B. L'IMPACT DIRECT DES ACTIVITÉS HUMAINES ET DE LA POLLUTION

L'impact de la pollution des eaux marines est mal mesuré. Il est difficile de savoir quelles en sont les conséquences sur la faune.

Les pêcheurs croient pouvoir mesurer très directement l'impact sur leurs captures. Ils remarquent que les espaces marins sont de moins en moins libres mais font l'objet d'un nombre croissant d'activités qui polluent ou dérangent le milieu. Ils s'inquiètent de plus en plus ouvertement des déversements des fleuves comme le Rhône, la Loire, la Seine et la Garonne. La crise autour des PCB a permis de donner la parole aux pêcheurs qui ne parvenaient pas à peser face aux intérêts industriels et plus généralement terrestres. Les pêcheurs craignent que ce ne soit tout le « panache », à l'embouchure des principaux fleuves qui soit pollué et rende impossible la pêche.

Cette thématique a une place importante pour l'Ifremer. Dans son rapport d'activité 2007, sur les 28 actions ou programmes de recherche de la thématique « Surveillance, usage et mise en valeur des mers côtières », ceux portant sur la toxicité et les pollutions sont au nombre de 13, soit presque la moitié.

1. Plastiques, macro et microdéchets

La pollution par les plastiques est une des illustrations les plus visibles de ce phénomène. Chacun a en mémoire le spectacle peu reluisant des plages avant leur nettoyage. Les navigateurs témoignent fréquemment du nombre de plus en plus élevé de détritus qu'ils sont amenés à croiser le long de leurs parcours. L'archétype de cette pollution est au niveau mondial le « Great Pacific Garbage Patch » (cf. Curtis Ebbesmeyer). Il s'agit d'une zone où le gyre 8 ( * ) central du Pacifique concentre des masses considérables de déchets. Elle serait grande comme 1,25 fois la France et regrouperait plus de 3 millions de tonnes de plastiques divers. On y trouverait un poids six fois plus élevé de microparticules de plastique que de plancton, ces déchets se désagrégeant en sans pour autant disparaître.

2. 40 % de la surface des océans fortement affectés par l'homme

La question de la mesure de l'impact globale de l'homme sur le milieu marin fait l'objet de nombreuses recherches. Un seuil a récemment été franchi par des chercheurs américains du National Center for Ecological Analysis and Synthesis (NCEAS) sous la direction de Benjamin Hapern de l'Université de Californie à Santa Barbara. Ils sont parvenus à dresser une carte mondiale qui a été publiée dans le magazine Science en février 2008 9 ( * ) . Elle montre que plus de 40 % de la surface mondiale des océans sont très fortement affectés par les activités humaines . Cette carte est une percée car jusque là il n'existait que des mesures d'impact localisées ou limitées à une ou quelques activités.

Pour réaliser cette carte composite, les chercheurs ont procédé en quatre étapes. La première a consisté à collecter des cartes ou à en créer au niveau mondial de tous les types d'activités humaines ayant un impact sur le milieu marin, soit 17 activités au total, de la pêche en passant par le changement climatique et la pollution. Ils ont ensuite cherché à estimer les conséquences écologiques de ces activités et ont développé une méthode pour quantifier la vulnérabilité de chaque écosystème. La troisième étape a été la combinaison des cartes d'impact et des cartes de vulnérabilité. Enfin, ils ont procédé à un recoupement entre les cartes disponibles sur l'état des écosystèmes et les résultats obtenus au sujet des activités et des vulnérabilités.

Les auteurs estiment que cette carte est une sorte de « signal d'alarme » de l'état des océans, alors que beaucoup de dégradations restaient cachées ou étaient vues isolément. Ils ont avoué que le résultat était pire que ce qu'ils imaginaient et qu'ils ont été étonnés.

En effet, de larges zones de la mer du Nord, de la mer de Chine, de la côte Est des États-Unis ou de la Méditerranée sont extrêmement affectées.

Il ne s'agit pas pour autant d'un constat désespéré, cette carte reste un outil évolutif qui va s'affiner avec l'amélioration des données disponibles dans une dynamique coopérative avec le reste de la communauté scientifique intéressée. Surtout, il s'agit d'un outil de gestion et de conservation pour les responsables politiques afin de définir et d'optimiser des aires marines protégées et de développer une gestion fondée sur les écosystèmes (ecosystem-based management). Une telle carte peut en effet aider à définir des zones et des actions prioritaires aussi bien en identifiant les zones les plus dégradées que celles qui le sont le moins .

* 8 Courant circulaire.

* 9 14 février 2008, 319, 948-952.

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