B. LA NÉCESSITÉ D'ASSURER L'ACCUEIL DES CLANDESTINS
1. Maintenir l'effort engagé dans les services publics
L'immigration clandestine rend plus difficile le rattrapage, par Mayotte, du niveau de service public de la métropole, car elle contribue au fort accroissement démographique de l'île.
Il est essentiel que ce phénomène ne constitue pas une raison pour ralentir le mouvement de rattrapage dans lequel s'inscrit Mayotte, notamment en matière d'éducation et de santé. Comme l'a montré l'analyse ci-avant, les dépenses d'investissement que constituent les constructions de nouvelles structures hospitalières et de nouveaux établissements scolaires sont rendus nécessaires par la conjonction des évolutions sociales de la population mahoraise, de son accroissement démographique et de la nécessité d'améliorer une offre traditionnellement très lacunaire par rapport à celle disponible en métropole, ou même à La Réunion.
Votre rapporteur spécial juge cet effort très satisfaisant. Il estime notamment que les étrangers en situation irrégulière ont, comme la population en situation régulière, droit à l'instruction et aux soins. Ils doivent par conséquent pouvoir bénéficier de la politique d'amélioration de ces services dans laquelle s'est engagée la France et il convient que cet effort se poursuive .
2. Améliorer les conditions d'accueil des immigrés clandestins
Comme votre rapporteur spécial l'a relevé ci-avant, les conditions d'accueil au sein du centre de rétention administrative de Pamandzi sont particulièrement précaires. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer a ainsi indiqué que le taux d'occupation du centre avait été de 149 % en 2006 et de 155 % en 2007.
Votre rapporteur spécial juge particulièrement important que l'engagement pris par M. Yves Jégo, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, lors de son déplacement à Mayotte en avril 2008, de « publier, le plus rapidement possible, le calendrier de construction et de reconstruction du centre de rétention administratif » soit effectivement mis en oeuvre . La construction de ce nouveau site d'accueil est une exigence pour les populations qui sont amenées à y être retenues et serait par ailleurs bienvenue pour les effectifs des forces de l'ordre qui y travaillent actuellement dans des conditions difficiles.
C. LES INSUFFISANCES DE LA SOLUTION DU CO-DÉVELOPPEMENT
1. Le renforcement de la coopération entre la France et les Comores
La question de l'immigration clandestine à Mayotte est indissociable du cadre plus large des relations entre la France et l'Union des Comores.
Depuis 1975, les Comores revendiquent leur souveraineté sur l'île de Mayotte. Toutefois, elles acceptent depuis 1994 de reporter périodiquement l'examen du « point Mayotte » de l'ordre du jour de l'Assemblée générale des Nations Unies au profit d'un dialogue strictement bilatéral sur cette question. Si le problème de l'immigration clandestine comorienne concerne au premier chef Mayotte, le ministère des affaires étrangères et européennes relève qu'elle « ne concerne pas que Mayotte. On évalue à près de 200.000 la communauté comorienne en métropole. Plus de la moitié des cas recensés de tentative d'acquisition frauduleuse de la nationalité française concerne des Comoriens » 42 ( * ) .
Le Groupe de travail à haut niveau (GTHN) France / Union des Comores a été créé suite à l'entretien entre le Président de la République française, M. Nicolas Sarkozy, et le Président de l'Union des Comores, M. Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, le 28 septembre 2007, à Paris . Son objectif est d'accompagner l'Union des Comores dans son développement. Ces discussions englobent la question de l'immigration clandestine, d'une part, parce que l'émigration des Comoriens vers Mayotte a essentiellement pour moteur des motifs économiques et, d'autre part, parce que la qualité des relations entre la France et l'Union des Comores a pour préalable le règlement de la question sensible de l'immigration. D'ailleurs, conformément aux souhaits des autorités comoriennes, le GTHN a débuté ses travaux par l'examen des questions liées à la circulation des personnes, notamment entre Mayotte et les autres îles de l'archipel, afin de mieux organiser et réguler les échanges et de faciliter le séjour des Comoriens sur le territoire français.
Lors de la seconde réunion du GTHN, tenue à Paris, le 4 juin 2008, l'objectif a été fixé de parvenir à un accord global sur la normalisation des relations et l'intensification des échanges entre les îles de l'archipel avant la fin de l'année 2008. Les trois principaux thèmes retenus sont la circulation des personnes et des biens, le développement de la coopération régionale et les modalités institutionnelles de cette coopération régionale.
2. Fixer les objectifs d'une coopération internationale fructueuse
La coopération avec l'Union des Comores afin de favoriser le développement économique du pays est totalement justifiée, notamment du fait des liens historiques et géographiques étroits entre la France et l'Union des Comores.
Toutefois, votre rapporteur spécial estime que la politique de co-développement ne permettra pas, à elle seule, de mettre fin aux flux d'immigration illégale vers Mayotte . En effet, bien qu'utile, l'aide française envers les Comores ne pourra permettre à ce pays de suivre le développement économique de Mayotte. Comme indiqué ci-avant, les Comores, pays de 700.000 habitants, connaissent une situation économique particulièrement difficile. Des actions peuvent être entreprises. Il est notamment envisagé de soutenir les productions agricoles anjouanaises, en y sédentarisant la population, et en mettant éventuellement en place une coopération avec Mayotte, où seraient conditionnés les produits anjouanais. L'intérêt de ces projets est réel mais, à court terme, ils ne paraissent pas suffisants pour réduire l'écart entre le développement entre les Comores et Mayotte.
Si une politique de coopération fructueuse peut être mise en oeuvre, il convient donc de ne pas surestimer sa capacité à résoudre rapidement le problème de l'immigration clandestine. Dans ce domaine, deux objectifs réalistes peuvent toutefois être fixés.
Le premier objectif d'une politique de co-développement devrait être de stabiliser l'Etat comorien . En effet, comme l'a montré récemment l'intervention des forces comoriennes à Anjouan, le pays est encore l'objet de troubles importants et souffre de faiblesses institutionnelles qui constituent un réel obstacle à son développement.
Par ailleurs, une aide économique peut être apportée aux Comores dans le cadre d'une coopération réelle en matière de politique de lutte contre l'immigration clandestine. Cette coopération pourrait notamment avoir pour but d'éviter les situations, exposées ci-avant, dans lesquelles les Comores refusent d'accepter sur leur territoire des clandestins reconduits à la frontière depuis Mayotte . L'étude des réseaux d'immigration clandestine a montré que de nombreuses actions pouvaient être entreprises, aux Comores, pour lutter « à la racine » contre l'immigration clandestine. Notamment contre les passeurs et les propriétaires des « kwassas-kwassas » utilisés pour les traversées. Les forces de gendarmerie présentes à Mayotte se sont déclarées très favorables au développement d'une coopération plus étroite avec les Comores dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine.
* 42 http://www.diplomatie.gouv.fr