C. VERS UN RÉPERTOIRE NATIONAL COMMUN DE LA PROTECTION SOCIALE
S'il est essentiel à une maîtrise des risques efficace et à l'amélioration du service rendu aux allocataires par la branche famille, le RNB constitue également une étape indispensable de la construction d'un répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS).
L'article 138 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 14 ( * ) a en effet prévu la création d'un fichier unique des assurés, commun aux organismes chargés d'un régime obligatoire de la sécurité sociale (maladie, vieillesse, famille, accidents du travail-maladies professionnelles), aux organismes de recouvrement, à Pôle emploi et aux caisses assurant le service des congés payés 15 ( * ) . Selon la direction de la sécurité sociale (DSS), une soixantaine d'organismes sont impliqués.
Le RNCPS devra recenser l'ensemble des bénéficiaires des prestations et avantages de toute nature servis par ces organismes. Pour chaque personne concernée, l'identifiant utilisé sera le Nir.
Le contenu et les modalités de gestion et d'utilisation de ce répertoire doivent être fixés par décret en Conseil d'Etat, après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) 16 ( * ) . Celle-ci devrait se prononcer prochainement. Le décret est donc toujours en attente de publication.
A l'échelle de la protection sociale tout entière, le RNCPS reprend les trois objectifs du RNB : une meilleure qualité de service grâce à une simplification des procédures, un accroissement de la productivité des branches et une efficacité renforcée dans la lutte contre la fraude.
Le RNCPS requiert la mise en commun des répertoires nationaux de chaque organisme concerné. Des structures de taille importante, comme la Cnav qui gère elle-même le SNGI, ou la Cnam qui a construit depuis 1996 17 ( * ) , en collaboration avec la Cnav, un répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (Rniam), disposent déjà d'un tel répertoire appuyé sur le Nir.
En revanche, plusieurs autres organismes, dont la DSS ne possède pas encore la liste précise mais parmi lesquels figurent les régimes spéciaux de sécurité sociale, n'ont pas encore commencé la construction d'un référentiel de leurs bénéficiaires identifiés grâce aux Nir.
La construction du RNB par la branche famille, qui n'utilisait pas au départ le Nir comme identifiant des allocataires et qui a dû concevoir entièrement ce nouveau répertoire, constitue donc une expérience précieuse pour les structures qui doivent encore se lancer dans l'élaboration d'un référentiel national.
1. Consacrer les ressources humaines nécessaires
L'élaboration du RNB a contraint les caisses d'allocations familiales à se doter d'une nouvelle compétence : savoir certifier les Nir.
Cette qualification requiert une formation importante, qui permet d'apprendre à repérer les divergences entre les données des Caf et celles de l'Insee ou de la Cnav, et à déclencher les procédures adéquates en fonction du type de problème rencontré.
Pour faire face à cette mission, la totalité des Caf a choisi de former des techniciens déjà en poste, qui ont donc appris ce nouveau métier auquel, la plupart du temps, ils se sont consacrés à plein temps. Certaines caisses, comme celles de Rouen ou de Haute-Garonne, ont monté des « cellules RNB » dotées de plusieurs techniciens. Cette option semble être payante, puisque ces deux caisses bénéficient d'un taux de certification des Nir bien supérieur à la moyenne nationale 18 ( * ) .
Ceci étant, la formation et le recrutement en interne de techniciens dédiés au RNB sont sans doute, pour toutes les caisses qui ne sont pas de petite taille, insuffisants pour être en mesure de traiter, dans un délai raisonnable, la masse des dossiers. Même dans une caisse de taille moyenne comme celle de Rouen, il a été jugé nécessaire non seulement de former quatre techniciens conseils confirmés mais également de recruter six agents supplémentaires en contrat à durée déterminée (CDD) afin de réaliser les opérations de certification de masse. Pour traiter en une année les Nir des 108 000 allocataires de la caisse, une force de travail de huit équivalents temps plein (ETP), soit 2,7 % du total des effectifs, a donc été mobilisée. Une fois le stock traité, la gestion du flux requiert encore six ETP, soit les quatre techniciens formés et deux des agents recrutés en CDD aujourd'hui titularisés.
La première leçon qu'il faut donc tirer de l'expérience de la branche famille est que la construction d'un RNB fiable passe par un effort d'investissement humain important, aussi bien en qualité, pour former les agents à un nouveau métier, qu'en quantité, pour faire face à l'ampleur du travail de certification des Nir .
* 14 Codifié à l'article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale.
* 15 Les caisses de congés payés sont créées pour les professions, industries et commerces dans lesquels les salariés ne sont pas habituellement occupés de façon continue chez un même employeur au cours de la période reconnue pour l'appréciation du droit au congé (articles L. 3141-30 et D. 3141-9 à D. 3141-37 du code du travail). Elles concernent surtout les entreprises du spectacle et les professions du bâtiment et des travaux publics.
* 16 Il est à noter que, dans sa délibération n° 83-058 du 29 novembre 1983 portant adoption d'une recommandation concernant la consultation du répertoire national d'identification des personnes physiques et l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire, la Cnil avait demandé « que l'emploi du numéro d'inscription au répertoire comme identifiant des personnes dans les fichiers ne soit ni systématique, ni généralisé », et « qu'en conséquence, les responsables de la conception d'applications informatiques se dotent d'identifiants diversifiés et adaptés à leurs besoins propres ». Cette position réservée peut expliquer que le législateur ait longtemps hésité avant d'autoriser le RNCPS.
* 17 En vertu de l'article 8-IV de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996, codifié à l'article L. 161-32 du code de la sécurité sociale.
* 18 Ce taux est de 99 % pour Rouen et de 98,45 % pour la Haute-Garonne, contre 95 % sur l'ensemble du territoire. Les personnes figurant dans les 4 % d'écart constituent évidemment les cas les plus délicats.