2. Une situation qui présente de nombreux inconvénients
Comme le souligne le rapport Valletoux, les dégrèvements et exonérations sont responsables d'une « déliaison » croissante entre impôt local et contribuable local, de telle sorte qu'une distinction s'est désormais installée entre trois notions qui devraient pourtant coïncider : le « produit voté », le « produit payé » et le « produit perçu ». Cette situation présente plusieurs inconvénients.
D'abord, il semble anormal que certains contribuables soient totalement exonérés du paiement de l'impôt, alors même qu'ils bénéficient des services publics locaux et participent, au même titre que tous les autres citoyens, à la vie du territoire. Le fait de payer l'impôt local, même dans une mesure très limitée, est une des manières d'affirmer une appartenance à la communauté politique locale. Il ne s'agit pas, bien entendu, de fragiliser encore la situation de personnes parfois déjà en difficulté financière. Au contraire, un prélèvement modeste, même s'il présente un coût de perception, permettrait de valider le statut de citoyen-contribuable de ces personnes, dans une optique d'inclusion sociale. D'ailleurs, en matière de lutte contre la précarité, les débats actuels, notamment sur les droits connexes à certaines allocations, mettent l'accent sur une prise en compte globale de la situation d'une personne ou d'un foyer en difficulté, bien plus que sur des mesures ciblées d'exclusion fiscale partielle.
Ensuite, la multiplicité des dégrèvements et des exonérations crée une complexité excessive . La complexité culmine lorsque plusieurs dispositifs de dégrèvement se combinent, comme dans le cas du récent dégrèvement pour investissement nouveau, mis en place par la loi de finances rectificative pour 2008. En effet, la nécessité de prendre en compte le cas des entreprises bénéficiant déjà du plafonnement au titre de la valeur ajoutée et qui, de ce fait, n'auraient reçu aucun bénéfice consécutif au nouveau dégrèvement, a conduit le législateur à prévoir un dispositif spécifique pour ces entreprises.
De même, la profusion des dégrèvements et exonérations est source d' opacité , puisque l'imposition nationale qui alimente ainsi les budgets locaux est invisible pour le contribuable local. Elle nuit au principe de responsabilité des élus face à leurs électeurs-contribuables, dans la mesure où la pression fiscale qui s'exerce sur ceux-ci ne correspond pas à la réalité des besoins de la collectivité. Dorénavant, une augmentation des taux d'imposition locaux est indolore pour une large partie de la population.
Enfin, ces mesures décidées par l'Etat réduisent progressivement l'assiette fiscale . On aboutit ainsi à des impôts dont la structure est contraire à celle que prône la théorie économique comme étant la plus efficace et créant le moins de distorsions, c'est-à-dire un prélèvement modéré sur l'assiette la plus large possible. L'impôt perd ainsi sa légitimité, première étape vers sa remise en cause .