b) La cause de la discorde
Elle vient de la transformation des Frères Musulmans en un mouvement politique, le Hamas, en concurrence directe avec le Fatah.
C'est du reste bien sur le terrain politique que le Hamas s'oppose à l'OLP en reprenant les thèses qui étaient celles de l'OLP avant les années 1975, revendiquant la libération de toute la Palestine, alors qu'Arafat a évolué et s'apprête, au même moment, à faire reconnaître par le CNP la partition de la Palestine.
Les responsables israéliens ne s'y trompent pas et changent complètement d'attitude vis-à-vis du Hamas. Ils cherchent alors à entraver le développement de ce mouvement dont la ligne politique est devenue plus radicale que celle du Fatah. En mai 1989, les services de sécurité israéliens arrêtent 260 militants du Hamas dont le Cheikh Yassine pour meurtre et incitation à la violence. Il ne sera relâché qu'en 1997 pour prévenir des représailles palestiniennes à la tentative d'assassinat de Khaled Mechaal par le Mossad en Jordanie.
C'est de sa prison et en se plaçant sur le terrain politique que Cheikh Yassine rejette les accords d'Oslo, en 1993. Il propose à la place une hudna (trêve), en référence à la loi islamique, qui permet une trêve conditionnelle limitée à 10 ans maximum avec des non-musulmans, à condition toutefois qu'Israël se retire des territoires occupés. La trêve qu'il envisage est temporaire et le principe de non-reconnaissance de l'Etat d'Israël revendiqué dans la Charte du Hamas n'est pas remis en cause. C'est une stratégie très différente de celle de l'OLP.
L'installation de l'Autorité palestinienne à Gaza en 1994 pose au Hamas de nouveaux défis. Tiraillé entre sa rhétorique de libération totale de la Palestine, sa volonté de ne pas provoquer une guerre civile interpalestinienne et sa détermination à préserver son réseau associatif, il engage un dialogue avec Yasser Arafat. Ce dernier joue de la carotte et du bâton, multipliant les arrestations et les intimidations, tout en dialoguant avec l'Organisation et en autorisant certains de ses organes de presse. Fin 1995, il paraît même sur le point d'obtenir la participation du mouvement aux élections du Parlement palestinien de janvier 1996, ce qu'en définitive le Hamas rejettera.
L'assassinat d'Itzhak Rabin en novembre 1995, l'escalade entre les forces israéliennes et le Hamas marquée par une vague d'attentats-suicides en 1996, l'extension permanente de la colonisation israélienne en territoire palestinien, la victoire de Benjamin Netanyahou aux élections législatives israéliennes de 1996 changent la donne et poussent le Hamas à adopter une ligne radicale d'opposition violente qui, par contraste, associe le Fatah à l'échec du processus de paix et à l'inefficacité de l'Autorité palestinienne.
Cette ligne radicale trouvera sa pleine expression avec la seconde Intifada qui commence en septembre 2000 et qui séparera définitivement les deux mouvements. Les dirigeants militaires du Hamas organisent alors une campagne d'attentats-suicides qui atteint son paroxysme en 2002, provoquant, cette seule année, la mort de plus de deux cents civils israéliens et deux mille blessés. Abdel Aziz al-Rantissi, un des co-fondateurs du Hamas, déclare en 2003 que la Shoah n'a jamais eu lieu. Les programmes télévisés de la chaîne du Hamas -Al-Aqsa TV- diffusent des émissions aux connotations antisémites. Cela ne sera pas oublié en Israël.
En 2002, le Hamas est inscrit sur la liste des organisations terroristes au Canada, au Japon, aux Etats-Unis, et bien sûr en Israël, puis, en septembre 2003, par l'Union européenne. En Grande-Bretagne et en Australie, seule la branche armée du Hamas -les brigades Ezzedine Al-Quassam- est déclarée terroriste. En représailles aux attentats-suicides qui continuent de se poursuivre, Cheikh Yassine est assassiné par une « exécution ciblée » de l'aviation israélienne le 22 mars 2004 à Gaza, sur ordre d'Ariel Sharon. Son successeur Abdel Aziz al-Rantissi est également assassiné quelques jours après sa désignation. Par contraste avec le Hamas, l'OLP et le Fatah apparaissent désormais modérés.