2. L'Inde, un nouveau pôle mondial de la R&D ?
Selon des chiffres cités par le magazine « India Today », 525 000 ingénieurs, 250 000 docteurs, 1,7 million de diplômés en matière scientifique et 1,5 million d'anglophones, diplômés en commerce et management, sortent chaque année des universités ou grandes écoles indiennes.
Pour un certain nombre d'observateurs, l'Inde deviendrait la capitale mondiale de l'externalisation des activités de R&D.
Ouvert à la mondialisation, le pays parie beaucoup sur les niches technologiques. Il se positionne progressivement sur les créneaux dynamiques de la demande mondiale dans certains secteurs nouveaux, à forte intensité en capital humain (l'informatique, l'industrie pharmaceutique, bio et nano-technlogies), tout en évitant une concurrence frontale avec la Chine dans les industries de main d'oeuvre. Les services qui ont tiré la croissance indienne des années 1990, constituent actuellement la moitié du PIB du pays.
Pour d'autres interlocuteurs , il ne serait pas facile cependant de déterminer si le nombre impressionnant de brevets (la filiale indienne de Intel en a déposé 63 en 2003, par exemple) correspond réellement à un niveau d'innovation élevé, les Indiens cherchant à minimiser les succès remportés par la R&D dans leur pays, afin de ne pas effrayer les pays occidentaux.
Ainsi, un récent article de la revue « Problèmes économiques » soulignait que : « Les sociétés informatiques indiennes, conscientes de la crainte que suscite dans les pays industrialisés la délocalisation en Inde d'un nombre croissant d'emplois techniques de haut niveau, soulignent qu'aussi importante que soit leur contribution, le travail de pointe et l'innovation continuent d'être réalisés dans les laboratoires de leurs clients . » 2 ( * ) .
M. Pavan K. Varma 3 ( * ) estime que les diplômés indiens ont des bases solides dans leurs spécialités et qu'ils brillent plus souvent par leur talent d'imitation que de réelle innovation. Il relève que leur génie s'exprime en revanche plus librement à l'étranger, loin de leur culture traditionnelle. Car, dans ce pays de contrastes, le sens de la hiérarchie et de l'ordre établi est fort ; les bidonvilles et les tas d'ordures sont proches du superbe campus de Bangalore, la « Silicon Valley » de l'Inde ; et les ingénieurs en logiciels, à la pointe de la technologie, n'envisageraient pas de se marier hors de leur caste...
Par ailleurs, à l'occasion de certaines visites, votre délégation a pu percevoir, que le manque de techniciens et de cadres administratifs nuisait à l'efficacité de la recherche indienne. La lourdeur de l'administration a également été dénoncée comme un frein.
Le pays semble aussi confronté, non à un manque d'étudiants en sciences, comme en France, mais parfois à leur insuffisante préparation pour poursuivre une carrière de chercheur.
Néanmoins et en tout état de cause, l'Inde bénéficie de chercheurs de très haut niveau et elle souhaite promouvoir l'innovation.
Ainsi par exemple, les représentants de l'IIT de Delhi ont exposé à votre délégation que cet institut mettait à la disposition des étudiants-chercheurs un espace et des moyens pendant 2 ans afin qu'ils puissent valoriser leurs projets de recherche.
Par ailleurs, un programme de promotion de l'innovation vient d'être lancé : le « Technopreneur Promotion Program » (TePP). Il s'adresse essentiellement à des particuliers ou à des très petites entreprises (de moins de 1 million de roupies -soit 15.700 euros- de chiffre d'affaires). Le financement peut avoir lieu à deux étapes différentes du développement d'un produit :
- la première phase du programme consiste à financer les coûts de développement d'un prototype de l'innovation en question. Cette partie du programme ne prend pas en compte les aspects relatifs à la propriété intellectuelle ;
- la deuxième phase du programme consiste à financer le début de la mise en place de la commercialisation de cette innovation.
A l'occasion du séminaire sur « le défi indien » organisé par la CCIP et Ubifrance, vendredi 29 septembre 2006, Christophe Jaffrelot, directeur du Centre d'études et de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po, a analysé les raisons du succès économique de l'Inde.
* 2 Problèmes économiques, n° 2.866 « L'Inde, l'autre géant asiatique ».
* 3 Pavan K. Varma : « Le défi indien - Pourquoi le XXI e siècle sera le siècle de l'Inde » (2004) -Editions Actes Sud.