B. UNE INDUSTRIE CONFRONTÉE À UN TRIPLE DÉFI
Si l'industrie des semiconducteurs constitue un secteur clé de l'économie et contribue depuis plus de trois décennies à la croissance mondiale, elle est confrontée à un triple défi, à savoir l'explosion de ses coûts, le raccourcissement des cycles de vie des produits et enfin l'évolution de son marché vers la maturité.
1. L'explosion des coûts de l'industrie de la microélectronique
La multiplication des défis technologiques se traduit par une explosion des coûts de R&D, de design, de logiciels et de production. Les chiffres suivants donnent un ordre de grandeur.
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le développement de la technologie de résolution 1 ( * ) en 90 nm a coûté 500 millions de $. Aujourd'hui, le coût de la technologie de résolution en 45 nm est évalué à 750 millions de $ et celui de la technologie de résolution en 32 nm à 1 milliard de $. Concrètement, les coûts progressent de 30 % par saut technologique.
Par ailleurs, les coûts liés à la conception architecturale des circuits intégrés augmentent de 50 % pour chaque nouvelle génération technologique.
D'après le directeur de la recherche et de la technologie du groupe Thalès, l'évolution du coût de développement des circuits est la suivante.
Finesse de la gravure |
Nombre de portes du circuit |
Coût de développement du circuit |
Part du coût des logiciels dans le développement |
130 nm |
9 millions |
9 millions € |
30 % |
90 nm |
16 millions |
18 million € |
50 % |
65 nm |
30 millions |
46 millions € |
66 % |
Source : Thalès
Il apparaît ainsi que les coûts liés aux logiciels embarqués occupent une part croissante dans le coût global de développement du circuit. Ce phénomène s'explique de la manière suivante : alors que la puissance des logiciels embarqués double tous les dix mois, la productivité des logiciels servant à concevoir lesdits logiciels embarqués ne double que tous les cinq ans. Par conséquent, il faut des équipes de plus en plus nombreuses pour respecter ce rythme.
Enfin, le coût des unités de production est en augmentation constante. Il a ainsi doublé depuis 2002, passant de 1,5 à 3 milliards de $. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance.
D'abord, la fabrication de circuits intégrés exige des environnements de production extrêmement propres pour éviter des contaminations fatales aux circuits. Or, les exigences de propreté des salles blanches ne cessent d'augmenter. L'air est ainsi filtré et entièrement renouvelé 10 fois par minute. Il contient 100.000 à 1 million de fois moins de poussières que l'air extérieur. Les opérateurs portent en permanence une combinaison qui les couvrent des pieds à la tête et retient les particules organiques et les poussières qu'ils génèrent naturellement.
Ensuite, la poursuite de la miniaturisation implique l'utilisation de machines de production précises, fiables, difficiles à mettre au point et à entretenir. En outre, elles ne sont fabriquées qu'en petites séries. Leur prix a donc tendance à augmenter : aujourd'hui, une machine de lithographie coûte 22 millions de $ par unité et un masque de gravure 1 million de $ par unité. Les scientifiques travaillent depuis plusieurs années sur le développement de la lithographie extrême UV pour affiner le trait de gravure. Le leader mondial de la lithographie, la société néerlandaise ASML a développé deux prototypes installés l'un au centre technologique à Albany (Etats-Unis), l'autre à l'IMEC à Louvain. Chacun de ses appareils coûte 60 millions de $. Le passage à un nouveau noeud technologique environ tous les deux ans implique également le changement d'une partie des équipements au profit de machines plus modernes, mais également plus chères.
Par ailleurs, le recours à des matériaux spéciaux et à des solutions techniques complexes ainsi que la multiplication des étapes de fabrication (plus de 700 par circuit) pèsent sur le coût de production.
L'explosion du coût des unités de production s'explique enfin par leur gigantisme. Afin de baisser les coûts unitaires de production, les circuits intégrés sont fabriqués en série, sur des plaquettes de silicium, dans des volumes de plus en plus importants.
En 1965, ladite plaquette mesurait 25 mm de diamètre. Aujourd'hui, les usines les plus modernes utilisent des plaquettes de 300 mm de diamètre et le développement de plaquettes de 450 mm est évoqué pour la production de mémoires.
Le coût d'une usine varie en fonction du nombre des équipements, mais une usine standard fabriquant environ 30.000 plaquettes par mois coûte entre 3 et 5 milliards de dollars. Récemment, la société taiwanaise TSMC a investi dans deux usines gigantesques, capables de produire 135.000 plaquettes par mois. Chaque usine coûte 8 milliards de $ !
* 1 Il s'agit de la largeur de la grille du transistor.