant plus regrettable que les conséquences de ce phénomène peuvent être circonscrites par des techniques relativement simples à mettre en oeuvre. Le groupe de travail préconise de rendre obligatoire la réalisation d'une étude de sol, à la charge des maîtres d'ouvrage, pour toute construction nouvelle en zone à risque argileux avéré. 15. En tant que préalable à l'édiction de nouvelles normes de construction, l'achèvement de la cartographie de l'aléa argileux doit constituer une mission prioritaire du Bureau de recherches géologiques et minières. Le cas échéant, les collectivités territoriales particulièrement exposées à cet aléa pourraient être aidées, via le Fonds de prévention des risques naturels majeurs, à affiner cette cartographie, de manière à disposer d'une information fiable à l'échelle des parcelles. 16. La réforme envisagée du régime CAT-NAT doit s'accompagner du maintien des sinistres dus au retrait-gonflement au sein du périmètre d'indemnisation. 17. Les exclusions partielles de la couverture CAT-NAT, visant notamment les dégâts superficiels ou les bâtiments couverts par l'assurance décennale ou bien par la garantie dommages-ouvrages, ne doivent pas conduire à fragiliser la situation des sinistrés à l'égard des constructeurs ou des compagnies d'assurance. 18. Dans l'hypothèse où une évolution de la réglementation aboutirait à de nouvelles prescriptions en matière d'études de sol ou de profondeur minimale de fondations, le non-respect de ces prescriptions pourrait être sanctionné par une exclusion de la couverture CAT-NAT, sous réserve d'informer en amont et de façon très circonstanciée les maîtres d'ouvrage de la sanction encourue. 19. Les travaux de recherche pluridisciplinaire en cours pour objectiver les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse doivent trouver une traduction opérationnelle rapide et faire l'objet d'une large publicité et d'une présentation accessible et compréhensible pour les citoyens. C. - Quelle réforme globale pour le régime CAT-NAT ? 20. Le groupe de travail juge que la réforme du régime CAT-NAT ne doit pas bouleverser son équilibre général. Ce régime a, en effet, largement fait ses preuves : le caractère solidaire du financement a donné globalement satisfaction aux assurés et le mécanisme d'indemnisation s'est avéré rentable pour le secteur assuranciel. 21. La procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doit être plus transparente. A cet égard, les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés. Cette traduction permettrait également une meilleure anticipation des assureurs s'agissant de la charge de sinistralité à indemniser. Elle pourrait aussi conduire au développement d'une offre complémentaire de couverture pour les sinistres situés en deçà des seuils applicables dans le cadre du régime CAT-NAT. 22. La suppression de l'arrêté interministériel n'est pas souhaitable, l'absence d'intermédiation des pouvoirs publics étant susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs. Une telle mesure pourrait générer des contentieux en cas de refus d'indemnisation par l'assureur. Le dialogue qui s'instaure entre les acteurs publics et les assurés lors de la gestion des demandes d'indemnisation doit donc être préservé. En outre, la prise d'arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale dont la portée « symbolique » ne doit pas être négligée lors de la survenance de catastrophes majeures. 23. Il pourrait être opportun de renforcer la proximité du circuit de décision présidant à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle, en décentralisant cette décision à l'échelon local pertinent. Assureurs et assurés seraient présents lors de l'examen des demandes et la cohérence de l'application des critères et des seuils sur l'ensemble du territoire serait garantie par un mécanisme d'appel devant la commission interministérielle, qui intervient au niveau national. 24. Le rythme de prescription et d'approbation des plans de prévention des risques naturels majeurs doit être accéléré. S'agissant des inondations, la transposition en cours d'une directive européenne devrait permettre une meilleure adaptation de ceux-ci à la réalité du risque en prévoyant la coordination des plans au niveau approprié, celui du bassin hydrographique. 25. La modulation de la surprime CAT-NAT en fonction de l'exposition aux risques est à exclure, s'agissant des particuliers, en tant qu'elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime. Sa mise en oeuvre est en revanche possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l'expertise pour réduire leur exposition au risque. Faute d'étude d'impact, le groupe de travail juge inopportune, à ce stade, une modulation accrue des franchises applicables en cas de sinistre. 26. L'élargissement progressif du périmètre d'intervention du Fonds de prévention des risques naturels majeurs a conduit à un accroissement considérable de ses dépenses et a dégradé sa situation financière. L'indispensable augmentation de ses ressources, opérée à l'initiative de votre commission des finances, doit aujourd'hui s'accompagner d'une rationalisation et d'une mise en cohérence de ses missions. 27. La Caisse centrale de réassurance (CCR) joue un rôle stratégique dans la gestion de la couverture des risques de catastrophes naturelles, et plus largement dans celle des défaillances ponctuelles du marché de l'assurance. En dépit de l'incertitude sur l'augmentation éventuelle de la fréquence ou de l'intensité des aléas naturels, la charge de la sinistralité semble appelée à augmenter. 28. La capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux doit être analysée dans les meilleurs délais. Dans l'hypothèse où sa solidité financière ne serait pas garantie à moyen terme, le groupe de travail estime nécessaire de relever le plafond des provisions qu'elle peut constituer en franchise d'impôt. Un tel arbitrage pèserait sur les recettes d'impôt prélevé sur les sociétés à court terme, mais diminuerait la probabilité d'appel en garantie de l'Etat face à une catastrophe majeure, dont le coût serait potentiellement très élevé. |
Sécheresse de 2003 : un passé qui ne passe pas
Rapports d'information
Rapport d'information n° 39 (2009-2010), déposé le