C. LES PÊCHEURS, PREMIERS ACTEURS D'UNE PÊCHE RESPONSABLE
Les pêcheurs sont les premiers acteurs d'une pêche responsable, contrairement à l'impression que peuvent produire dans les média l'action d'ONG ou certaines déclarations d'experts, rien n'est possible contre eux. Plus encore, rien n'est possible sans eux, sans leur consentement et leur collaboration active .
Mettre en place une pêche durable est certes un enjeu pour la planète et l'alimentation de la population, mais c'est très directement la condition même de survie des pêcheurs .
Au fil de ses rencontres, votre rapporteur a acquis la conviction que les pêcheurs étaient prêts à s'y engager pour peu qu'on leur propose un cadre cohérent.
Une telle évolution passe sans doute par trois évolutions : la réduction de la capacité de capture, l'abandon de la culture du passager clandestin, et la capacité des pêcheurs de gérer leur propre ressource.
1. L'inévitable réduction de la capacité
Après une période de soutien à l'accroissement de la capacité de pêche, l'Europe a rapidement basculé vers des mesures de réduction et de restructuration sans pour l'instant y parvenir de manière significative.
Particulièrement impopulaire, la réduction de la capacité de pêche est pourtant nécessaire. Fondamentalement, deux raisons l'expliquent. D'abord l'état des stocks halieutiques , même s'il n'avait pas pour cause principale la surpêche, imposerait de réduire les capacités pour permettre la reconstitution. Le mauvais état économique de la filière, ensuite , quel que soit le cours de marché du pétrole ou celui du poisson qui ne sont que les révélateurs conjoncturels. D'ailleurs le niveau extrêmement élevé du soutien public à la pêche, de l'ordre de 73 % du chiffre d'affaires, le montre parfaitement.
Là aussi, contrairement à ce qui est le plus souvent publiquement déclaré, votre rapporteur a la conviction que les pêcheurs sont en grande majorité parfaitement conscients de l'équation économico-écologique de leur secteur . Les échanges qu'il a pu avoir vont en ce sens. Plus encore, les pêcheurs ont « voté avec leurs pieds » en répondant massivement au plan de sortie de flotte proposé par le Ministre. Plus de deux fois plus de demandes ont été enregistrées que prévu initialement. Si les pêcheurs avaient confiance dans la profitabilité à venir de leur activité, ils n'auraient probablement pas réagi de la sorte et auraient attendu. Dans un port, on lui a même fait remarquer que certains navires qui allaient bénéficier du plan, n'auraient pas dû être retenus car trop vieux et voués à la casse, ils ne constituaient pas vraiment une réduction de capacité ce qui provoquait jalousie et récrimination des pêcheurs actifs ou de ceux dont le dossier n'avait pas été retenu.
Si jusqu'à présent les réductions du nombre des navires ont toujours été compensées par la modernisation de l'existant, c'est que le système européen et le manque de confiance entre pays incitent à le faire.
En effet, la politique commune des pêches entretient un véritable cercle vicieux conjuguant droits historiques et course au poisson . D'une part, les quotas de pêches sont attribués sur la base de ce qui a été pêché par le passé par zone et par espèce. Chaque État a intérêt à défendre sa quote-part et à la pêcher effectivement de crainte qu'elle ne soit réduite à l'avenir. Parallèlement, la communautaristation des eaux européennes fait qu'en principe les eaux de chacun sont ouvertes aux autres de manière réglementée pour les poissons sous quota mais non réglementée pour les poissons qui ne le sont pas. Dès lors, la nasse se referme : toute réduction nationale de capacité qui ne soit pas collectivement pratiquée au niveau européen ne bénéficiera pas à la gestion durable de la ressource mais aux concurrents. Ainsi, il n'y a pas a priori de politique nationale plus avisée au niveau européen que de prôner la réduction de l'effort de pêche des autres tout en pratiquant soi-même une restructuration de sa flotte qui préserve la capacité de pêche effective... sauf que si tous les États mènent cette politique, la surpêche se maintient et la situation s'aggrave.