C. LES ERREURS D'EADS
1. L'industriel a sous-estimé l'ampleur du défi
La toute première erreur de l'industriel a été de penser qu'un avion de transport militaire tactique équivalait à un avion de transport civil « peint en vert », bref qu'il s'agissait de construire un Airbus comme les autres et que les compétences acquises en matière de certification civile seraient un atout substantiel.
Il semble rétrospectivement possible de dire que l'absence d'expérience des ingénieurs d'Airbus en matière d'avions de transport militaire les a conduits, malgré la présence d'Alenia et de CASA, à sous-estimer gravement la masse, les contraintes sur la structure et la complexité des systèmes de mission d'un avion de transport militaire.
Or, un avion de combat est un système d'armes complexe. Sa mise au point nécessite une expertise et des savoir-faire spécifiques. Nul doute qu'Airbus est en train de les acquérir. Mais il ne les avait pas à l'époque et, de ce fait, n'a pas identifié les risques technologiques.
Or ne pas identifier les risques montre que l'on n'a pas l'expertise nécessaire pour conduire le projet. Les erreurs relatives à la formation des prix et au calcul des délais en découlent directement.
2. Une organisation défectueuse a conduit à une mobilisation insuffisante des forces vives d'Airbus
L'organisation retenue en avril 2002 était la suivante, MM. Rainer Hertrich et Philippe Camus étant alors coprésidents exécutifs (CEOs) d'EADS :
- la phase de développement était placée sous l'autorité de la direction d'Airbus, plus spécialement de M. Noël Forgeard ;
- Airbus était responsable de 70 % du développement, les 30 % restants relevant de la responsabilité d'Airbus Military (alors AM SAS), aux moyens plus limités, mais qui disposait d'une expérience dans le domaine militaire. Airbus Military, de fait une émanation d'EADS CASA, s'appuyait en particulier sur la division des avions de transport militaire (MTAD) d'EADS, juridiquement abritée dans EADS CASA ;
- l'assemblage final et les livraisons de l'A400M devaient en revanche relever de la responsabilité d'Airbus Military, qui disposait du site de Séville d'EADS CASA ;
- afin de permettre la coordination entre la direction militaire d'Airbus, Airbus Military et la MTAD, il a été décidé que ces trois entités seraient dirigées par un responsable unique.
Cette organisation constituait un compromis entre la volonté de permettre au programme A400M de disposer des moyens d'Airbus, et celle de reconnaître à l'industrie espagnole la prééminence au sein d'EADS en matière d'aviation militaire.
Mais, de ce fait, AMSL était placée dans une situation intenable vis-à-vis d'Airbus :
- en tant que filiale elle devait exécuter ses ordres ;
- en tant que responsable industriel du programme, elle devait pouvoir mobiliser les unités de production de sa société mère.
Cela ne pouvait pas fonctionner. C'est pourquoi M. Alberto Fernandez, alors président exécutif (CEO) d'EADS CASA et d'Airbus Military, contesta, en 2002, le mode d'organisation retenu et démissionna en avril 2002 de ses fonctions à la tête d'Airbus Military, puis, en mai 2002, de l'ensemble de ses fonctions au sein d'EADS. Il fut remplacé par M. Francisco Fernández Sáinz .
C'est à cette mauvaise organisation managériale qu'il a été mis un terme par M. Louis Gallois le 16 décembre 2008, en intégrant MTAD au sein d'Airbus, sous le nom d'Airbus Military, qui désigne donc désormais MTAD et AMSL.