MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE - MSA

Site Internet : http://www.msa.fr

Tout utilisateur d'un produit phytosanitaire peut obtenir des informations grâce à un numéro vert : 0800 887 887 (appel gratuit et anonyme)

Dr. Jean-Pierre GRILLET, Médecin du travail, Médecin chef de l'Echelon national de santé au travail de la caisse centrale de la MSA, Ancien membre de la commission des toxiques auprès du ministère de l'Agriculture

( commission supprimée dont les attributions ont été transférées à l'AFSSA )

(21 juin 2006)

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a rappelé que la Mutualité sociale agricole (MSA) se préoccupait du milieu professionnel et notamment à la mise sur le marché des produits phytosanitaires et en tant que membre du groupe étiquetage , il s'est intéressé à la mention « Jardin » .

D'une manière générale, si une toxicité chronique ou aiguë (même de catégorie 3) est constatée, la mention « Jardin » n'est pas accordée. Pour les produits allergisants, il en va de même sauf exception.

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a indiqué qu'au cours des trois dernières années, des restrictions importantes dans l'usage des toxiques ont été apportées après expérimentations animales.

Au-delà de l'étiquetage, le conditionnement permet également d'éviter des accidents ; c'est ainsi que les sachets autosolubles évitent la manipulation directe. A la MSA, il existe un Observatoire des incidents d'utilisation des produits phytosanitaires dans un cadre professionnel ; les autres incidents étant traités par les centres antipoison.

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a rappelé que les usagers amateurs ne maîtrisent ni les précautions à prendre ni les dosages . De plus, ils effectuent parfois des utilisations détournées de produits professionnels. Dans la mesure où le nombre de molécules mises à disposition des jardiniers amateurs est en constante diminution, les principaux accidents constatés proviennent de produits à toxicité cutanée importante ou de l'usage d'appareils inappropriés .

Les produits phytosanitaires sont réglementés au niveau européen par la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991 transposée en 1993 et plusieurs fois modifiée. Il s'agit d' une réglementation très en avance par rapport à REACH aux termes de laquelle c'est l'Europe qui autorise les substances actives, c'est l'État qui a la responsabilité des produits contenant ces substances tandis que l'industriel se charge de faire effectuer les tests par un laboratoire.

En revanche, la transposition de la directive sur les biocides n'est pas encore intervenue , ce qui signifie que si un produit est à la fois biocide et phytosanitaire, la directive phytosanitaire ne s'applique pas.

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a souligné la nécessité de respecter les consignes relatives à la toxicité pour l'homme, qu'il s'agisse d'un applicateur occasionnel ou d'un travailleur permanent.

Mais il faut également prendre en compte l'écotoxicité pour la faune et le comportement dans le sol et dans l'eau des produits étudiés ; en revanche l'air n'est pas étudié .

Les tests pour la toxicité humaine sont établis à partir de normes résultant de tests sur des animaux ou sur des lignées d'animaux (test sur les allergies ou les pouvoirs caustiques d'un produit).

Quant à l'autorisation des substances actives , elle intervient au niveau européen et l'examen des anciennes substances - qui devrait durer jusqu'en 2008 - est effectué si les industriels le demandent. Cependant, l'autorisation européenne n'entraîne pas la reconnaissance nationale . De leur côté, les industriels produisent des tests réalisés par des laboratoires et des compléments d'information peuvent être demandés le cas échéant. Il est à noter que l'établissement d'une monographie sur un produit dure entre deux et trois années . D'une manière générale, les exigences sont plus sévères pour le consommateur que pour le travailleur .

Pour apprécier les risques toxiques à court ou moyen terme (crises d'asthme, crises d'épilepsie...), il faut se reporter aux données des centres antipoison et aux données du réseau de toxicovigilance de la MSA (Phyt'attitude).

On peut relever que la grande toxicité aiguë relève maintenant du passé et que, si la toxicité est constatée pour l'homme, il y a souvent également toxicité constatée pour la faune et la flore. Souvent, la toxicité est davantage prise en compte pour les espèces protégées que pour l'homme.

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a attiré l'attention sur un herbicide préoccupant : le Paraquat , herbicide qui grille et met à nu le sol, provoque des brûlures par contact. Ce produit réservé aux professionnels n'est pas mis en vente dans les jardineries. Il s'agit là d'un problème de santé publique et c'est pourquoi ce produit n'a été autorisé que pour cinq ans, au lieu de dix en Europe.

A propos de l'évaluation des risques toxiques à long terme , le Dr. Jean-Pierre GRILLET a indiqué que les études épidémiologiques répondaient à cette préoccupation mais qu'elles étaient entravées par la défaillance de la mémoire humaine qu'il faut souvent aider par la recherche des factures d'acquisition des produits ou des cultures pour en déduire les produits utilisés. De plus, dans une population, il est très délicat d'isoler des sous-groupes et encore plus de déterminer s'il existe un excès de pathologie. Il est plus aisé de suivre une cohorte dans le temps, durant cinq ou dix années, mais cela est long et coûteux. Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a signalé l'existence d'une enquête sur la maladie de Parkinson effectuée par la MSA et une unité INSERM de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière pour relever un sur-risque de cette maladie en cas de contact avec des produits phytosanitaires. Il s'est interrogé sur la nécessité de mettre en place un dépistage systématique ou sur la mise à l'écart du travail de certains salariés atteints.

A propos des études effectuées sur des leucémies rares , il a indiqué que le sur-risque constaté allait de 1,8 à 2. A comparer au chiffre de 16 pour le sur-risque du cancer du poumon induit par la consommation d'un paquet de cigarettes par jour, durant une vingtaine d'années.

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a aussi mentionné l'étude de cohorte AGRICAN menée sur 115.000 personnes à la fin de 2005 et qui devrait durer une quinzaine d'années. Cette étude, financée pour un quart par la MSA, est effectuée en collaboration avec le GRECAN (centre anticancéreux de Caen), le Laboratoire Santé, travail, environnement de l'université Bordeaux II et les registres des cancers. Toutefois, à ce jour, seuls douze départements possèdent des registres de cancers généraux . Indispensable pour effectuer des croisements entre ces cancers et la cohorte étudiée, cette étude est sans équivalent en Europe. Elle devrait produire ses premiers résultats dans trois ans. Cela sera d'autant plus utile qu'actuellement beaucoup d'études sont contradictoires. Pour l'instant la démarche est la suivante : lorsque la santé d'un professionnel est étudiée, on estime que son état physique résulte à la fois de son activité professionnelle et de sa vie privée. En cas d'absence de pathologie, les deux secteurs sont jugés sains. En revanche, si une pathologie est décelée, comment distinguer entre la part de causalité professionnelle et celle de causalité privée ?

Incidemment, le Dr. Jean-Pierre GRILLET a vivement déploré qu'une importante part de l'activité des chercheurs consiste d'abord à rechercher des financements pour leur étude.

A propos des salariés des collectivités territoriales utilisant des substances chimiques , le Dr. Jean-Pierre GRILLET a indiqué qu'aucune étude connue n'a été effectuée dans ce secteur, même si de temps en temps ces collectivités font des déclarations à travers le réseau « Phyt'attitude » . En fait, il n'y a de suivi par la MSA que si des conventions sont passées avec les collectivités territoriales ou encore la fonction publique d'Etat agricole ou para-agricole, ce qui représente environ 30.000 fonctionnaires.

Le Dr. Jean-Pierre GRILLET a ensuite envisagé une série de progrès à accomplir : la prise en compte des allergisants , la renonciation à mettre sur le marché des produits reconnus comme CMR de catégories 1, 2 (amiante, silice...) et 3 (éléments douteux relevés chez l'animal). Mais l'Europe tarde à se décider sur ce point, du fait notamment de la résistance des Allemands et des Anglais. Il serait également souhaitable de supprimer tous les cancérogènes des produits phytosanitaires comme par exemple cela a été réalisé pour l'arsenic , utilisé pour la vigne ou le traitement de bois contre la pourriture (cuivre, chrome et arsenic donnent un aspect vert au bois traité), ou la carbendazime mutagène de catégorie 2, ce fongicide étant encore sur la marché professionnel, de même que certains toxiques pour la reproduction (catégorie 2) comme, par exemple, la vinchlozoline . Cependant, l'arsenic, interdit en France, peut être acheté dans d'autres pays d'Europe. Enfin, le Dr Jean-Pierre GRILLET a estimé qu'il serait souhaitable d'organiser la collecte des anciens produits .

Interrogé sur l'utilisation des produits phytosanitaires dans la viticulture , le Dr. Jean-Pierre GRILLET a mentionné l'existence d'une étude menée par le Laboratoire de santé, travail, environnement (LSTE) de l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement (ISPED), par Mme Isabelle BALDI, maître de conférence à l'Université de Bordeaux II, sur les maladies neurologiques . Malgré des tests poussés, les liaisons entre l'exposition et les maladies neurologiques sont difficiles à mettre en évidence. En revanche, un sur-risque provoquant des tumeurs cérébrales existe.

A propos de l'étiquetage , le Dr. Jean-Pierre GRILLET a constaté que, quelle que soit la précision des étiquettes, elles étaient souvent non lues , d'où la difficulté de trouver une solution efficace pour prévenir l'usager.

Par ailleurs, il a indiqué qu' une agence nationale des intrants allait être créée pour s'occuper de la mise sur le marché des produits phytosanitaires. Il a souhaité que l'AFSSA soit particulièrement vigilante à cet égard car il ne s'agit pas de son coeur de métier.

Évoquant la représentation de la France dans les instances européennes , le Dr. Jean-Pierre GRILLET a regretté que les investissements suffisants n'y soient pas consacrés, ne serait-ce qu'en nombre de fonctionnaires.

Enfin, le Dr. Jean-Pierre GRILLET a insisté sur le risque que la toxicologie courait d'être bientôt sinistrée en France, du fait de l'absence de relève des toxicologues actuels ; d'autant qu'il faut de nombreuses années pour former un toxicologue.

Documents de référence :

- « Phyt'attitude. Bilan des observations. Années 2002-2003. Etudes complémentaires » , MSA, septembre 2004

- « Phyt'attitude : signalez-nous vos symptômes. Synthèse des observations 2002-2003 » , MSA, juin 2005

- « Phyt'attitude. Bilan des observations. Année 2004, premier semestre 2005. Etudes complémentaires » , MSA, février 2006

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