C. UNE COORDINATION NÉCESSAIRE SUR LE SEUL PLAN MONÉTAIRE ET FINANCIER ?
Il vaut d'être souligné que la thèse de l'inutilité de la coordination des politiques budgétaires en Europe, au motif de la faible intensité des interactions réelles entre les économies européennes, s'accompagne généralement d'une très grande préoccupation pour les effets monétaires des politiques budgétaires nationales , qui d'ailleurs la fondent en grande partie (voir le titre II du présent chapitre). Cette préoccupation conduit à préconiser, au nom de la solidarité monétaire des pays d'une zone monétaire, un ferme encadrement des politiques de soutien de la demande, présenté (à tort, selon vos rapporteurs) comme une modalité de coordination.
• D'un point de vue théorique,
les
interdépendances entre pays d'une union économique et
monétaire
, appréciées sous l'angle de leur effet
sur le rythme de croissance économique des partenaires,
peuvent
emprunter plusieurs canaux
:
- celui des échanges commerciaux entre le pays à l'origine du « choc budgétaire » et ses partenaires ;
- celui des conditions monétaires et financières .
Le principe d'une surveillance des politiques budgétaires nationales dans l'Union monétaire européenne résulte principalement des incidences éventuelles qu'elles peuvent exercer sur l'ensemble des partenaires à travers ce dernier canal.
• Le
canal des échanges
commerciaux
, rarement mentionné, n'est évoqué
pour justifier la « discipline » budgétaire
qu'à travers l'éventualité d'une
détérioration de la position commerciale de l'ensemble de
la zone
(soit par excès de demande, soit par des pressions
inflationnistes)
et ses effets sur la valeur de l'euro
.
Les risques inverses suivants ne sont pas pris en compte :
- celui d'une dépréciation de l'euro résultant d'un différentiel de croissance anticipée entre la zone euro et le Reste du Monde résultant de politiques budgétaires restrictives en Europe ;
- celui d'une appréciation de l'euro associée à l'accumulation d'excédents extérieurs en lien avec un tel différentiel de croissance 6 ( * ) .
• Le
canal des conditions monétaires
et financières
est beaucoup plus abondamment
envisagé.
Il décrit l'impact que toute politique budgétaire peut avoir sur le niveau des prix, sur les taux d'intérêt ou sur la valeur externe de la monnaie.
Ces différents « biens » étant communs dans une zone monétaire unique, on est fondé à considérer comme d'intérêt commun les politiques budgétaires nationales .
Ainsi, l'adoption d'une monnaie commune à des Etats souverains sur le plan budgétaire impose une discipline commune qui est souvent présentée comme une forme de coordination.
Globalement, l'idée est que le déficit excessif ou la dette excessive d'un Etat appartenant à une zone monétaire ne sont pas que l'affaire de cet Etat mais qu'ils concernent l'ensemble des partenaires.
Lorsque des pays différents partagent la même monnaie, des orientations budgétaires insoutenables se traduisent, du fait des perspectives d'inflation ou de répudiation de la dette publique, par une élévation des taux d'intérêt dans l'ensemble de la zone, qui touche donc tous les pays (et leurs agents économiques).
De surcroît, les pays les plus handicapés sont alors les pays les plus « vertueux » puisque la hausse des taux d'intérêts qui se produit exerce une tension asymétrique sur les taux d'intérêt réels. Le pays le plus inflationniste est moins affecté par la hausse des taux nominaux que les autres.
Relevons enfin que la vigilance manifestée à l'encontre de politiques budgétaires nationales insoutenables dans une union monétaire se nourrit de la préoccupation de voir favorisée l'adoption de telles politiques dans un tel cadre. Celle-ci est assise sur une double inquiétude théorique :
- celle de voir multiplier les comportements nationaux cyniques en lien avec les effets asymétriques d'un resserrement des conditions monétaires et financières mentionnés ci-dessus ;
- celle associée au relâchement des disciplines naturelles que représente pour un Etat le souci de préserver la valeur de sa monnaie et des conditions financières favorables dans un contexte où chacun a la responsabilité de ces équilibres.
*
* *
On aura reconnu dans ces raisonnements la justification théorique du « Pacte de stabilité et de croissance » européen qui, de fait, s'attache à définir les conditions de prévention et de corrections des déficits et des dettes nationaux excessifs.
Rappelons que, de ce point de vue :
- un déficit est excessif, sauf appréciation commune contraire, quand le niveau du déficit public atteint 3 points de PIB ;
- tandis qu'une dette publique est excessive quand elle dépasse 60 points de PIB (ou du moins ne décline pas assez vite vers ce niveau).
* 6 Ces deux risques sont de sens contraire ce qui peut apparaître étonnant puisqu'ils sont ici associés à des configurations de politique économique identiques. Mais, les données empiriques démontrent amplement qu'il est justifié de les envisager alternativement.