Audition de Mme Pierrette CATEL, chargée de mission au Conseil national des missions locales - (19 février 2008)
M. Jean-François HUMBERT, Président - Je vous prie de bien vouloir nous excuser de notre retard. Nous allons vous laisser organiser votre exposé comme vous l'entendez.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Mme Pierrette Catel connaît les missions locales, dans la mesure où elle représente souvent le conseil des missions locales au CNLE, mais aussi l'ANPE. Les réseaux d'aides de l'accès à l'emploi sont au coeur des préoccupations de cette commission, la pauvreté et l'exclusion provenant souvent d'une difficulté à accéder à l'emploi.
Je souhaiterais que vous nous fassiez bénéficier de votre expérience et de votre approche méthodologique dans les deux réseaux des missions locales et de l'ANPE.
Mme Pierrette CATEL - Je parlerai davantage des missions locales que de l'ANPE, dans la mesure où je suis venue aujourd'hui représenter le conseil national des missions locales. Bien évidemment, si vous souhaitez me poser des questions spécifiques à l'ANPE, j'y répondrais bien volontiers.
Dans le cadre des réflexions actuelles sur les sujets de l'insertion sociale et professionnelle des personnes en grande précarité, je pense qu'il convient impérativement de rester vigilant. De la sorte, nous éviterons le phénomène du stop and go. Au cours de ces dernières années, un certain nombre de dispositifs ont été mis en oeuvre, puis interrompus, pour être remplacés par d'autres dispositifs. Par exemple, dans le domaine de l'insertion des jeunes, le dispositif TRACE commençait à donner des résultats, lorsqu'il a été remplacé par le CIVIS. Changer un dispositif entraîne une rupture de la mobilisation des acteurs. En effet, la connaissance et l'appropriation des mesures par les professionnels nécessitent du temps.
Le réseau des missions locales représente 488 structures réparties sur l'ensemble du territoire, proposant une intervention auprès des jeunes dans presque 4 000 lieux d'accueil. Chaque mission locale représente le siège d'une offre de services dispensée dans différentes permanences. En 2006, les missions locales ont accueilli 1,2 millions de jeunes. Certains d'entre eux trouvent rapidement l'information dont ils ont besoin et ne reviennent pas à la mission locale. D'autres jeunes, en revanche, vont se fidéliser et bénéficier du droit à l'accompagnement que représente le CIVIS.
Ce dispositif consiste à accompagner le jeune en tenant compte de la globalité de son parcours, pour l'aider à trouver des solutions à l'ensemble de ses différents problèmes. Nous travaillons donc à la fois sur le volet social et sur le volet de l'insertion professionnelle. Pour cette raison, les missions locales ont souvent été amenées à inventer elles-mêmes des solutions lorsqu'elles n'existaient pas sur leur territoire. Par exemple, certaines missions locales en milieu rural ont été obligées d'innover dans certains domaines, en l'absence de partenaires et d'infrastructures.
Le réseau témoigne d'une difficulté à capitaliser les bonnes pratiques et à les partager. Nous souhaitons donc réfléchir à une meilleure structuration du réseau des missions locales, en particulier pour que le réseau d'animation national puisse entrer davantage dans le cadre de ses missions. Nous assistons actuellement à une réorganisation importante, au niveau régional, des services de l'emploi, en particulier à travers la fusion de l'ANPE et l'UNEDIC. C'est pourquoi nous éprouvons un réel besoin d'organiser l'offre de services des missions locales, avec une animation au niveau régional. Cette préoccupation est l'un des champs sur lesquels nous devons travailler dans les mois qui viennent, de façon à ce que l'offre de services puisse s'imbriquer dans celle du nouvel opérateur.
J'aimerais mettre l'accent sur un certain nombre de progrès que les missions locales se proposent d'accomplir, en réponse à la lettre de mission que Mme la Ministre de l'Économie et de l'Emploi nous a adressée récemment. Mme Christine Lagarde nous a demandé de formuler des préconisations visant à réduire les écarts en matière d'emploi entre les ZUS et le reste du territoire. Nous avons rédigé trente-cinq préconisations, qui lui ont été présentées il y a une dizaine de jours, et ont été reçues très favorablement. Nous allons, par conséquent, constituer un groupe de travail pour examiner la mise en oeuvre possible de ces suggestions.
Avant de vous les présenter, je souhaiterais vous indiquer que nous sommes plutôt satisfaits des résultats obtenus pour l'année 2006, même s'ils ne seront jamais suffisants. Il faut toujours garder à l'esprit quel est le type de jeunes que nous accompagnons dans les missions locales. Plus de 50% de ces jeunes ont un bas niveau de qualification et sortent du système scolaire sans diplôme. De plus, ils souffrent souvent de phénomènes d'illettrisme extrêmement prégnants. Ces jeunes ne connaissent pas le monde de l'entreprise. Leurs parents sont souvent dans une situation de pauvreté ou s'approchant de la pauvreté, et sont au chômage depuis plusieurs années. Ces jeunes n'ont donc pas encore conscience de la valeur du travail et ne savent pas comment la mettre en pratique dans leur parcours.
L'accompagnement des missions locales va donc justement permettre aux jeunes de découvrir des métiers et des secteurs d'activité, mais aussi de prendre contact avec la réalité du monde professionnel. A cet égard, je tiens à saluer le rôle des parrains dans ces actions d'insertion. Le développement du parrainage, qui constitue l'une de nos trente-cinq préconisations, engendre des bénéfices collatéraux importants. Ainsi, le parrain qui aide le jeune à se familiariser avec le monde de l'entreprise, va, dans le même temps, changer son regard sur ce dernier. Les parrains, qui ne sont pas formés pour rencontrer les jeunes, sont, en effet, souvent étonnés du bas niveau de qualification et de connaissances générales de ces jeunes. Par conséquent, ce type de rencontre représente une avancée non négligeable dans la lutte contre l'exclusion et contre les discriminations.
Le mois prochain, nous aurons connaissance des résultats exacts du nombre de jeunes entrés dans le cadre du CIVIS. Nous estimons qu'un jeune sur cinq, soit 100 000 jeunes en tout, a obtenu un emploi durable en sortant du dispositif. Même si les résultats semblent faibles, le dispositif est relativement performant et nous ne souhaiterions pas qu'il pâtisse du phénomène du stop and go, mais, qu'au contraire, il soit amélioré.
M. Jean DESESSARD - Dans quelle mesure le dispositif permet-il au jeune de trouver un emploi ?
Mme Pierrette CATEL - Le jeune sortant du système scolaire à 16 ans n'est pas préparé à travailler. Même si les offres d'emploi étaient suffisantes, elles ne correspondraient pas nécessairement à son profil. Ainsi, beaucoup de régions se trouvent confrontées à une inadéquation entre l'offre et la demande. En Seine-Saint-Denis, par exemple, l'économie est en train de se développer. Mais les jeunes sortis du système scolaire sans qualification ne sont pas prêts à intégrer les entreprises du département. Le droit à l'accompagnement offre justement la possibilité de combler les écarts entre l'offre et la demande en matière d'emploi, en proposant des formations adaptées ou en permettant aux jeunes d'effectuer des stages en entreprise.
Les stages ont pour vocation de faire évoluer les représentations des jeunes à l'égard de certains métiers. Par exemple, dans le secteur du bâtiment, l'action majeure des parrains consiste à démontrer aux jeunes que leur représentation des métiers est fausse.
En outre, au cours de l'année 2006, 487 000 jeunes ont accédé à l'emploi ou à une formation durant une courte période. Ces phases d'emploi ou de formation contribuent à redynamiser la démarche d'accès vers un emploi durable, dans le cadre du dispositif. En outre, vous devez savoir que les parcours CIVIS peuvent être longs ; leur durée moyenne est de dix-huit mois. Les jeunes doivent, en effet, accomplir un long parcours entre le moment où ils arrivent à la mission locale et le moment où ils sortent du dispositif. Pour favoriser l'intégration des jeunes, nous effectuons un travail important de mise en relation avec les entreprises, et permettons aux jeunes de se créer un livret de compétences professionnelles. Nous disposons, en ce sens, d'outils de plus en plus performants. Ainsi, dans le cadre du partenariat avec l'ANPE, nous mettons en place des plates-formes de vocations permettant de valider des compétences professionnelles à partir de tests d'habileté. Les jeunes n'ayant pas de qualifications doivent alors démontrer leur capacité à intégrer directement certaines fonctions.
Je souhaiterais, à présent, revenir sur les préconisations que j'ai évoquées au début de mon intervention. Nous les avons classées par objectifs, dont le premier consiste à favoriser les contacts entre les jeunes et les missions locales. Nous nous sommes, en effet, aperçus de la nécessité d'aller à la rencontre des jeunes pour leur faire connaître et fréquenter la mission locale.
M. Jean DESESSARD - Dans ma commune, je constate que les missions locales ont des difficultés à accueillir et à prendre en charge l'ensemble des jeunes qui se présentent. Ainsi, je ne comprends pas la raison de votre démarche consistant à aller chercher d'autres jeunes qui ne fréquentent pas habituellement les structures, alors que la capacité d'accueil de ces dernières est limitée.
M. Paul BLANC - De quelle manière procédez-vous pour mettre en oeuvre cette préconisation ?
Mme Pierrette CATEL - Nous suggérons aux missions locales de travailler le plus possible avec l'ensemble des acteurs sociaux, les différentes branches de l'éducation nationale et les associations. Il faut, en effet, que les jeunes puissent connaître la mission locale, avant d'accéder à ses services. Les structures peuvent, par exemple, organiser des journées portes ouvertes en direction des collèges, permettant aux jeunes d'identifier le lieu et de se créer des repères. Ce travail de tissage de lien doit se développer et être porté par un discours politique. A cet égard, il faut que le secteur social s'organise pour accroître la lisibilité de l'offre de services.
Il est également fondamental de travailler avec les familles. En outre, dans le cadre de la prévention de la délinquance et de la récidive, les missions locales se rendent dans les établissements pénitentiaires pour préparer la sortie des jeunes. Ces jeunes bénéficient de la possibilité de préparer la signature du CIVIS, pour une mise en oeuvre dès la sortie de prison. Nous préconisons de mener ces actions sur l'ensemble du territoire.
De plus, nous devons améliorer la qualité de l'orientation professionnelle, ainsi que son accès, le plus en amont possible, en partenariat avec les CIO et les établissements scolaires.
Nous sommes également très soucieux de valoriser, le plus tôt possible, les compétences des jeunes déjà acquises dans le cadre familial. Ainsi, même si le jeune ne possède pas de diplôme ou de qualification, il peut néanmoins faire preuve de certaines compétences ou de savoir-faire. A cet effet, les plates-formes de vocation jouent un rôle très important dans la détection des compétences.
Nous préconisons, par ailleurs, de mieux lutter contre l'illettrisme, en formant les conseillers à repérer certains cas qui ne sont pas visibles immédiatement. Ainsi, les jeunes illettrés ont souvent développé d'autres compétences qui masquent leurs lacunes, en particulier des compétences orales.
Un autre de nos objectifs consiste à lever les freins à l'élaboration de projets à l'insertion, tout en accordant du temps à ces parcours CIVIS. Nous menons ainsi une action visant à favoriser les changements de comportement et l'acquisition de codes sociaux. Les conseillers ont observé certaines attitudes caractéristiques de jeunes qui fréquentent les missions locales :
Ainsi, ceux-ci viennent aux actions par les copains, mais sans projet professionnel. Il leur est difficile de s'inscrire dans une action sur la durée, étant impatients d'obtenir des résultats ou des aides. Ils confondent les termes volonté et velléité, les verbes assumer et revendiquer. Ils connaissent les normes, mais ne les intériorisent pas. Par exemple, ils ne se lèvent pas le matin s'ils sont sortis la veille. Ils n'acceptent plus le travail de type normalisé, mais le travail individualisé. Ils opposent une force d'inertie, d'attente et d'immobilisme. Ils recherchent des repères, sans en accepter les bornes. Ils n'intègrent pas la notion de hiérarchie et les normes relationnelles sociales y afférent. Ils font un amalgame entre force et pouvoir, maturité et expression de la violence physique. Ils ont un langage vulgaire, voire obscène, qui devient un langage courant. Ils ne mettent plus de sens derrière les mots et ne voient donc pas la nécessité d'en changer. Ils remplacent les valeurs et normes de comportements sociaux, plus spécifiquement professionnelles, par celles de la bande ou du quartier. Ils ont une image, un look et une apparence inadéquats, portant des casquettes, des capuches ou des piercings. Ils refusent d'adapter cette apparence, car cela est assimilé à une perte d'identité. Ils résistent mal à une réponse négative à l'une de leur demande, quel qu'en soit l'objet, car elle est assimilée à un rejet.
Pourtant, lorsque les jeunes arrivent dans les missions locales, leur premier souhait est de travailler. Notre action s'inscrit donc réellement dans une aide aux parcours d'insertion et dans un accompagnement renforcé pour les inciter à changer de comportements.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Quel lien existe-t-il entre ces préconisations et les offres de services proposées par les missions locales ?
Mme Pierrette CATEL - Il s'agit de préconisations particulières, qui mettent l'accent sur certaines bonnes pratiques que nous souhaitons développer, en allant au-delà de l'offre de services habituelle de la mission locale.
Notre troisième objectif consiste à vouloir lever les freins à l'insertion sociale, et à mettre à disposition les « coups de pouce » nécessaires. A cet égard, je vous parlerai plus précisément du FIPJ. Depuis la mise en place du Plan de cohésion sociale, les missions locales bénéficient d'un fonds, le Fonds de l'Insertion Pour les Jeunes. Celui-ci voit son chiffre diminuer tous les ans, alors qu'il permet d'adapter le « coup de pouce » au jeune qui en aurait besoin. En fonction du parcours du jeune et du moment où il se situe dans ce parcours, de nouveaux problèmes peuvent émerger. Par exemple, un jeune, qui doit entrer en alternance, n'a pas anticipé, la plupart du temps, le fait qu'il devra se déplacer vers un lieu de travail ou résider sur ce lieu de travail, avoir l'obligation de bouger et d'avoir une double ou triple résidence. Cependant, dans la plupart des territoires, les moyens de transport sont insuffisants et les jeunes ne possèdent pas la capacité cognitive pour se repérer dans les offres de transport. De plus, il n'existe presque plus d'internats, et les employeurs se trouvent eux-mêmes confrontés à des difficultés du logement. Par conséquent, le jeune, au moment même où il sera mobilisé dans un parcours, aura besoin du « coup de pouce ».
Si vous portez votre attention sur le compte-rendu de l'expérimentation du RSA, vous constaterez que, dans ce cadre aussi, la plupart des gens ont eu besoin du « coup de pouce » ponctuel avant de trouver des solutions pérennes à leurs difficultés.
M. Paul BLANC - Votre discours a-t-il été tenu auprès de Mme Christine Lagarde ?
Mme Pierrette CATEL - Nous considérons effectivement qu'il est nécessaire de tenir ce discours auprès de Mme Christine Lagarde.
Dans le dossier que je vous ai apporté, vous trouverez des documents antérieurs à nos préconisations. Nous avons ainsi organisé des groupes de travail thématiques entre les missions locales, pour capitaliser les bonnes pratiques et les rendre opérationnelles sur l'ensemble du territoire.
De ce travail sont ressorties trente-deux propositions pour le logement des jeunes, dont vous pourrez prendre connaissance en consultant le dossier. Certaines de ces propositions ne sont pas coûteuses et nécessitent des aménagements législatifs. Je pense, par exemple, à des possibilités de colocation, dans le secteur public ou dans le secteur privé, que la loi ne permet pas pour le moment. Ainsi, certaines personnes qui ne veulent pas quitter leur logement alors qu'il est devenu trop grand pour eux, seraient en capacité, si la loi le leur permettait et s'ils y étaient incités, de louer une partie de leur habitation à des jeunes. Nous sommes convaincus que ce type de solutions ferait changer la société, dans la mesure où il permettrait de faire évoluer le regard porté sur les jeunes.
Nous constatons, en effet, que la population jeune est touchée, de manière drastique, par le chômage, du fait d'une discrimination s'apparentant à un fait de société. C'est pourquoi nous devons mettre en oeuvre tous les moyens permettant de changer ce regard, en demandant notamment à la société civile de réaliser des efforts en ce sens.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Y a-t-il d'autres points sur lesquels vous souhaiteriez attirer notre attention ?
Mme Pierrette CATEL - J'aimerais attirer votre attention sur les problèmes de santé des jeunes, et sur la nécessité de réfléchir à la mise en place d'un système permettant à tous les jeunes de disposer d'une mutuelle complémentaire santé. La plupart des jeunes que nous recevons ont des problèmes dentaires extrêmement graves. De même, les risques d'obésité, d'anorexie, de tabagie, d'alcoolisme ou d'addictions diverses sont importants pour cette population particulièrement fragilisée. Celle-ci rencontre, non seulement des problèmes de santé physique, mais également des problèmes de mal-être. Une étude récemment réalisée par le CETAF, que je vous transmettrais si vous le souhaitez, montre que les jeunes issus de milieux défavorisés sont beaucoup plus touchés par ces problèmes de mal-être que d'autres. C'est pourquoi nous avons signé une charte pour la santé des jeunes, qui doit être mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire.
Notre dernière préconisation concerne l'accès à l'entreprise et consiste à multiplier les passerelles vers l'entreprise. A cet égard, l'insertion par l'activité économique, et tout particulièrement les chantiers d'insertion, nous paraît constituer une mesure adaptée à notre public. Ainsi, un jeune, travaillant au bénéfice du maintien ou de la rénovation du patrimoine va participer à la vie civile et, par-là même, le regard porté par la collectivité locale sur lui va changer.
Nous signons également des accords avec les entreprises, dans l'optique de créer un réel partenariat et de mettre en place des actions solidaires et de citoyenneté. Les entreprises ne se contentent pas de nous confier des offres d'emploi. Elles participent aussi, par exemple, à des actions de parrainage ou à des réflexions sur la mobilité. Nous avons ainsi réalisé une enquête pour savoir comment les entreprises perçoivent la mobilité des jeunes et son impact sur l'économie de l'entreprise, au niveau du recrutement ou du turn-over .
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Dans la nouvelle carte des organismes et des institutions du secteur public de l'emploi, les missions locales semblent avoir à défendre leur savoir-faire et leur rôle. Percevez-vous une menace relative à l'avenir des missions locales ?
Mme Pierrette CATEL - Au CNML, nous ne pensons pas que le devenir des missions locales soit menacé. En revanche, le réseau des missions locales semble vivre le « syndrome du bouc émissaire », comme le vivent beaucoup de conseillers de l'ANPE. En effet, les usagers des missions locales ou de l'ANPE expriment une demande précise, qui consiste à vouloir trouver du travail, et remettent en cause la capacité des conseillers à répondre à cette demande. Or, le rôle des conseillers n'est pas de donner du travail, mais de mettre en contact les différents acteurs. Le « syndrome du bouc émissaire » engendre de l'incertitude et du stress pour les conseillers.
En outre, les missions locales représentent des structures vulnérables, dans le sens où elles constituent l'émanation d'une volonté locale de trouver des solutions locales répondant à des besoins locaux. De ce fait, il n'existe pas de visibilité partagée des résultats obtenus par ces missions. Ainsi, certaines évolutions, bien que vécues par le jeune, sont imperceptibles de l'extérieur et ne seront donc pas valorisées. Par exemple, lorsqu'un conseiller parvient à aider un jeune à trouver un logement, il va s'agir pour lui d'une « victoire », compte tenu de la difficulté actuelle à se loger. Or, ce travail ne sera pas reconnu par la collectivité, et il appartient, par conséquent, aux pouvoirs publics de lui apporter une visibilité. Il est vrai qu'à certains moments, cette reconnaissance a été ressentie, notamment lors de la mise en place du plan de cohésion sociale et du CIVIS. Par ailleurs, il semble que ce travail soit tout de même reconnu à un niveau local, notamment par les ANPE, conscientes de la valeur ajoutée des missions locales dans l'insertion des jeunes. Les ANPE confient ainsi aux missions locales l'accompagnement de certains jeunes, dont seulement 33% sont indemnisés.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Estimez-vous que la fusion des agences locales de l'ANPE et des Assedic contribuera à renforcer ce « syndrome du bouc émissaire » ?
Mme Pierrette CATEL - Je pense que cette fusion avantagera plus les Assedic que l'ANPE. En effet, les salariés de l'ANPE craignent la création d'un organisme unique dans lequel ils devront devenir polyvalents et acquérir les compétences d'un conseiller. Néanmoins, il faut se rappeler que, depuis sa création, cette institution a connu de nombreuses mutations qu'elle est parvenue à assumer. J'estime, par conséquent, que le changement actuel devrait s'effectuer sans grandes difficultés, d'autant plus que l'ANPE et les Assedic s'y sont préparés. Des guichets uniques existent déjà et ils fonctionnent parfaitement.
Je vous ai, par ailleurs, apporté notre bilan d'activité de l'année 2006. Ce document est assez détaillé et vous y trouverez des informations sur les profils des jeunes reçus dans les missions locales. J'ai également omis de vous dire que nous possédons un outil de saisie informatique nommé « Parcours 3 », tout à fait performant, permettant d'obtenir des éléments de statistiques très précis sur les profils des jeunes. Chaque mission locale bénéficie de cet outil, puis transmet les informations à un entrepôt régional qui, à son tour, les transmet à un entrepôt national.
M. Bernard SEILLIER, rapporteur - Cet instrument statistique a été conçu pour être pragmatique, et a été élaboré progressivement grâce à la participation d'acteurs de terrain.
Mme Pierrette CATEL - Cet outil est également évolutif, dans le sens où il ne cesse de s'améliorer. Par exemple, lorsqu'un jeune vient entamer des démarches pour trouver un logement, nous disposons de treize critères pour définir le type de logement recherché. Le logiciel nous offre également la possibilité d'indiquer l'aire géographique dans laquelle le jeune pourra effectuer sa recherche.
En outre, j'attire votre attention sur le fait que, parmi les solutions innovantes mises en place sur le territoire, nous observons une constante : ces solutions sont, pour la plupart d'entre elles, d'ordre associatif et, par conséquent, extrêmement précaires d'un point de vue financier. En effet, les municipalités sont confrontées à la difficulté consistant à continuer à financer, chaque année, la même association, alors qu'il en existe d'autres ou que certaines se créent. C'est pourquoi des solutions, qui devraient se pérenniser, deviennent fragiles ou parfois disparaissent. Ce système me semble particulièrement préoccupant.
M. Paul BLANC - Je voudrais vous dire que j'ai senti, à travers vos propos, votre passion pour ce métier, et je tiens à vous en féliciter. Toutefois, je constate que les auditions de ce soir font ressortir un problème majeur : celui de la grande faillite de l'Éducation nationale. Ainsi, tous les dispositifs qui ont été mis en place sont destinés à combler les insuffisances de l'Éducation nationale.
Mme Pierrette CATEL - Il existe effectivement un lien entre les dispositifs d'insertion et le système éducatif de notre pays.
M. Jean-François HUMBERT, Président - Je vous remercie.