c) Pour une approche renouvelée et plus percutante de la politique européenne en faveur des régions ultrapériphériques
Lors de son déplacement à Bruxelles, le 15 avril dernier, la délégation sénatoriale a pris toute la mesure du resserrement des marges de négociation auprès des instances européennes, qui résultent de l'élargissement à des pays au niveau de vie souvent inférieur à celui constaté dans nos DOM, ainsi que du contexte de crise économique mondiale.
Face aux enjeux majeurs pour ces départements que sont l'avenir de la politique régionale, la reconduction du régime de l'octroi de mer ou encore l'insertion de ces régions dans leur environnement géographique, il apparaît impératif que la France, en partenariat avec d'autres pays, comme l'Espagne ou le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et cohérente en faveur des régions ultrapériphériques, fondée sur le nouveau paradigme issu de la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008, selon lequel ces régions, en tant qu' « avant-postes » stratégiques de l'Union européenne dans diverses parties du monde, représentent un atout à valoriser.
(1) Un nouveau rapport de force au sein du Conseil peu favorable aux régions ultrapériphériques
? Au sein du Conseil, comme cela a été indiqué aux membres de la mission commune d'information au cours de leur déplacement à Bruxelles, les nouveaux États membres d'Europe centrale et orientale contestent depuis peu l'idée d'une politique européenne spécifique en faveur des régions ultrapériphériques , en considérant que « ce ne sont pas les régions qui ont le plus besoin d'une aide européenne » .
Les pays contributeurs nets au budget communautaire du Nord de l'Europe (Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Royaume-Uni, Suède et Autriche) sont également réticents à une politique européenne spécifique en faveur des régions ultrapériphériques, car ils souhaitent une diminution des dépenses et du budget européen. Ils sont même hostiles parfois à des mesures dérogatoires aux règles du traité en faveur des RUP.
La France a adopté jusqu'à présent une attitude assez défensive en s'appuyant sur les deux autres États membres qui comptent des régions ultrapériphériques, l'Espagne et le Portugal. Toutefois, à trois contre vingt-quatre, l'équilibre des forces au sein du Conseil n'est guère favorable aux RUP. Alors que les décisions au sein du Conseil des ministres se prennent dans la très grande majorité des cas par consensus, il n'est pas rare que, à propos des régions ultrapériphériques, il soit procédé à un vote et que des pays s'opposent à des mesures en faveur de ces régions, ce qui constitue un cas assez exceptionnel au sein des institutions européennes.
De plus, si l'Espagne, le Portugal et la France sont traditionnellement solidaires pour défendre une application ambitieuse de l'article 299-2 du traité, cette unité peut se fissurer lorsqu'une mesure financière décidée par le Conseil doit être répartie entre eux. Cette répartition se fait, en effet, au prorata de la population, ce qui favorise les îles Canaries. Il en va de même en ce qui concerne la répartition entre les quatre départements français d'outre-mer.
Il existe pourtant d'autres alliés potentiels de la France. Il en va ainsi de la Suède et de la Finlande, dont les régions septentrionales ont bénéficié d'une allocation spécifique de handicap au titre de la politique de cohésion. La Grèce est également sensible à l'approche spécifique en faveur des RUP, car elle tente d'obtenir pour les îles grecques périphériques un traitement approchant. Il en va de même pour Chypre et Malte qui souhaiteraient, en tant que petites îles, bénéficier de mesures ad hoc . Au sein même des États contributeurs nets, il existe des pays, comme le Royaume-Uni (avec les îles britanniques des Antilles ou les territoires britanniques de l'océan Indien), les Pays-Bas (avec les Antilles néerlandaises) et le Danemark (avec le Groenland), qui comptent des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) et qui pourraient se montrer sensibles aux arguments en faveur des RUP.
Toutefois, jusqu'à présent, la France, seul pays à avoir à la fois des RUP et des PTOM, s'est montrée assez réticente, au nom de la spécificité des handicaps dont souffrent les régions ultrapériphériques, à élargir le cercle de ses alliés et à y associer les autres îles ou les pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Comme les membres de la mission commune d'information ont pu le constater lors de leur rencontre avec les représentants de l'Espagne et des Canaries, l'Espagne se montre également très hostile à toute mesure en faveur des PTOM.
Compte tenu de la modification du rapport de force au sein du Conseil, qui est aujourd'hui nettement défavorable aux pays disposant de régions ultrapériphériques, et au regard des enjeux que constituent notamment les négociations sur les prochaines perspectives financières et l'avenir de la politique régionale, on peut s'interroger sur la position française.
Ne serait-il pas opportun que la France adopte une attitude moins défensive et cherche à élargir ses alliances, au-delà de l'Espagne et du Portugal, aux pays qui pourraient se montrer sensibles à la prise en compte des spécificités des îles européennes, comme la Grèce, Chypre et Malte, ou encore aux États disposant de pays et territoires d'outre-mer ?
Proposition n° 58 : Inciter le Gouvernement à adopter une attitude moins défensive et à rechercher des alliances avec d'autres partenaires européens afin de mieux défendre les intérêts des DOM auprès de l'Union européenne. |
? En ce qui concerne le Parlement européen , les lignes de clivage en ce qui concerne les RUP sont les mêmes qu'au sein du Conseil et opposent les députés européens issus des pays qui disposent de RUP et les autres.
Le nombre d'élus des départements
d'outre-mer
Avec le traité de Nice, la France est passée de 78 à 72 députés européens. Dès que le traité de Lisbonne aura été ratifié, la France devrait toutefois récupérer deux sièges, pour passer à 74 députés européens. Parmi les huit grandes circonscriptions pour les élections européennes du 7 juin 2009, la circonscription de l'outre-mer, qui regroupe les quatre DOM, mais aussi les autres collectivités ultramarines, que sont la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ne désigne que trois représentants (un pour la section Atlantique, un pour la section Pacifique et un pour la section de l'océan Indien), contre treize en Île-de-France ou dans le Sud-ouest. Malgré tout, elle fait partie des circonscriptions qui n'ont pas perdu de représentants par rapport aux dernières élections de 2004. Les dernières élections européennes de juin 2009, marquées par un fort taux d'abstention en outre-mer comme en métropole, ont marqué la complexité et le manque de lisibilité du système électoral concernant l'outre-mer. La mission considère nécessaire d'engager une réflexion sur une modification du système électoral déjà proposée par la proposition de loi n° 361 (2003-2004) de notre collègue Claude Lise et notre ancien collègue Paul Vergès 135 ( * ) . |
? Au sein de la Commission européenne , la Commissaire européen chargée de la politique régionale, Mme Danuta Hubner, de nationalité polonaise, était jusqu'à présent chargée de la coordination des mesures en faveur des régions ultrapériphériques. Si elle s'est montrée plutôt réceptive aux attentes des autorités françaises concernant les régions ultrapériphériques, de l'avis des interlocuteurs rencontrés à Bruxelles, les DOM ne représentent pour elle que des régions parmi d'autres, soit l'équivalent de 2 % des régions de l'Union européenne en poids démographique.
En revanche, le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, de nationalité portugaise, a, semble-t-il, fait preuve d'une réelle sensibilité à cette question.
Le renouvellement de la Commission européenne à l'automne prochain et la future composition du collègue revêtiront donc une certaine importance pour les régions ultrapériphériques.
Parmi les différentes directions générales de la Commission européenne, il existe une unité de la direction générale chargée de la politique régionale, qui assure la coordination des mesures en faveur des régions ultrapériphériques et fait figure de meilleur allié des autorités françaises et des régions ultrapériphériques.
Mais le poids de cette unité et de cette direction générale est relativement faible au regard d'autres directions générales, comme celles de la concurrence, du commerce ou de la fiscalité, qui se montrent beaucoup moins réceptives aux demandes spécifiques des régions ultrapériphériques.
C'est toutefois le service juridique de la Commission européenne qui se montre l'interlocuteur le plus difficile en développant une conception très restrictive de l'article 299§2 du traité instituant la Communauté européenne.
De manière générale, la coordination entre les différentes directions générales et services de la Commission européenne concernant la prise en compte des régions ultrapériphériques connaît des lacunes.
À cet égard, il semble souhaitable que, comme c'était le cas lors de la précédente commission dirigée par M. Romano Prodi, l'unité chargée de la coordination des régions ultrapériphériques soit directement rattachée au Président de la Commission européenne , plutôt qu'à un Commissaire parmi d'autres.
Cela lui donnerait, en effet, un poids plus important et permettrait d'améliorer la coordination entre les différentes directions générales de la Commission.
Proposition n° 59 : Améliorer la coordination au sein de la Commission européenne en rattachant l'unité chargée des régions ultrapériphériques directement auprès du Président de la Commission européenne. |
* 135 Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l'élection des représentants au Parlement européen et visant à créer de nouvelles circonscriptions afin d'assurer la cohérence et l'équité dans la représentation de l'outre-mer, déposée le 17 juin 2004.