III. LES ADMINISTRATIONS INTERVENANT DANS LE DISPOSITIF DE RETENTION

Le principal élément nouveau sur la période 2006-2008 a été la création, en 2007, du ministère de l'immigration, l'intégration, l'identité nationale et du développement solidaire. Il traduit notamment la volonté de globaliser la politique vis-à-vis des flux migratoires, depuis la prévention à la source (co-développement) jusqu'à l'intégration des immigrés choisis, ainsi que la reconduite des étrangers en situation irrégulière.

A. L'ORGANISATION AU NIVEAU CENTRAL : LE RÔLE DU NOUVEAU MINISTÈRE DE L'IMMIGRATION

1- La responsabilité politique du ministère de l'immigration

Le ministère de l'immigration est officiellement chargé- en liaison avec le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales - de la lutte contre l'immigration illégale et la fraude documentaire intéressant des ressortissants étrangers.

Plusieurs dispositions réglementaires du Ceseda ont ainsi été modifiées en ce sens. Le décret n°2008-223 du 6 mars 2008 précise ainsi que les CRA sont créés sur proposition du ministre chargé de l'immigration (article 16), que la vie quotidienne est organisée par un règlement intérieur qui fait l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration, de l'intérieur et de la défense et que les langues de traduction les plus couramment utilisées sont fixées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration (article 18).

De façon plus générale, le ministère a, au-delà des textes, pris un rôle primordial dans la politique menée en la matière. C'est lui qui, au niveau ministériel, fixe les caractéristiques de l'action, les résultats à atteindre, et peut être saisi des situations individuelles lorsqu'elles sont délicates.

2- Des compétences partagées

§ Selon l'article 3 décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'immigration, ce dernier a autorité conjointe avec le ministre du travail sur la direction de la population et des migrations, et avec le ministre des affaires étrangères sur la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France.

Pour ce qui concerne notamment la politique vis-à-vis des immigrés en situation irrégulière, il a autorité conjointe avec le ministre de l'intérieur sur la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et la direction générale de la police nationale, dont la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) fait partie.

L'article 4 du décret susvisé prévoit qu'il peut disposer, en tant que de besoin, de différentes administrations relevant de l'autorité d'autres ministres. Environ quinze directions sont concernées, dont, principalement, pour les sujets traités dans ce rapport, la direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, la direction de la gendarmerie nationale et la direction des affaires politiques, administratives et financières de l'outre-mer.

Le ministre a enfin autorité sur le secrétaire général du comité interministériel de contrôle de l'immigration.

§ Le partage actuel des rôles en matière de rétention entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'immigration vis-à-vis de la DCPAF n'est pas sans inconvénients.

Le schéma retenu, transversal et fonctionnel, aboutit à ce que le ministère de l'immigration fixe les objectifs de reconduites aux frontières alors que la DCPAF est en charge de l'exécution des mesures.

A la DCPAF, la sous-direction de l'immigration irrégulière coordonne et met en oeuvre l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. La sous-direction des ressources définit et suit les mesures d'amélioration de la gestion et de la performance des CRA. Ces deux sous-directions travaillent sur des sujets (référentiel immobilier, gestion des crédits d'éloignement, gestion et organisation interne des CRA par exemple) qui sont aussi traités ou repris par la sous-direction de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l'éloignement du ministère de l'immigration, au risque de conduire à des doublons et à des divergences de vues ou d'analyses.

Selon le directeur général de la police nationale, le rattachement de la DCPAF au ministère de l'immigration comporterait deux risques, la diminution de la polyvalence d'agents de la PAF qui aujourd'hui n'ont pas pour seule mission la lutte contre l'immigration irrégulière, et le désengagement dans ce domaine des autres services de l'Etat.

La création du ministère de l'immigration n'a pas conduit à une solution claire relative au rattachement de la police aux frontières. Cette question mérite d'être réexaminée.

3- L'organisation administrative du ministère

§ Le décret n°2007-1891 du 26 décembre 2007 portant organisation centrale du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (intitulé résultant du remaniement ministériel du 18 mars 2008) a fixé les contours de l'administration centrale, sous l'autorité d'un secrétaire général. Aucun service déconcentré, agents des services des visas dans les consulats, des services des étrangers des préfectures, de la police aux frontières, ne lui est directement subordonné.

§ Placée sous l'autorité du secrétaire général, la direction de l'immigration joue un rôle primordial. Outre la réglementation de l'entrée, du séjour et de l'exercice d'une activité professionnelle en France des ressortissants étrangers, elle est chargée, via la sous-direction de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l'éloignement, de la réglementation relative à l'éloignement, la lutte contre l'immigration et le travail illégaux ou la fraude documentaire et enfin la rétention administrative.

Cette sous-direction dépendait autrefois de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur (2° bureau : contrôles transfrontaliers et 5° bureau : éloignement). Les quatre cinquièmes de ses équivalents temps plein (ETP) en viennent et elle est toujours localisée dans les locaux de ce ministère.

La sous-direction est composée de quatre bureaux, qui se consacrent respectivement :

- au droit de l'éloignement (affaires juridiques) ;

- au contrôle et à la circulation transfrontalière ;

- au soutien opérationnel et au suivi (appui juridique et opérationnel d'urgence aux préfectures, relations avec les consulats pour les laissez-passer consulaires, gestion des interventions) ;

- et enfin à la rétention administrative.

Ce dernier bureau composé de huit personnes (quatre agents de catégorie A, trois de catégorie B et un de catégorie C) est une création. Il n'existait pas à la DLPAJ et a été constitué à partir de personnels de cette direction.

§ En dehors de la direction de l'immigration, quatre services rattachés au secrétaire général participent également à la politique de rétention et de reconduite :

- le service de la stratégie a vocation de recueil de données statistiques et de pilotage interne, tant au niveau du contrôle de gestion qu'à celui de la mise en oeuvre des systèmes d'information ;

- le service de l'administration générale et des finances prépare et exécute les budgets, conduit la politique des ressources humaines et suit les passations de marchés ;

- le service des affaires européennes gère les négociations européennes, notamment sur ce sujet ;

- le service des affaires internationales et du développement solidaire est plus particulièrement chargé de l'élaboration et de la négociation des projets d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire, puis de leur mise en oeuvre.

4- L'organisation budgétaire

§ Le tableau infra représente l'architecture budgétaire de la mission « immigration, asile et intégration » en fonction des principales compétences du ministère.

MISSION « Immigration, asile et intégration  »

Programme
« Immigration et asile  » 303

Programme
« Intégration et accès à la nationalité française » 104

Actions :

- circulation des étrangers et politique des visas

- garantie de l'exercice du droit d'asile

- lutte contre l'immigration irrégulière

- soutien

Actions :

- accueil, intégration des étrangers primo-arrivants et apprentissage de la langue française (précédemment intitulée « Accueil des étrangers primo-arrivants »)

- autres actions d'intégration des étrangers en situation régulière

- aide au retour et à la réinsertion

- naturalisation et accès à la nationalité

La loi de finances pour 2008 a ouvert 513,8 M€ 8 ( * ) sur la mission ministérielle « Immigration, asile et intégration ».

Le programme 303 « immigration et asile » est doté en 2008 de 433,2 M€ en autorisations d'engagement et 436 M€ en crédits de paiement. Ils sont destinés au fonctionnement de l'administration centrale des visas, l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile et au traitement de leur demande par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et les fonctions« support » l'administration centrale du ministère de l'immigration.

Les crédits de la mission affectés à la lutte contre l'immigration irrégulière figurent au sein de l'action 3 de ce programme (82,6 M€ au total), dont :

- les crédits de fonctionnement de la rétention (28,8 M€). Ceux-ci font l'objet d'une délégation de gestion à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et de la police nationale (DGPN). Le bureau de la rétention du ministère est donc tributaire des extractions de données et de leurs remontées en provenance de ces deux directions, prévues tous les trimestres. Il n'a aucune visibilité sur l'exécution de crédits dont il a la responsabilité. Cette situation de confusion est une des explications de la gestion budgétaire 2008 difficile (problèmes d'ajustement des dotations aux besoins) ;

- les crédits d'éloignement (42 M€), délégués à la direction centrale de la police aux frontières (PAF), sur laquelle le ministère de l'immigration a une co-autorité;

- les crédits d'intervention (11,8 M€), qui correspondent à l'assistance juridique et sanitaire aux personnes retenues, et sont gérés directement par le ministère de l'immigration. L'objectif correspondant à cette action 3 est le n° 4 « renforcer la mobilisation des services de police et de gendarmerie dans la lutte contre l'immigration irrégulière ». Il comporte quatre indicateurs :

- le nombre de mesures de reconduite effective à la frontière ;

- le nombre d'interpellations « d'aidants » ;

- le nombre de personnes mises en cause pour infraction à la législation relative à l'entrée, au séjour ou à l'emploi des étrangers sans titre de travail ;

- et enfin le coût moyen d'une reconduite à la frontière.

Ce dernier indicateur est décomposé en trois sous-indicateurs : la durée moyenne de rétention en CRA, le coût moyen d'une rétention et le coût moyen d'une reconduite (non encore renseigné). Pour le PLF 2009, le deuxième sous-indicateur a été modifié et le troisième supprimé.

§ Des crédits pour la rétention d'un montant beaucoup plus important sont inscrits dans d'autres missions, mais ils ne sont pas regroupés de manière directement accessible, ce qui complique leur appréhension globale. Les crédits de personnel et de fonctionnement des services de police et de gendarmerie sont maintenus dans les programmes correspondants 176 et 152 et ceux mobilisés pour les CRA et LRA ne peuvent être isolés.

Il en va de même pour les crédits d'investissement immobilier qui, conformément à l'article R. 553-9 du Ceseda, sont inscrits jusqu'à présent au budget des ministères de l'intérieur et de la défense, chacun en ce qui le concerne. En pratique, ils sont entièrement gérés par la direction de l'évaluation, de la performance, des affaires financières et immobilières (DEPAFI) du ministère de l'intérieur et par le service du génie du ministère de la défense. Le bureau de la rétention au ministère de l'immigration suit l'exécution du plan triennal immobilier mais ne gère pas ces crédits.

Comme lors de son dernier contrôle, la Cour relève l'absence à ce stade de synthèse du coût global de la rétention, les expérimentations lancées par la PAF pour y parvenir datant de début 2009. La commission des finances du Sénat 9 ( * ) a également relevé le caractère incomplet de la présentation des crédits destinés à la rétention inscrits au programme 303.

La Cour avait, en 2004 10 ( * ) , recommandé un pilotage des structures administratives en matière de rétention compte tenu de la très grande complexité des problèmes rencontrés, du caractère à la fois massif et urgent des questions à résoudre et du nombre important d'administrations concernés. La création d'un ministère chargé de l'immigration est une avancée en ce sens.

* 8 ) Lorsque rien n'est spécifié, les chiffres de présentation de cette mission sont ceux du PLF 2008.

* 9 ) Rapport sur le projet de loi de finances 2009 « mission immigration, asile et intégration ». M. Pierre BERNARD-REYMOND, rapporteur spécial

* 10 ) Rapport public thématique «  accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration «  page 66

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