COMITÉ DE LA PRÉVENTION ET DE LA PRÉCAUTION - CPP |
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Pr. Alain GRIMFELD, Professeur des Universités, Université Pierre et Marie Curie-Paris VI Président du CPP, Président du conseil scientifique de l'AFSSAPS, Membre du Comité consultatif national d'éthique
(17 mai 2006)
Le Pr. Alain GRIMFELD a tout d'abord rappelé que le Comité de la prévention et de la précaution (CPP) , axé sur le thème santé-environnement, avait été créé il y a dix ans, en 1996, par Mme Corinne LEPAGE, ministre de l'Environnement. Conseiller au cabinet du ministre, le Pr. Alain GRIMFELD avait alors contribué à la mise en place de ce comité ; il a par ailleurs participé à l'élaboration de plusieurs documents sur la santé et l'environnement dont celui de l'AFSSET sur la santé et l'énergie.
Le Comité de la prévention et de la précaution, qui aurait pu s'appeler comité santé-environnement, est un organe indépendant placé auprès du ministre chargé de l'environnement qui n'a jamais subi de pressions de quiconque et, en particulier, d'aucun gouvernement. Il agit sur autosaisine ou saisine, avec une préférence pour ces dernières, des autosaisines étant parfois transformées en saisines. C'est ainsi que, sur autosaisine, il a étudié le principe de précaution, et, sur saisine, les nanotechnologies ou encore les retours d'expérience des catastrophes.
Le Comité compte entre dix huit et vingt trois membres, tous chercheurs confirmés , bénévoles et volontaires. Le Comité communique en son nom propre . La composition pluridisciplinaire du Comité lui permet de tenir un discours audible. Le Comité travaille souvent de la manière suivante : un ou deux de ses membres établissent un plan, une méthode de travail et proposent des auditions devant l'ensemble du Comité ; la rédaction du rapport est évolutive et suivie par chacun, puis un secrétariat permanent rédige la version finale de l'avis, délégué par la Direction des études économiques et de l'évaluation environnementale du ministère de l'Ecologie et du développement durable. Les membres du Comité réfléchissent collégialement. Quant à la durée des travaux menés , l'avis sur les nanotechnologies a nécessité une année et il faut compter habituellement de neuf mois à un an pour aller au fond d'un sujet.
Ce travail ne peut être assimilé à une expertise collective ; il s'agit plutôt d'une réflexion approfondie menée par l'ensemble des membres pour fournir un appui scientifique aux politiques publiques.
De plus, tous les membres du Comité adhèrent au principe de précaution ; un avis sur ce sujet et un article publié dans une revue anglaise en témoignent. Pour le Comité, le principe de précaution consiste en une « prise de position en période d'incertitude scientifique devant un risque de danger grave, irréversible et coûteux pour la société, qu'il serait possible de diminuer à coût acceptable, accompagné par un programme de recherche ». Le principe de précaution constitue donc une forte incitation à la recherche . Le caractère d'un coût est apprécié en fonction des coûts futurs à supporter si rien n'était fait. Il s'agit du coût pour la société et non du coût pour les industriels du secteur concerné. Par exemple, si l'asthme coûte un milliard d'euros à la France, et les allergies un autre milliard d'euros, ce coût est à mettre en regard des 3,5 millions de personnes asthmatiques en France dont 2 000 décèdent chaque année parmi lesquelles 250 enfants.
Interrogé sur l'attribution d'une commande publique de recherche sur un thème santé-environnement face à la multiplicité des organes compétents, le Pr. Alain GRIMFELD a estimé que le Comité de la prévention et de la précaution et l'AFSSET devraient être considérés comme prioritairement compétents. Il a rappelé que, dans un premier temps, le CPP n'avait pas été favorable à la création de l'AFSSE, estimant ses moyens insuffisants. Il a rappelé aussi que le sénateur Claude HURIET avait parlé de « coquille vide » à propos de l'AFSSE tandis que M. William DAB avait estimé que mieux valait la création d'une AFSSE imparfaite que le vide antérieur.
En l'état actuel des choses, le CPP se situe à la fois en amont et en aval de l'AFSSET. En fait, le CPP se situe auprès du ministre de l'Ecologie et s'apparente davantage à un cabinet qu'à un service. Il n'existe pas d'équivalent du CPP auprès du ministre de la Santé et cela peut apparaître regrettable.
Le Pr. Alain GRIMFELD a ensuite rappelé que le CPP avait rendu deux avis concernant directement l'étude actuelle de l'OPECST, l'un sur les perturbateurs endocriniens , l'autre sur les éthers de glycol .
Le Pr. Alain GRIMFELD a souligné que les éthers de glycol étaient de possibles perturbateurs endocriniens puissants et qu'ils pouvaient également contribuer à la pollution de l'air intérieur. Il a noté également que l'être humain pouvait être confronté à l'exposition aux éthers de glycol aussi bien sur son lieu de travail que dans la vie courante et qu'il était donc difficile parfois de distinguer entre les effets de chacune de ces expositions.
Quant à la qualité de l'air , il s'agit là d'une problématique citoyen-santé posant le problème de l'information et de la participation des citoyens . A cet égard, il a mentionné l'excellente étude de M. Jean-Pierre DUPUY, « Retour de Tchernobyl » (2006), sur les effets post-Tchernobyl, pour laquelle la participation de la population locale a été à la fois efficace et émouvante.
Interrogé sur la manière d'améliorer l'information et la participation des citoyens sur les questions santé-environnement , le Pr. Alain GRIMFELD a jugé que cela devait passer selon lui par les maires et l'Association des maires de France (AMF) . Il a illustré cela par l'existence de réunions sur la santé et l'environnement tenues avec succès dans le village de 1500 habitants qu'il habite. Il lui est donc apparu possible de faire remonter l'information à partir des collectivités locales et d'en tenir compte, selon le modèle REXAO (Retour d'Expérience et Apprentissage Organisationnel) de l'Ecole des Mines de Paris (rexao.org). Il serait ainsi possible d'inciter les citoyens à participer eux-mêmes à l'établissement de leurs priorités.
Quant aux relations avec la presse , le Pr. Alain GRIMFELD s'est déclaré très circonspect, citant des exemples précis. En général, peu d'organes de presse sont intéressés par le CPP et plus généralement par la thématique santé et environnement ; cependant la presse serait sans doute peu satisfaite de voir l'information santé-environnement passer par les mairies. Même la presse spécialisée en environnement, et notamment en santé et environnement, ne constitue pas encore un relais satisfaisant dans la mesure où ce domaine reste d'un abord difficile et suppose des décisions dont les effets ne se font sentir qu'à moyen ou long terme (exemple : les expositions chroniques aux faibles doses de polluants).
Il a ensuite déploré la très faible implication du corps médical dans la thématique santé-environnement et proposé la création dans les hôpitaux, dans un premier temps universitaires, d' unités fonctionnelles en santé et environnement .
Interrogé sur un lien éventuel entre l'asthme des enfants et des produits chimiques d'usage courant , le Pr. Alain GRIMFELD a rappelé que les allergies étant des perturbations immunitaires, elles n'avaient donc aucun lien direct documenté avec les éthers de glycol . En revanche, les allergies peuvent être favorisées par la présence d'autres polluants, comme les particules fines , notamment les particules diesel de 2,5 micromètres de diamètre (PM 2.5), les nanoparticules produites intentionnellement et les composés organiques volatils . Par ailleurs, il a été démontré que certains polluants d'origine automobile pouvaient, lorsque l'exposition se situait dans le jeune âge (avant 3 ans), être responsables de nouveaux cas d'asthme.
Le Pr. Alain GRIMFELD a conclu en rappelant avec force que le premier polluant de l'air intérieur demeurait le tabac et que les effets nocifs de ce produit pouvaient être consécutifs à l'exposition de la future mère dès avant la naissance.
Documents de référence :
- Composition, missions et fonctionnement du CPP , Ministère de l'Ecologie, 12 avril 2006
- « La recherche dans les champs santé-environnement et santé-travail » , Avis du Comité de la prévention et de la précaution, avril 2005
- « Risques sanitaires liés à l'utilisation des produits phytosanitaires » , document du Comité de la prévention et de la précaution, 2001