II. PRÉSENTATION DU RAPPORT À LA COMMISSION
Réunie le mardi 10 février 2009 sous la présidence de M. Alain Vasselle, président de la Mecss , la commission a procédé à l'examen du rapport d'information de Mme Christiane Demontès et M. André Lardeux, établi au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), sur l'amélioration des dispositifs de contrôle et d'audit internes du réseau des caisses d'allocations familiales et la mise en place du référentiel national des bénéficiaires (RNB).
M. Alain Vasselle, président, a rappelé que, en 2007 et 2008, la Cour des comptes s'est déclarée dans l'impossibilité d'exprimer une opinion sur les comptes de la branche famille. Ceci ne veut pas dire qu'elle a refusé de certifier les comptes mais que trop d'incertitudes les affectent pour qu'elle puisse les valider ou les invalider.
La Mecss a jugé que le Parlement ne pouvait se satisfaire de l'existence de doutes récurrents sur la fiabilité des comptes d'une des branches de la sécurité sociale dont les dépenses atteignent près de 60 milliards d'euros. Elle a donc voulu comprendre ce qui avait motivé la position de la Cour des comptes, évaluer le bien-fondé de son attitude face à la certification des comptes de la branche famille et vérifier que la Cnaf et les caisses locales mettaient tout en oeuvre pour répondre aux critiques. Cette étude a été confiée, comme c'est désormais la tradition, à deux co-rapporteurs, l'un issu de la majorité et l'autre de l'opposition.
Mme Christiane Demontès, rapporteur, a indiqué que la Cour des comptes justifie ainsi sa position sur les comptes de la branche famille : essentiellement absence d'un répertoire national des bénéficiaires (RNB), mais aussi risques mal identifiés, sous-estimation des charges à payer, incertitude globale sur les dépenses du fonds national d'action sociale, audit interne insuffisamment développé.
En ce qui concerne le RNB, il s'agit d'un registre informatique commun aux cent vingt-trois Caf de France, qui référence l'ensemble des personnes bénéficiant des prestations versées par les caisses. A chaque bénéficiaire est attribué un numéro unique qui permet à toutes les Caf d'avoir accès, en temps réel, à l'intégralité des informations le concernant. Cet identifiant personnalisé est affecté aussi bien aux ayants droit directs d'une prestation qu'à ses bénéficiaires indirects, par exemple les enfants d'une famille percevant les allocations familiales. Le RNB couvre les prestations familiales et les allocations distribuées par la branche famille pour le compte de l'Etat, comme l'allocation aux adultes handicapés.
L'absence de ce fichier jette un doute sur la fiabilité des comptes de la branche car elle rend très compliquée la détection de certaines fraudes ou indus, comme le fait de bénéficier plusieurs fois de la même allocation en s'inscrivant dans plusieurs caisses ou de se présenter avec des caractéristiques différentes dans deux caisses distinctes. Sans RNB, il est malaisé de repérer une multi-affiliation, car une Caf ne peut évidemment pas, pour chacun de ses allocataires, demander aux cent vingt-deux autres s'il est déjà référencé chez elles.
En décembre 2007, sous la direction de la Cnaf, les Caf ont donc commencé à constituer le RNB et sont passées d'une gestion par dossier, sur lequel était regroupée toute la famille, à une approche par personne, chacune ayant son propre numéro d'identification. La priorité est donc d'assurer la fiabilité du RNB lui-même, en vérifiant qu'une même personne n'est enregistrée qu'une seule fois, que tous les bénéficiaires sont bien enregistrés dans le fichier et que les liens de parenté référencés sont exacts. Cette tâche n'a pas été aisée ; la seule manière d'y parvenir consiste à contrôler que la personne enregistrée dans le RNB sous son numéro unique d'inscription au répertoire national des personnes physiques, le Nir, est exactement la même que celle identifiée par l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui attribue et gère les Nir. Cette opération technique est appelée « certification du Nir ».
Pour la majorité des allocataires, ce travail n'a pas posé de problèmes. Mais pour une minorité non négligeable - environ 5 % -, par exemple en cas de différences dans l'ordre ou l'orthographe des prénoms, la certification requiert la présentation d'extraits d'acte de naissance du bénéficiaire pour établir son identité avec certitude. Or, parfois, cette formalité ne peut être remplie par les allocataires étrangers qui ne sont pas en mesure de produire ces documents. A ce jour, aucune solution durable n'a été trouvée pour ces personnes qui ne peuvent donc pas être enregistrées dans le RNB.
Un an après la mise en place de ce fichier national, il faut reconnaître l'effort incontestable produit par les Caf qui ont réussi, malgré les difficultés, à certifier 33 millions de Nir sur 34,5 millions de bénéficiaires. L'utilisation du RNB n'est pas encore totalement automatisée, puisque le technicien doit encore vérifier manuellement la légitimité de la demande de l'allocataire, mais elle devrait l'être en 2010 : il ne sera alors plus possible d'enregistrer et de valider une nouvelle demande de prestation sans que l'application informatique du RNB contrôle sa compatibilité avec les caractéristiques de l'allocataire et, à défaut, la refuse.
Mme Christiane Demontès, rapporteur, a conclu son intervention sur une proposition et deux remarques. Au nom de la Mecss, elle a suggéré que les préfectures, au moment de l'instruction de la demande de titre de séjour des personnes étrangères, fassent elles-mêmes la requête de Nir auprès de l'Insee. Il en résulterait des formalités simplifiées pour l'usager, qui n'aurait plus à présenter deux fois les mêmes papiers à deux endroits différents, et des gains de productivité pour les administrations publiques.
Ensuite, elle a rappelé que la mise en place du RNB est une étape obligée dans l'élaboration du répertoire national commun de la protection sociale, le RNCPS, dont le Parlement a voté le principe dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce répertoire rassemblera les bénéficiaires de tous les régimes obligatoires de la sécurité sociale et de Pôle emploi, soit au total une soixantaine d'organismes ; il permettra de faciliter les démarches des assurés et constituera un outil efficace de lutte contre la fraude.
Enfin, elle a souligné que l'objectif d'obtenir la certification des comptes, aussi légitime qu'il soit, ne doit pas introduire une rupture dans la culture des Caf, dont les allocataires apprécient la sollicitude et la disponibilité.
Puis M. André Lardeux, rapporteur, a fait état des quatre autres insuffisances du contrôle interne des comptes de la branche famille dénoncées par la Cour des comptes : analyse des risques inadaptée, accès insuffisant aux fichiers des autres organismes, suivi laxiste des crédits du fonds national d'action sociale (Fnas) et audit interne trop approximatif. Sur tous ces sujets, la branche famille a récemment accompli des progrès notables :
- l'analyse des risques, c'est-à-dire des situations présentant un risque élevé de fraude, a été nettement améliorée. Pour 2008 et 2009, une cible spécifique de contrôle a été définie dans le plan de maîtrise des risques pour chacune des prestations ayant fait l'objet d'une observation de la Cour. A partir de 2010, un nouveau référentiel des risques entrera en vigueur, détaillant les failles potentielles prestation par prestation à chaque étape du processus, de la demande de l'allocation à sa liquidation ;
- l'accès aux fichiers des organismes tiers s'est également développé. La déclaration de ressources aux Caf a été supprimée cette année et la direction générale des finances publiques (DGFiP) envoie désormais directement les déclarations fiscales qu'elle reçoit aux Caf. La Cnaf étudie la possibilité, pour 2009, d'enrichir le contenu de ses échanges avec la DGFiP et d'y intégrer des informations sur le foyer fiscal, les personnes à charge et le logement, afin de recouper les données concernant la situation de parent isolé, le nombre d'enfants à charge et la résidence alternée. Les échanges d'information avec la Cnam restent en revanche insuffisants, notamment dans le domaine des rentes d'accident du travail et d'invalidité ainsi que des indemnités journalières qui, n'étant pas imposables, ne sont pas connues de la DGFiP. Le problème tient au manque de coopération de la Cnam et des caisses primaires d'assurance maladie (Cpam). Même si des échanges existent déjà, par exemple en Ile-de-France, ils restent rares et parfois trop tardifs. Il est donc nécessaire de mettre en place au plus vite une procédure automatisée de transfert des données avec toutes les Cpam ;
- en ce qui concerne le suivi des crédits du Fnas, qui s'élèvent à près de 4 milliards d'euros en 2009, les progrès sont incontestables mais pourraient être plus importants encore. Certes, l'instauration d'un mécanisme de « verrou » informatique empêche désormais les Caf de dépenser plus que les crédits qui leur sont alloués mais la traçabilité des dépenses reste insatisfaisante et l'on ne connaît toujours pas le détail des dépenses du Fnas. La Cnaf travaille à la définition d'un nouveau logiciel informatique plus adapté, mais qui ne sera certainement pas disponible avant plusieurs années ;
- enfin, s'agissant de la professionnalisation de la fonction audit au sein de la branche, il faut signaler que la Cnaf a embauché huit auditeurs sur les dix que réclamait la Cour des comptes, ce qui est relativement satisfaisant compte tenu des difficultés pour recruter des professionnels compétents, disponibles et acceptant un niveau de salaire plutôt inférieur à celui du marché.
Pour conclure, M. André Lardeux, rapporteur, a fait valoir qu'à l'inertie de départ a succédé une activité intense des caisses pour rattraper leur retard. Cependant, l'ampleur du chantier explique que sa mise en place ait pris du temps et que ses effets ne se feront réellement sentir que cette année ou même en 2010. Il n'est donc pas à exclure que la Cour des comptes se déclare une nouvelle fois dans l'impossibilité de se prononcer sur les comptes de la branche, ce qui serait, selon lui, tout à fait sévère.
Pour finir, il a évoqué le problème de la mise en place par les Caf du RSA, qui sera servi à partir du 1er juin prochain. Le Gouvernement a autorisé les Caf, dans cette perspective, à ne recruter que 1 007 agents supplémentaires, ce qui est faible : ces effectifs sont inférieurs de trois cents unités aux demandes de la Cnaf, lesquelles ne prenaient pas, qui plus est, en compte la hausse potentielle du nombre d'allocataires résultant de la crise économique. Avant même de commencer le versement du RSA, le retard accumulé fin 2008 dans l'examen des demandes était de 6,6 jours en moyenne dans l'ensemble du réseau des Caf, chiffre record jamais atteint à ce jour. Plusieurs caisses, comme celle de Nice ou de Creil, ont même été conduites à fermer leurs guichets pour dégager du personnel et traiter les dossiers déposés.
Afin que le RSA soit servi dans de bonnes conditions et qu'il ne vienne pas remettre en cause le minutieux travail de construction du RNB, il sera, à son sens, difficile d'éviter le recrutement d'effectifs supplémentaires.
M. Gilbert Barbier a demandé comment la Mecss envisage de suivre l'évolution des différents sujets évoqués.
M. Alain Vasselle, président, a répondu que la Mecss sera particulièrement attentive à l'avancement des travaux du RNCPS et à la mise en place du RSA dans des conditions satisfaisantes. Des auditions ou des enquêtes pourront être effectués en ce sens.
M. André Lardeux, rapporteur, a ajouté que la position de la Cour sur les comptes de la branche constituera, dès le mois de juin prochain, un premier test pour le réseau des Caf.
Puis la commission a autorisé la publication du présent rapport d'information de la Mecss.