B. LA MISE EN oeUVRE INACHEVÉE DE LA RÉFORME DE 2005
Ainsi que le souligne Jean-Marie Colombani, la réforme de l'adoption prévue par la loi du 4 juillet 2005 s'est arrêtée « au milieu du gué » 40 ( * ) . Or les effets attendus des différentes mesures auraient pu créer des conditions plus favorables à la constitution et au développement de l'agence. Force est de constater qu'elles n'ont pas encore pleinement été suivies d'effets :
- ainsi, la création de l'Afa ne s'est pas accompagnée, comme cela aurait dû être le cas, d'une réflexion d'ensemble sur l'organisation institutionnelle de l'adoption internationale (rôle de l'autorité centrale et refonte du paysage des OAA), même si la réforme de l'adoption internationale engagée par le Gouvernement en 2008 devrait en partie y remédier ;
- en outre, si les conditions de délivrance des agréments ont été améliorées, les mesures prises n'ont pas encore porté leurs fruits. Une évolution des pratiques demeure en effet nécessaire pour améliorer la formation préalable des candidats à l'adoption et réduire le nombre d'agréments accordés annuellement par les conseils généraux ;
- enfin, s'agissant de l'adoption nationale, l'assouplissement des critères auxquels se réfère le juge pour prononcer une déclaration d'abandon n'a, semble-t-il, pas été suffisant pour inciter les travailleurs sociaux et les juges à recourir davantage à cette procédure lorsqu'elle est dans l'intérêt manifeste de l'enfant.
Les principales dispositions de la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l'adoption La loi prévoit : - la création d'un organisme public de l'adoption internationale , l'Agence française de l'adoption (Afa), chargé d'accompagner les familles dans leurs démarches ; - la mise en place d'un formulaire d'agrément unique , permettant d'harmoniser les modalités de délivrance de l'agrément accordé par le président du conseil général pour une durée de validité fixée à cinq ans pour l'accueil d'un ou plusieurs enfants ; - l'organisation de réunions d'information, à l'initiative des conseils généraux , distinctes des entretiens se déroulant dans le cadre de la procédure d'agrément et destinées à renforcer l'accompagnement des familles dans leurs démarches et leurs réflexions ; - le renforcement du suivi et l'accompagnement de l'enfant adopté par le service départemental de l'aide sociale à l'enfance, pendant une durée minimale de six mois à compter de son arrivée et jusqu'au prononcé de l'adoption plénière en France ou la transcription du jugement étranger ; - l'assouplissement des critères permettant l'adoption des enfants délaissés par leurs parents biologiques , la déclaration d'abandon étant désormais possible y compris en cas de « grande détresse des parents », circonstance empêchant auparavant le tribunal de grande instance de déclarer l'abandon ; - enfin, la revalorisation des droits des familles adoptantes afin de mieux les aider à supporter les charges financières liées à l'adoption (revalorisation de la prime pour l'adoption, congés pour adoption, ...). |
1. La clarification du rôle et de l'organisation de l'autorité centrale : un processus insuffisamment maîtrisé
a) Une transition difficile entre la mission pour l'adoption internationale et l'agence qui a retardé la réorganisation de l'autorité centrale
D'après le rapport de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi portant réforme de l'adoption 41 ( * ) , l'Agence française de l'adoption, créée pour jouer aux côtés des OAA le rôle de nouvel intermédiaire pour l'adoption internationale, devait hériter des compétences de gestion de l'ex-mission de l'adoption internationale (MAI). L'agence avait donc vocation à gérer l'ensemble des dossiers des candidats à l'adoption dans les « pays La Haye » et dans les « pays non La Haye » pour lesquels elle avait obtenu une habilitation.
Le corollaire de ce transfert devait être la diminution des moyens budgétaires du ministère des affaires étrangères à partir de 2005 (voir tableau ci-après) , et en particulier la suppression d'une partie importante de ses effectifs (voir infra) .
Jusqu'en 2007, on observe en effet une réduction significative des moyens de l'ancienne MAI, après la création de l'agence, les dépenses ayant été divisées par deux ou trois, selon qu'il s'agit des dépenses consacrées à l'accueil ou aux déplacements de l'autorité centrale.
En 2008, les moyens accordés au secrétariat général de l'autorité centrale pour l'adoption internationale (SGAI) ont été légèrement revalorisés (en particulier l'accueil).
Dans la perspective de la mise en oeuvre de la réforme de l'adoption internationale engagée par le Gouvernement (voir infra) en 2009, sont prévus à la fois :
- une revalorisation de la subvention versée aux OAA, qui passe d'environ 130 000 euros au cours des trois dernières années à 459 000 euros, grâce à un versement complémentaire de 300 000 euros au titre de la coopération ;
- un renforcement du budget consacré aux déplacements de l'autorité centrale.
Organisation et rôle de l'ex-mission de l'adoption internationale Créée en 1987, la mission de l'adoption internationale (MAI) avait pour vocation de garantir un meilleur contrôle des procédures d'adoption internationale, tant au bénéfice des enfants que des familles d'origine et des futurs parents adoptifs. De composition interministérielle, cette structure relevait des ministères de la solidarité et de la justice ainsi que du ministère des affaires étrangères, sous l'autorité duquel elle était placée. Rattachée à la sous-direction de la coopération internationale en droit de la famille, au sein de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, elle avait pour fonctions : - la centralisation et la diffusion de l'information sur la situation de l'adoption dans les pays d'origine ; - l'habilitation et le contrôle les organismes français autorisés pour l'adoption ; - le dialogue avec les administrations des pays d'origine des enfants ; - la délivrance aux enfants adoptés des visas nécessaires à leur établissement en France, après vérification des procédures françaises et étrangères ; - enfin, le traitement et le suivi des procédures individuelles d'adoption internationale. A la différence de l'Afa, l'ex-MAI n'était pas en mesure d'apporter aux candidats à l'adoption tout le soutien nécessaire dans les démarches d'adoption internationale. Si elle pouvait s'appuyer sur le réseau diplomatique français, elle n'était en effet pas en mesure de jouer le rôle d'intermédiaire pour l'adoption dans les pays d'origine. |
En pratique, les rapporteurs observent que le transfert s'est fait assez tardivement :
- ce n'est que le 2 octobre 2006 que l'Afa a repris l'ensemble des dossiers de l'ancienne MAI pour les seuls pays signataires de la convention de La Haye pour lesquels elle est habilitée de droit ;
- puis, le transfert s'est poursuivi progressivement, au fur et à mesure des accréditations, pour les pays non signataires de ladite convention. A ce titre, le rapport précité de Jean-Marie Colombani indique que le ministère des affaires étrangères et européennes gérait, à la fin de l'année 2007, encore 2 531 dossiers individuels pour les pays où l'Afa n'est pas encore implantée.
L'agence elle-même, en réponse à une question des rapporteurs sur les difficultés qu'elle a rencontrées dans l'accomplissement de ses missions, signale un « passage de témoin difficile » entre l'ex-MAI et l'Afa, qui provient notamment de plusieurs problèmes d'ordre technique :
- d'abord, la base de données informatiques « adopt 2 », qui centralisait les données de la MAI, n'a pas été transférée à l'agence malgré ses demandes répétées, la contraignant à créer une nouvelle base de données, puis à saisir, vérifier et archiver l'ensemble des dossier transmis par la mission le 2 octobre 2006 ;
- de même, les « dossiers de principes 42 ( * ) » relatifs aux pays dont l'Afa reprenait la charge n'ont pas été transmis à l'agence, ce qui a été préjudiciable à la formation des personnels qui ne disposaient pas des informations nécessaires pour répondre de manière satisfaisante aux questions qui leur ont été adressées ;
- en outre, le maintien sur le site du SGAI 43 ( * ) des informations relatives aux pays relevant de la compétence de l'Afa a contribué, d'une part, à entretenir, dans l'esprit des familles, des confusions entre les deux institutions ; d'autre part, à communiquer des informations contradictoires avec celles du site de l'agence ;
- enfin, l'agence signale le manque de réactivité du ministère des affaires étrangères dans la transmission des télégrammes diplomatiques contenant des informations stratégiques concernant l'adoption dans les pays d'origine où l'agence est implantée.
Les rapporteurs déplorent que le transfert des compétences de l'ex-MAI soit intervenu si tardivement et sans que la transmission des données informatiques, de l'expertise et de l'expérience des agents du ministère des affaires étrangères n'ait été préalablement organisée. La convention de partenariat entre ce ministère et l'agence, signée le 8 mars 2007, soit près de deux ans après la création de l'agence et six mois après les premiers transferts de dossiers, n'en fait d'ailleurs aucunement mention.
Par ailleurs, ils observent qu'en l'absence de réorganisation de l'autorité centrale, le prolongement des activités de la MAI a contribué à la mise en place d'un réseau institutionnel de l'adoption difficilement compréhensible par les pays d'origine et par les OAA français. Il en est résulté en particulier un manque de crédibilité et de visibilité de l'agence à l'étranger, confondue selon les cas, soit avec l'autorité centrale, soit avec les OAA. L'Afa elle-même confirme cette confusion qui, malgré l'envoi de dossiers de présentation de l'agence à chaque pays signataire de la convention ainsi que les précisions apportées lors des déplacements dans les pays d'origine, perdure aujourd'hui. Aussi l'Afa s'inquiète-t-elle de la réforme annoncée du paysage institutionnel de l'adoption française, la considérant comme une « véritable erreur stratégique » .
Pour leur part, les rapporteurs estiment que l'affirmation du rôle de pilotage et de coordination de l'autorité centrale, sans que cela nécessite de grands changements, permettrait déjà de clarifier les rôles de chaque acteur dans le système.
* 40 Rapport précité, page 12.
* 41 Rapport n° 2231 de Michèle Tabarot, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur la proposition de loi.
* 42 Fiche de présentation des règles et étapes imposées par chaque pays dans le cadre des procédures d'adoption.
* 43 Le secrétariat général de l'autorité centrale pour l'adoption internationale a repris les compétences régaliennes de l'ancienne MAI à partir de 2007.