INTRODUCTION
L'homme a étayé son développement, économique et culturel, grâce à ce « tissu vivant 1 ( * ) » de la planète que constitue la diversité de la biosphère.
L'évaluation du millénaire (le « Millenium Assessment »), conduite en 2000 à la demande de l'ONU, a mis en évidence cette relation de l'homme et de la nature et a recensé dix-sept catégories de services écologiques que la biodiversité fournit à l'homme.
Ce réservoir de ressources vivantes, d'une importance comparable à celles fournies par les matières minérales, est actuellement menacé. Mais cette menace est beaucoup moins bien perçue par l'opinion que celles que portent le changement climatique et la crise énergétique.
Pourquoi la perspective de ce choc biologique frappe-t-elle moins les mentalités collectives que le constat des dérèglements climatiques et les tensions sur les prix du fuel ou de l'essence à la pompe ?
Le thème est pourtant présent dans les médias qui se sont fait fidèlement l'écho des préoccupations de la communauté internationale, réitérées depuis le Sommet de Rio, qui s'est tenu en 1992.
Mais la biodiversité est à la fois de plus en plus éloignée du quotidien des hommes, complexe et donc peu lisible.
L'homme, qui a assis sa maîtrise de la nature par un apprentissage qui a duré des millénaires, s'en éloigne et s'en distancie très rapidement . Le regard porté sur le siècle qui vient de s'écouler et, plus précisément, sur les cinquante dernières années permet de percevoir l'amplification du mouvement acquis. La croissance des occupations d'espaces naturels (routes, équipements, conurbations géantes) témoignent de l'éloignement de l'homme de la nature.
Les mesures de compensation de cet éloignement géographique, en particulier en matière éducative, sont insuffisantes pour réduire l'écart qui s'est creusé entre l'homme et la connaissance qu'il a de la biosphère.
Moins présente physiquement qu'auparavant, dans la vie quotidienne la complexité de la biodiversité la rend peu lisible par les citoyens.
À lui seul, le nombre des espèces identifiées qui approche les deux millions rend la tâche difficile. L'opinion identifie généralement la défense de la biodiversité à celle de quelques espèces phares menacées, comme le tigre, l'éléphant ou l'ours polaire. Mais elle ignore les richesses potentielles des génomes et les interactions complexes des écosystèmes. Dès lors, comment s'étonner que les services rendus en matière d'eau ou de pollinisation par ces écosystèmes soient peu perçus par l'opinion ?
L'un des objectifs de ce rapport est de contribuer à consolider le lien entre les acteurs scientifiques du secteur et une opinion publique française et européenne qui ignore trop souvent les véritables enjeux du maintien de la biodiversité des écosystèmes de la planète.
Notre démarche visera à examiner comment il est possible d'approfondir notre connaissance, encore très imparfaite, de la biodiversité, à exposer les conditions de l'amélioration rapide de sa protection, à distinguer les processus de sa valorisation durable, puis à avancer des propositions contribuant à chacun de ces objectifs.
* 1 Selon l'expression de Robert Barbault.