B. UNE INCAPACITÉ PERSISTANTE À ÉVALUER L'EFFICACITÉ DE LA DÉFISCALISATION
1. La mise en oeuvre des recommandations du précédent rapport n'est pas encore effective
a) Les recommandations de votre rapporteur spécial
Votre rapporteur spécial notait, dans son précédent rapport sur le logement en outre-mer, que « les opérations [de défiscalisation] qui nécessitent un examen par le bureau des agréments du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ne sont pas représentatives, pour l'heure, du coût global de la dépense fiscale ». En effet, la seule forme de contrôle des opérations de défiscalisation d'impôt sur le revenu en matière de logement en outre-mer consiste en une information préalable du ministre chargé du budget en cas de constitution ou d'augmentation du capital, supérieure à 4,6 millions d'euros, d'une société civile immobilière bénéficiant de cette défiscalisation. De plus, ces opérations ne font pas l'objet d'un agrément exprès du ministre, l'article 199 undecies A du code général des impôts disposant seulement que le ministre ne doit pas avoir formulé, à leur encontre, « d'objection motivée [...] dans un délai de trois mois ». Il s'agit donc moins d'un agrément que d'un accord préalable. En dessous de ce seuil, les opérations de défiscalisation peuvent être réalisées de plein droit.
Cette situation ne permet donc pas de rassembler les éléments d'informations relatifs au montant exact de la dépense fiscale et à l'efficacité du dispositif de la défiscalisation en matière de logement en outre-mer . Ce constat avait conduit le précédent rapport sur le logement en outre-mer à suggérer de « modifier la règle de l'accord, en abaissant le seuil » de déclaration puisque « la très grande majorité des opérations de logement sont d'un coût inférieur ».
Votre rapporteur spécial serait favorable à l'abaissement du seuil à 1 million d'euro, qui semble, selon les informations recueillies, être envisagé dans le cadre du futur projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l'excellence outre-mer.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial préconisait, sans recourir à la mise en place d'un agrément au premier euro qui aurait risqué d'être lourd et complexe en pratique, d'établir une simple obligation de déclaration des opérations de défiscalisation en matière de logement en outre-mer au premier euro. L'objectif poursuivi était également d'obtenir une meilleure information sur les opérations de défiscalisation et leur montant. En l'absence d'une telle obligation, votre rapporteur spécial estimait, dans son précédent rapport, qu'il « n'est pas interdit de penser qu'un montant de dépenses fiscales de 200 millions d'euros justifie un certain contrôle, sous peine de voir son efficacité mise en doute de manière systématique ».
b) Une mise en oeuvre partiellement satisfaisante de ces recommandations
Ces recommandations de votre rapporteur spécial concernant les difficultés d'évaluation du dispositif de la défiscalisation en matière de logement en outre-mer ont été rejointes par celles de la commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer. Le bureau des agréments, au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, estimait également que le seuil retenu posait des problèmes en matière d'évaluation du dispositif, puisque la très grande majorité des opérations de défiscalisation s'opérait de plein droit, sans information de l'administration fiscale.
A l'initiative de notre collègue député Gilles Carrez et avec le soutien des élus d'outre-mer, le dispositif déclaratif de la défiscalisation en matière de logement en outre-mer a évolué, suite à l'adoption de l'article 100 de la loi de finances rectificative pour 2006 16 ( * ) . Cet article a inséré dans le code général des impôts une nouvelle disposition qui prévoit que « les personnes morales qui réalisent, en vue de les donner en location, des investissements bénéficiant des dispositions prévues aux articles 199 undecies A, 199 undecies B ou 217 undecies déclarent à l'administration fiscale la nature, le lieu de situation, les modalités de financement et les conditions d'exploitation de ces investissements, l'identité du locataire et, dans les cas prévus par la loi, le montant de la fraction de l'aide fiscale rétrocédée à ce dernier » 17 ( * ) .
Votre rapporteur spécial se félicite de cette mesure, qui devrait permettre d'obtenir enfin des éléments d'information plus précis sur ce dispositif. Toutefois, aucune information supplémentaire n'est encore disponible, le décret d'application de la loi datant du 23 novembre 2007 18 ( * ) . Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial auprès du bureau des agréments, les premières déclarations devraient parvenir à l'administration fiscale en juin 2008, ce qui devrait permettre une première analyse du dispositif par l'INSEE dans le courant de l'année 2009.
Outre le fait qu'à l'heure actuelle, ce nouveau dispositif ne permet pas encore de disposer de davantage d'informations sur la défiscalisation en matière de logement, votre rapporteur spécial regrette qu'il ne vise que les personnes morales. Bien que l'on puisse supposer que la majorité des opérations de défiscalisation sont opérées par l'intermédiaire de personnes morales, dans le cadre d'un schéma externalisé, l'information recueillie sera incomplète puisqu'elle n'englobera pas les opérations de défiscalisation mise en oeuvre par des personnes physiques.
2. Une évaluation de la défiscalisation actuellement impossible
Les informations recueillies par votre rapporteur spécial ne permettent donc pas, dans ces conditions, d'évaluer à l'heure actuelle les conséquences des dispositifs de défiscalisation en matière de logement en outre-mer .
Ce constat est partagé par la commission nationale d'évaluation de la loi de programme pour l'outre-mer, chargée de la mise en oeuvre de l'article 38 de cette loi qui prévoit notamment une évaluation triennale de l'impact socio-économique des dispositifs de défiscalisation en matière de logement en outre-mer. Or, le dernier rapport d'étape de cette commission, rendu le 6 décembre 2006 19 ( * ) , indique que « le principal constat auquel a abouti la Commission est que l'ensemble des travaux qui ont été conduits ne permettaient pas d'évaluer, au sens de l'article 38 de la LPOM, le dispositif de défiscalisation, tous secteurs ou procédures confondus ».
Cet aveu de totale incapacité à évaluer un dispositif qui coûte près de 230 millions d'euros au budget de l'Etat n'est pas seulement regrettable, il est une des raisons qui conduisent à demander sa remise en cause .
* 16 Loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.
* 17 Article 242 sexies du code général des impôts.
* 18 Décret n° 2007-1661 du 23 novembre 2007 pris pour l'application de l'article 242 sexies du code général des impôts relatif aux obligations déclaratives des personnes morales réalisant, en vue de les donner en location, des investissements bénéficiant des dispositions prévues aux articles 199 undecies A, 199 undecies B ou 217 undecies du même code et modifiant l'annexe II à ce code.
* 19 Commission Nationale d'Evaluation de la Loi de Programme pour l'Outre-Mer, rapport d'étape « Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer : évaluation des mesures de défiscalisation des investissements et d'exonération des charges sociales », 6 décembre 2006.