LES CARACTÉRISTIQUES ET LE FONCTIONNEMENT DES LRA

LES CARACTÉRISTIQUES MATÉRIELLES DE L'ÉQUIPEMENT

1- Des locaux qui ne sont pas toujours conformes aux normes

La plupart des LRA peuvent se classer sur le plan matériel en deux grandes catégories. Certains sont des pièces de garde-à-vue situées au sein d'un local de police et modifiées par quelques travaux, voire dont la porte est simplement laissée ouverte pour accéder à un local polyvalent lui-même surveillé et fermé (ex : Auxerre 17 ( * ) , et parmi les LRA visités, St Georges de l'Oyapock, Poitiers, Bastia). D'autres sont des installations qui s'apparentent à des CRA, mais qui, pour des raisons de non respect de certaines normes, sont répertoriées en tant que LRA (parmi les LRA visités, Cercottes et Nanterre).

Depuis la fermeture de la chambre femme à Bastia, les LRA visités sont prévus pour des personnes de même sexe, généralement des hommes.

§ A St Georges, le LRA, tout récent, est constitué de trois salles de type garde-à-vue (6 places) qui peuvent communiquer entre elles (cf. infra). Ce LRA est conforme aux normes de l'article R. 553-6 du Ceseda, y compris avec l'existence d'un téléphone dans les locaux eux-mêmes et donc directement accessible.

A Poitiers , le LRA de deux places est constitué d'une pièce avec deux lits superposés. Jusqu'à la fin 2006, le deuxième lit était constitué d'un matelas mis par terre. A la suite de remarques justifiées sur le caractère peu acceptable d'une telle installation, la capacité a été limitée à une place pendant le premier semestre 2007, jusqu'à l'installation d'un lit superposé. Le local est situé au même endroit et de même format que les cellules de garde-à-vue ou de dégrisement. Plusieurs différences par rapport à une salle de garde-à-vue sont cependant à noter, en particulier l'existence d'une petite pièce en communication directe et comportant un lavabo, une douche et un WC.

A Bastia , le LRA de sept places est constitué de deux pièces (4 et 3 lits), d'un couloir et d'une salle de réfectoire, à proximité immédiate des pièces de garde-à-vue. Des sanitaires, une douche et un téléphone sont directement accessibles.

Certaines normes d'équipement ne sont pas cependant strictement respectées :

- la réglementation prévoit l'existence d'équipements sanitaires (lavabos, douches et w.-c.) et un téléphone en libre accès. Pourtant,  il n'y a pas à Poitiers de ligne téléphonique fixe en libre accès. Un téléphone fixe existe bien, mais à l'extérieur du local, et le retenu doit demander à un fonctionnaire d'y accéder. Un téléphone mobile est mis à disposition des personnes retenues, mais uniquement pendant les escortes. D'autres LRA, non visités, seraient, selon la Cimade, dans cette même situation, par exemple celui de Chessy (Seine-et-Marne).

De son côté, la capacité du LRA de Bastia n'a été ramené de huit places (sept hommes, une femme, arrêté préfectoral du 7 septembre 2004) à sept personnes du même sexe qu'à la fin 2007 (arrêté du 3 décembre 2007). Cette décision, justifiée par la non mise aux normes de la chambre susceptible d'accueillir une femme (absence de sanitaires et de téléphone en libre accès depuis la chambre) aurait due être prise au plus tard fin 2006, conformément à la date limite fixée par l'article 24 du décret de 2005. La chambre susceptible d'accueillir une femme a fait l'objet en 2008 de travaux pour installer des sanitaires, mais elle n'a pas été utilisable tant qu'un téléphone en libre accès n'est pas installé. Selon la préfecture, cet équipement a été mis en place depuis le passage de la Cour et la capacité du LRA a ainsi été portée à huit places (sept hommes, une femme) ;

- la réglementation prévoit la nécessité de deux locaux distincts, un pour les avocats, l'autre pour les familles. Pourtant, il n'existe à Poitiers qu'un seul petit local en principe destiné aux avocats, y compris ceux des gardés à vue, mais pas de deuxième local pour les visites, en particulier de famille. En pratique, les entretiens avec ces dernières se font le plus souvent dans le LRA. A Bastia, il existe un local pour les avocats, commun avec ceux des garde-à-vues, mais c'est le local cuisine, il est vrai relativement grand, qui sert aussi pour les visites de famille.

§ La deuxième catégorie (locaux de type CRA déclassés) est représentée par les LRA de Cercottes et Nanterre.

A Cercottes (Loiret, à 15 kilomètres d'Orléans), le LRA se trouve dans une ancienne caserne de gendarmerie désaffectée qui appartient maintenant au département. Il n'y a plus aucune autre activité en dehors de celle du local de rétention qui dispose de sept places (deux chambres de deux lits superposés et une de trois lits superposés). Le LRA reçoit soit des hommes, soit des femmes ou familles. Les chambres sont situées à l'étage et les pièces de jour sont au rez-de-chaussée (une salle de séjour avec cabine téléphonique et une télévision, une salle à manger). Une cour est accessible à l'arrière du bâtiment.

Le LRA n'est pas conforme à l'article à R. 553-6 du Ceseda sur un point, les locaux de visite. En effet, pour toutes les personnes extérieures (Cimade, avocats, familles), les visites s'effectuent dans un seul local, le sas d'entrée qui communique avec le bureau des gendarmes et leur salle à manger. Cette configuration est problématique lorsque deux entretiens doivent s'effectuer à la même heure. Elle suppose en outre la présence d'un gendarme, ce qui ne permet pas de confidentialité des échanges entre les retenus et leurs interlocuteurs extérieurs.

A Nanterre , le LRA, situé dans l'enceinte même de la cité administrative, est un CRA, déclassé en local en 2005 (absence de cour de promenade). Il dispose de 22 places uniquement pour des personnes de sexe masculin et est conforme aux normes fixées pour les LRA. L'ancien local affecté aux femmes a été divisé en deux parties, l'une est réservée au médecin, l'autre aux avocats.

A la suite de la visite et des recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté au LRA de Choisy-le-Roi , des travaux sont prévus afin d'aménager un local réservé à l'intention des avocats et associations et un autre pour les familles visitant les retenus.

En ce qui concerne les autres LRA, la direction centrale de la sécurité publique reconnait qu'un grand nombre de ces structures ne respectent pas les normes fixées par le décret du 30 mai 2005, mais aucun recensement détaillé ne semble avoir été fait.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans ses rapports, fait un constat de situations diverses, mais montre une non-conformité sur de nombreux points de certains LRA, comme celui d'Auxerre (pas d'accès à un téléphone fixe, pas de salle spécifique pour les avocats, un seul lavabo avec de l'eau froide pour sanitaire) ou de Reims (utilisation comme LRA supplémentaire de salles de garde-à-vue ouvertes, entraînant notamment l'absence d'accès direct au téléphone).

Les modifications qui seraient nécessaires en matière immobilière sont parfois complexes à réaliser en raison soit de leur coût, soit du manque de surface.

2- Des caractéristiques souvent peu compatibles avec des durées de rétention pouvant excéder 48 heures

Dans certains cas, la durée de rétention en LRA dure nettement plus que 48 heures (cf. infra). Certains de ces locaux sont manifestement peu adaptés à une telle éventualité.

A Poitiers, la taille du local est réduite - 10 m 2 hors sanitaires - pour le séjour simultané de deux personnes lorsque la rétention dure plusieurs jours. Dans ce même LRA, il n'y a pas de fenêtre, mais seulement une vitre opaque laissant passer la lumière du jour, avec des barreaux à l'extérieur mis en place en 2007 après une évasion. Il n'y a pas non plus de cour de promenade facilement accessible.

A Bastia , les fenêtres ne s'ouvrent pas, le bâtiment étant en principe climatisé, mais ceci renforce fortement le sentiment d'enfermement. Les vitres sont obscurcies par des barreaux, mais aussi par des dépôts importants de saletés sur l'extérieur des vitres qui, selon les responsables du LRA, ne peuvent être nettoyées.

A Cercottes , les fenêtres des deux chambres à l'étage sont rendues totalement opaques par l'apposition d'un film, y compris sur celles ne donnant pas sur les façades extérieures. Ces fenêtres sont pourtant fermées et des barreaux sont posés à l'extérieur. Selon le responsable du local, la pose d'un tel film s'explique par la destruction du système intérieur de fermeture des rideaux extérieurs.

A Nanterre , les chambres ne disposent pas de fenêtres, créant ainsi une ambiance proche de celle d'une chambre de garde à vue ou d'isolement et des odeurs persistantes d'égouts sont sensibles. Des erreurs de conception au niveau de l'évacuation des eaux usées des trois blocs sanitaires en sont à l'origine.

Ces différentes caractéristiques, tolérables lorsque la rétention dure quelques heures, ne le sont plus si elle dure plus longtemps.

* 17 ) Source : contrôleur général des lieux de privation de liberté

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