B. UNE MISE EN PLACE EXIGEANTE
Contrairement à ce que l'on a tendance à croire spontanément, la construction d'un répertoire national des bénéficiaires nécessite un long et minutieux travail qui sollicite obligatoirement le concours d'autres services que ceux de la branche concernée.
1. Une gestion traditionnelle par numéro de dossier
Jusqu'à la mise en oeuvre du RNB, les Caf n'attribuaient pas de numéro d'identifiant à chacun des bénéficiaires. L'entité de gestion était le dossier qui coïncidait avec le foyer : à chaque ménage était affecté un numéro de dossier auquel était rattaché l'ensemble des prestations versées. A une famille composée de quatre personnes se rapportait ainsi un seul numéro de dossier 11 ( * ) , auquel étaient raccordées toutes les prestations dont la famille bénéficiait : aussi bien par exemple les allocations familiales que l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) ou l'allocation de logement familiale (ALF).
Au départ donc, non seulement chaque Caf gérait son propre fichier d'allocataires, mais ce fichier était en outre constitué de numéros de dossiers et non de numéros de personnes .
2. Un numéro unique pour chaque bénéficiaire
Par rapport à la situation d'origine, la construction du RNB a nécessité une double opération : attribuer à chaque bénéficiaire un numéro propre et alimenter un fichier national commun aux cent vingt-trois Caf.
Dans un souci de simplicité, c'est le numéro unique d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (Nir) qui a été choisi comme numéro unique d'identifiant. En effet, un Nir est créé et accordé à chaque personne, au moment de sa naissance, par l'institut national de la statistique et des études économiques 12 ( * ) (Insee). Depuis 1988, pour les personnes nées à l'étranger, la conception du Nir est confiée à la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). La gestion informatique de l'ensemble est assurée grâce au système national de gestion des identifiants (SNGI), qui inclut le service administratif national d'identification des assurés de la Cnav (Sandia) recensant les Nir des personnes nées à l'étranger.
3. La certification et ses problèmes
a) Le processus normal de certification
Créer un RNB ne consiste pas à attribuer simplement à chaque allocataire son Nir élaboré par l'Insee.
Il faut, pour que le répertoire soit fiable, s'assurer que le Nir renvoie bien à la même personne que celle connue des caisses, en l'occurrence des Caf. Celles-ci doivent donc vérifier, pour chacun de leurs bénéficiaires, que les informations liées au Nir d'une personne (nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, et filiation pour les personnes étrangères) sont exactement les mêmes que celles fournies par l'allocataire au moment de son affiliation.
Si tel est le cas, le Nir est dit « certifié » et il peut être inséré dans le RNB.
S'il existe des différences , qui peuvent être plus ou moins importantes, il s'agit d'en trouver l'origine et de les corriger.
b) Les discordances mineures
Une première série de difficultés provient des petites divergences qu'une caisse peut constater entre ses informations et celles du SNGI. La pièce d'identité fournie par l'allocataire peut par exemple présenter de légers écarts avec les données du Nir : orthographe d'un prénom, ordre des deuxième et troisième prénoms, existence d'un tiret entre deux prénoms...
La caisse demande alors à son allocataire un extrait d'acte de naissance, car cette pièce, premier acte d'état civil identifiant un nouveau-né, est considérée comme étant la plus fiable.
Deux situations sont alors possibles : soit l'acte confirme les informations du Nir, la Caf corrige alors les siennes et indique à l'allocataire que la pièce d'identité présentée comporte une erreur ; soit l'acte infirme les données du Nir et la caisse signale au SNGI le problème et lui demande de rectifier l'identité correspondant au Nir.
Il peut également arriver, lors des naissances gémellaires, que l'Insee ait attribué le même numéro aux deux jumeaux. Dans ce cas, la certification est un peu plus longue car la Caf doit faire une demande d'immatriculation auprès de l'Insee pour celui qui n'avait pas été jusqu'alors identifié.
c) Les difficultés substantielles
Une seconde série de problèmes, plus délicats, découlent de l'impossibilité, relative ou absolue, d'établir l'identité d'un allocataire de façon incontestable . Ils concernent tous des ressortissants étrangers et peuvent être présentés en trois sous-catégories.
• D'abord, dans la quasi-totalité des cas,
lorsqu'une personne étrangère souhaite s'installer et travailler
sur le territoire français pour une durée supérieure
à trois mois, elle doit solliciter, auprès de l'ambassade de
France dans son pays d'origine, un visa de long séjour. Une fois
entrée dans l'espace national, ce visa, accompagné des documents
d'état civil nécessaires, lui permet de demander un titre de
séjour, pour une durée déterminée, auprès de
la préfecture du département du lieu où elle est
domiciliée.
La présentation de ce titre ouvre droit aux prestations sociales, tout comme le fait un document d'état civil pour un citoyen français. Sur présentation du titre de séjour et de l'imprimé Cerfa dûment rempli et signé, une personne étrangère peut se voir accorder, par exemple, le droit aux allocations familiales.
Ceci étant, s'il revient à la préfecture de délivrer le titre de séjour, c'est aux organismes de protection sociale qu'il incombe de demander l'inscription d'une personne étrangère au SNGI. C'est donc le plus souvent les Caf ou les caisses primaires ou régionales d'assurance maladie (Cpam et Cram), c'est-à-dire les caisses le plus rapidement sollicitées une fois par la personne présente sur le territoire national, qui effectuent cette demande. Celle-ci ne peut être satisfaite que sur présentation d'un document officiel permettant d'établir la filiation, ce qui n'est pas exigé pour le titre de séjour .
Or, il peut arriver, notamment pour les réfugiés, que les extraits d'acte de naissance aient été perdus, détruits et que la situation ou les relations avec le pays d'origine ne permettent pas d'en expédier un nouvel exemplaire. Dans ces conditions, la délivrance d'un Nir certifié n'est juridiquement pas possible, et les Caf devront donc attribuer un Nir provisoire ou pseudo-Nir 13 ( * ) .
• Se posent, en second lieu,
des
problèmes de traduction des documents
: lorsque l'extrait
d'acte de naissance est rédigé dans une langue
étrangère, il arrive que plusieurs traductions soient possibles
et que les services de traduction auxquels recourt la Caf ne choisissent pas la
même que celle qui figure sur le titre de séjour. Faut-il alors
retenir la version du titre de séjour ou celle de l'extrait d'acte de
naissance ? Là encore, en attendant la résolution
définitive du problème, la Caf ne pourra éviter d'accorder
un pseudo-Nir.
• Enfin,
les étudiants
étrangers
, dont la majorité est composée de
ressortissants communautaires, constituent une catégorie
particulière dans la mesure où la difficulté
d'immatriculation provient de la brièveté de leur séjour.
Inscrits la plupart du temps à l'université pour un semestre, ils
ne prennent pas le temps de faire venir de leur pays d'origine les extraits
d'acte de naissance nécessaires à leur enregistrement au SNGI.
Ils sont d'autant moins enclins à le faire que l'ouverture des droits
est totalement indépendante de leur référencement dans le
RNB.
* 11 On parle également de numéro d'allocataire responsable de dossier.
* 12 En vertu du décret n° 46-1432 du 14 juin 1946, le Nir est composé de treize chiffres : un chiffre pour le sexe, deux pour l'année de naissance, deux pour le mois de naissance, cinq pour le lieu de naissance, les trois derniers correspondant à un ordre distinguant les personnes nées le même mois au même endroit.
* 13 Il appartiendra à la direction de la sécurité sociale, en collaboration avec les ministères de la justice et de l'intérieur, de fixer des règles de certification pour tous les bénéficiaires qui ne peuvent être immatriculés selon les normes habituelles, afin que ces personnes ne restent pas définitivement dans une division à part de la protection sociale. En attendant, il serait souhaitable que la Cnav puisse, le plus rapidement possible, mettre à disposition des autres branches un système commun permettant d'attribuer un numéro d'identifiant d'attente (NIA), afin que certains bénéficiaires n'aient pas plusieurs pseudo-Nir délivrés par différentes branches.