C. UNE SITUATION QUI NE SEMBLE PAS RÉSULTER DE FACTEURS SALARIAUX MAIS PLUTÔT D'ÉLÉMENTS D'ORGANISATION
1. Apparemment pas de responsabilité des salaires
Les facteurs expliquant ce supplément de coûts ne semblent pas tenir à des éléments salariaux mais à des caractéristiques organisationnelles .
Les salaires des enseignants sont en France généralement moins élevés que dans l'OCDE excepté pour les enseignants atteignant l'échelon maximum de leur grade.
Les données disponibles ne permettent pas d'avoir l'entière certitude que les salaires individuels ne comptent pour rien dans le coût relativement élevé de l'enseignement secondaire en France puisque les profils de carrière pourraient différer dans les pays de l'OCDE. Toutefois, on doit relever que, même après quinze ans de carrière, les salaires moyens sont, en France, moins élevés qu'en moyenne, et dans des proportions importantes .
SALAIRES DES ENSEIGNANTS (2004)
(Salaire statutaire annuel des enseignants des
établissements publics,
en début de carrière,
après 15 ans d'exercice à l'échelon maximum, par niveau
d'enseignement, en équivalents dollars EU convertis sur la base des
PPA)
Source : OCDE
Le tableau ci-dessus montre également que le salaire moyen d'un enseignant français, comparé au PIB par habitant, qui donne une idée de la richesse par individu d'un pays, se situe dans une proportion entre 107 % (pour le primaire) et 117 % (pour le deuxième cycle du secondaire), quand, dans l'OCDE, ces rapports sont respectivement de 130 et 142 %.
Autrement dit, la situation salariale d'un enseignant est, en France, assez proche d'un salarié moyen et la situation française se différencie très nettement de celle de nombreux pays de l'OCDE comparables, qui réservent à leurs enseignants un sort salarial plus favorable .
Par exemple, en Allemagne , aux Pays-Bas et au Royaume-Uni , pays où, pourtant, les dépenses d'enseignement en proportion du PIB sont moins élevées qu'en France, les salaires sont très sensiblement supérieurs, et les enseignants disposent d'une situation relative (au reste des salariés) plus favorable .
Toutefois, le salaire par heure de service d'enseignement des enseignants du secondaire français semble beaucoup plus proche de la moyenne de l'OCDE compte tenu de la durée relativement faible de ce service en France.
2. ... mais plutôt d'éléments d'organisation
Des variables organisationnelles ressortent comme les causes du surcoût par élève de l'enseignement secondaire en France :
- Le nombre d'heures d'instruction dans l'enseignement public est sensiblement supérieur à la moyenne de l'OCDE. Les élèves finlandais 48 ( * ) , pourtant lauréats des évaluations internationales, reçoivent un volume d'heures inférieur de 25 % à celui que reçoivent les élèves français. Cette situation semble liée pour les lycées au nombre de matières enseignées, plus important que dans d'autres pays.
- Le service d'enseignement , l'un des plus élevés de l'OCDE pour l'enseignement primaire (900 heures en France contre 795 heures pour la moyenne de l'OCDE et 684 heures pour la Finlande) est, en revanche, l'un des plus faibles pour l'enseignement secondaire avec 600 heures contre une moyenne de l'OCDE à 660 heures.
- Les taux d'encadrement des élèves sont particulièrement élevés en France dans le secondaire.
NOMBRE D'ÉLÈVES/ÉTUDIANTS PAR
ENSEIGNANT PAR TYPE D'ÉTABLISSEMENT (2004)
Par niveau
d'enseignement, calculs fondés sur des équivalents temps
plein
Premier cycle du secondaire |
Deuxième cycle du secondaire |
Ensemble du secondaire |
||||||||||
Établissements privés, subventionnés par l'État |
Établissements privés, subventionnés par l'État |
Établissements privés, subventionnés par l'État |
||||||||||
Établissements publics |
Total des établissements privés |
Établissements privés, subventionnés par l'État |
Établissements privés Indépendants |
Établissements publics |
Total des établissements privés |
Établissements privés, subventionnés par l'État |
Établissements privés Indépendants |
Établissements publics |
Total des établissements privés |
Établissements privés, subventionnés par l'État |
Établissements privés Indépendants |
|
(1) |
(2) |
(3) |
(4) |
(5) |
(6) |
(7) |
(8) |
(9) |
(10) |
(11) |
(12) |
|
Australie 1 |
x(9) |
x(10) |
x(11) |
a |
x(9) |
x(10) |
x(11) |
a |
12,4 |
12,0 |
12,0 |
a |
Autriche |
10,3 |
12,1 |
x(2) |
x(2) |
10,9 |
12,0 |
x(6) |
x(6) |
10,5 |
12,0 |
x(10) |
x(10) |
Belgique 2 |
10,2 |
m |
10,9 |
m |
9,3 |
m |
9,1 |
m |
9,6 |
m |
9,7 |
m |
France |
13,8 |
15,3 |
15,3 |
16,7 |
9,5 |
12,6 |
11,1 |
16,7 |
11,6 |
13,7 |
13,2 |
16,7 |
Allemagne |
15,6 |
15,3 |
15,3 |
x(3) |
14,0 |
13,2 |
13,2 |
x(7) |
15,2 |
14,5 |
14,5 |
x(11) |
Italie |
10,3 |
9,0 |
a |
9,0 |
12,1 |
5,9 |
a |
5,9 |
11,3 |
6,6 |
a |
6,6 |
Japon 3 |
15,5 |
13,3 |
a |
13,3 |
12,5 |
15,1 |
a |
15,1 |
14,0 |
14,8 |
a |
14,8 |
Corée |
20,4 |
20,5 |
20,5 |
a |
15,0 |
16,7 |
16,7 |
a |
18,1 |
17,7 |
17,7 |
a |
Nouvelle-Zélande |
17,5 |
14,0 |
a |
14,0 |
15,0 |
7,2 |
10,4 |
4,4 |
16,3 |
8,1 |
10,4 |
6,5 |
Norvège 2 |
10,5 |
m |
m |
m |
9,6 |
m |
m |
m |
10,0 |
m |
m |
m |
Portugal |
9,7 |
12,2 |
13,8 |
10,5 |
7,6 |
6,1 |
8,2 |
5,6 |
8,6 |
7,7 |
10,8 |
6,5 |
Suède |
11,9 |
11,0 |
11,0 |
a |
13,9 |
14,7 |
14,7 |
a |
12,9 |
12,8 |
12,8 |
a |
Royaume-Uni 1 |
18,8 |
7,0 |
a |
7,1 |
13,1 |
7,9 |
7,3 |
7,9 |
15,7 |
7,5 |
7,3 |
7,6 |
États-Unis |
15,8 |
10,6 |
a |
10,6 |
16,6 |
11,6 |
a |
11,6 |
16,2 |
11,0 |
a |
11,0 |
Moyenne OCDE |
13,8 |
13,0 |
13,3 |
10,2 |
13,0 |
11,6 |
12,0 |
8,3 |
13,4 |
12,1 |
12,3 |
9,2 |
Moyenne UE-19 |
11,9 |
12,0 |
12,8 |
10,2 |
11,6 |
10,9 |
11,5 |
8,6 |
11,7 |
11,6 |
11,9 |
9,7 |
1. Ne comprend que la filière générale
pour les 1
er
et 2
e
cycles du secondaire.
2. Le
deuxième cycle de l'enseignement secondaire inclut l'enseignement
post-secondaire non tertiaire.
3. Le deuxième cycle de
l'enseignement secondaire inclut des programmes post-secondaires non
tertiaires. Source : OCDE
Le taux d'encadrement dans le secondaire est l'un des plus élevés de l'OCDE.
Le taux d'enseignement, généralement plus élevé dans les établissements publics que dans les établissements privés en France, met un enseignant face à 11,6 élèves dans notre pays dans le secondaire contre un enseignant pour 13,4 élèves en moyenne de l'OCDE .
On pourrait attribuer quelques vertus à cette particularité . Elle témoignerait d'un haut degré d'attention donnée aux élèves en France. Malheureusement, cette conclusion n'est pas celle qui convient . Les taux d'encadrement mentionnés mettent en relation les emplois budgétaires et les effectifs scolaires. Avec cette méthode, on ne rend pas compte de la réalité de l'accompagnement des élèves. D'ailleurs, le nombre d'élèves par classe (24 élèves dans les collèges) est bien plus élevé que le taux d'encadrement en France. En réalité, la multiplication des matières , les options nombreuses , l' existence sans doute d'un assez grand nombre d'enseignants sans affectation d'enseignement sont probablement en cause dans la « performance » française.
Le fort taux d'encadrement est une réalité budgétaire mais pas pleinement une réalité éducative .
On peut, à cet égard, citer l'ouvrage mentionné plus haut : « Notons que des pays à taille de classe identique dans les collèges (24 élèves en France, 24,7 en Allemagne et 22,5 au Royaume-Uni) ont des taux d'encadrement respectivement de l'enseignant pour 14,1, 13,9 et 17,1 élèves, ce qui montre le caractère relativement coûteux de notre organisation pédagogique. Notre taux d'encadrement est de 19,4 pour le primaire, contre 16,9 pour la moyenne des pays de l'OCDE , de 14,1 dans les collèges contre 13,7 et 10,3 en second cycle contre 12,7 pour la moyenne des pays de l'OCDE. C'est bien la diversité et la complexité du lycée et du lycée professionnel qui semblent être les facteurs discriminants du coût élevé du second cycle français. »
* 48 « Les choix budgétaires en matière d'éducation », Jean-Richard Cytermann. Pouvoir n° 122.