C. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE DANS LA PÉNINSULE ARABE ET LE GOLFE
Longtemps absente de la péninsule arabe, la France n'a commencé à y développer sa présence qu'avec Valéry Giscard d'Estaing. Celui-ci y fit une visite d'Etat dans les pays du Golfe en 1980. La création de ces Etats est tout à fait récente : 1961 pour le Koweït, 1971 pour les Emirats Arabes Unis, Bahreïn, Qatar et Oman.
Jacques Chirac, dont la politique fut marquée par une relation personnelle forte avec le Roi Abdallah d'Arabie saoudite, continua dans cette direction.
Depuis 1996, les relations entre la France et l'Arabie saoudite s'inscrivent dans le cadre d'un « partenariat stratégique » et le dialogue est d'autant plus facile entre nos deux pays qu'il repose fréquemment sur une convergence de vues, sur des échanges commerciaux fructueux et une coopération scientifique et technique en développement. L'Arabie saoudite demeure le premier client de la France en matière d'armement et nous sommes son troisième fournisseur.
Nos relations avec les Emirats Arabes Unis (EAU) sont privilégiées car elles se situent dans le cadre d'un « partenariat stratégique global » conclu par Jacques Chirac en 1997 et qui inclut, outre un accord de défense exigeant, une coopération culturelle importante, comme l'atteste la réalisation en cours du grand musée du « Louvre Abou Dhabi ». Nos échanges commerciaux sont considérables et font des EAU, notre principal partenaire dans le Golfe. La récente construction de la base militaire navale d'Abu Dhabi ainsi que la concession d'emprises pour l'armée de terre et l'armée de l'air renforcent encore ce partenariat. Nos relations sont également excellentes avec Bahreïn et le Qatar comme l'atteste le projet de l'école militaire « Saint Cyr-Qatar ». En revanche, nos relations bilatérales ne sont pas à la hauteur de ce qu'elles devraient être avec le Koweït, en dépit des visites officielles, des efforts déployés par notre diplomatie et de la conclusion d'accords de coopération en matière scientifique et technique et dans l'enseignement supérieur (Institut Français du pétrole, HEC, IEP...).
D. LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE LA FRANCE À L'ÉGARD DE L'IRAN ET DE L'IRAK
L'histoire des relations franco-irakiennes commence sous les frères Aref, présidents de l'Irak dans les années 1960, et non pas, comme on le croit souvent, en 1974, avec les déclarations réciproques d'amitié entre Saddam Hussein et Jacques Chirac. Il est vrai que c'est à cette époque que naît une politique française ouvertement pro-irakienne qui se traduira par la construction du réacteur nucléaire de recherches « Osirak » et la vente de mirages F1. François Mitterrand poursuivit cette politique. Comme tous les Etats occidentaux, la France prit parti en faveur de l'Irak lorsque celui-ci attaqua l'Iran en 1980. En 1983, la France prêtera même à l'Irak cinq avions Super-Étendard armés de missiles Exocet qui iront frapper le terminal pétrolier de Kharg.
En août 1990, la France condamne vivement l'invasion du Koweït et participe activement aux forces de la coalition anti-irakienne pendant la deuxième guerre du Golfe 63 ( * ) , ce qui aboutit à la rupture des relations diplomatiques entre nos deux pays.
Mais, en réalité, la France n'a jamais cessé d'avoir une politique favorable à l'égard de ce pays qui, vu de Paris 64 ( * ) , apparaissait comme laïc et républicain. En 1995, Paris parvient à faire voter une résolution de l'ONU autorisant l'Irak à vendre une quantité limitée de pétrole pour acheter nourriture et médicaments. En 1998, la France joue un rôle important dans la crise opposant Bagdad et l'ONU à propos de l'accès des inspecteurs onusiens aux sites pouvant abriter des armes prohibées. Enfin, tout le monde se souvient des tentatives de notre pays afin d'empêcher la troisième guerre du Golfe engagée sans l'aval des Nations unies.
En mai 2003, Paris vote en faveur de la résolution 1483 mettant fin à treize ans de sanctions et donnant aux forces américano-britanniques le contrôle de l'économie et de l'avenir politique de l'Irak. En juillet 2004, les relations diplomatiques sont rétablies au niveau des ambassadeurs.
En décembre 2005, notre pays signe un accord de réduction de la dette irakienne, qui représente pour la France un effort de quatre milliards d'euros. Enfin, en août 2007, Bernard Kouchner est le premier ministre des affaires étrangères occidental à se rendre en Irak, visite renouvelée en mai 2008 et suivie en février 2009 par celle du Président Nicolas Sarkozy, qui annonce le prochain retour des entreprises françaises en Irak. Notre coopération a adopté un rythme plus soutenu et s'est diversifiée : formation des élites, soutien et valorisation de la culture irakienne, aide humanitaire, etc. L'ouverture d'un bureau de notre ambassade à Erbil complétera la représentation de la France en Irak.
Les relations de la France avec l'Iran furent plus chaotiques.
Avant la Révolution islamique, la France avait de bonnes relations avec le régime du Shah d'Iran. En 1975, Framatome se voit confier la construction de cinq centrales nucléaires et l'Iran se voit attribuer une participation dans Eurodif, une compagnie créée pour produire de l'uranium enrichi. La révocation du contrat par le Gouvernement Bakhtiar en 1979 et l'arrivée de la République islamique mettent en péril les relations franco-iraniennes.
En dépit de la sympathie ressentie par les Iraniens envers la France pour avoir accueilli l'Ayatollah Khomeiny et les opposants de tous bords au régime Pahlavi, aucun privilège particulier n'est accordé à la France par le nouveau régime. Après la victoire de la Révolution, des vagues successives de réfugiés arrivent à Paris et en France, créant une tension entre les deux pays. Shapour Bakhtiar, ancien Premier ministre, est le premier réfugié dont l'extradition est demandée par la République islamique. Les services spéciaux iraniens tentent de l'assassiner une première fois en 1980, sans succès, avant d'y réussir en 1991.
A partir de 1981, le Gouvernement socialiste entretient des relations tendues avec la théocratie iranienne. En 1982, François Mitterrand refuse d'appliquer l'accord Eurodif et de fournir de l'uranium à l'Iran. En représailles celui-ci réclame le remboursement du prêt d'un milliard de dollars accordé par le Shah. Les dirigeants de l'opposition iranienne, particulièrement les moudjahiddines du peuple ainsi que Bani Sadr se réfugient en France à partir de 1981.
La prise de position de la France en faveur de l'Irak pendant la première guerre du Golfe déclenche une réaction violente de l'Iran qui prendra la forme de prises d'otages au Liban et d'attaques terroristes sur le sol français. La France se lance à partir de 1987 dans une action tendant à contrer les attaques terroristes, qui se solde par la rupture des relations diplomatiques. Celles-ci ne seront reprises qu'en 1988.
Après la deuxième guerre du Golfe, les pays de la communauté européenne cherchent à adopter une politique plus indépendante des Etats-Unis. C'est le cas en particulier de la France. Notre pays s'insurge contre la loi d'Amato-Kennedy en 1996 qui vise à sanctionner les sociétés qui commercent avec les « Etats voyous » dont fait partie l'Iran, avec qui Total avait conclu l'année précédente un contrat de forage.
Avec l'élection de Mohammad Khatami à la présidence, les pays européens essayent de rétablir le dialogue avec l'Iran. Hubert Védrine, ministre français des affaires étrangères, se rend à Téhéran en août 1998 et invite formellement Khatami en France, visite qui n'aura pas lieu.
Aujourd'hui, l'Union européenne représente la moitié du commerce extérieur de l'Iran, mais la part de la France reste négligeable par rapport à celle de l'Allemagne. Rappelons qu'un accord protégeant et encourageant les investissements a été signé par la France avec l'Iran en 2003.
L'actuelle crise au sujet du programme nucléaire iranien pourrait détériorer fortement les relations économiques entre l'Europe et l'Iran.
* 63 On considère généralement la guerre entre l'Irak et l'Iran comme étant la « première » guerre du Golfe.
* 64 Voir en ce sens Jean-Pierre Chevènement : « Le vert et le noir » - Paris Grasset 1995