3.4. LE CONTENU DE LA COORDINATION

En février 2001, la Commission européenne a adopté une communication 30 ( * ) pour clarifier les trois éléments principaux sur lesquels la coordination des politiques budgétaires devrait se fonder :

(i) l'établissement d'un diagnostic commun sur la situation économique ;

(ii) un accord sur les réponses appropriées de politique économique ;

(iii) l'acceptation de la « pression des pairs » et, en cas de besoin, de l'ajustement des politiques.

En mars 2002, le Conseil européen de Barcelone a conclu que la zone euro avait des progrès à faire en matière de coordination des politiques et a invité la Commission à présenter des propositions pour renforcer cette coordination.

Cette proposition 31 ( * ) suggère que les Etats membres adhèrent à des normes communes pour la conduite de la politique économique, dans trois domaines principaux :

(i) la préservation de la stabilité macro-économique ;

(ii) l'augmentation de la croissance potentielle ;

(iii) la réponse aux chocs économiques.

Le Conseil européen de mars 2003 a approuvé ces propositions de la Commission sur le renforcement de la coordination. Ainsi, les Etats membres sont tenus de communiquer chaque année des informations détaillées sur leur politique budgétaire et leurs orientations économiques pour les trois années à venir. Après examen de ces informations, le Commission établit, pour chaque Etat membre, des recommandations à l'intention du conseil Ecofin.

Ces mesures marquent une volonté croissante de coordonner les politiques économiques, notamment budgétaires, au sein de la zone euro. Cependant, même si des améliorations sensibles ont été entrevues sur la clarification du cadre de la coordination budgétaire et le renforcement de l'Eurogroupe, on ne peut pas dire que les politiques budgétaires soient véritablement coordonnées dans la zone euro. La Commission exerce un rôle de surveillance des politiques économiques des Etats membres mais ne dispose d'aucun pouvoir exécutif. Ce rôle de surveillance est partagé avec le Conseil, qui dispose du pouvoir de décision pour les recommandations (art. 99-4, 104-6) et les sanctions (104-11), et se trouve donc à la fois juge et partie.

3.5. LES DIFFICULTÉS PRATIQUES DE LA COORDINATION

La coordination des politiques économiques, et plus particulièrement des politiques budgétaires, rencontre quatre types de difficultés en Europe.

Difficultés politiques : la politique budgétaire est une fonction régalienne, contrôlée par les Etats membres, avec un fort contenu social et politique. Or, pour être effective, la coordination requiert que chacun adapte sa politique budgétaire à l'intérêt collectif, faisant à l'occasion, passer au second rang l'intérêt national. Il semble illusoire de penser qu'un gouvernement acceptera une telle contrainte formulée à la demande de « Bruxelles ». Cette difficulté fondamentale est renforcée par le caractère asynchrone des décisions budgétaires dans les différents Etats membres et par le fait que le processus de coordination (au sein de l'Eurogroupe et de l'Ecofin) n'associe pas les assemblées parlementaires, pourtant décisionnelles en matière budgétaire.

Absence de consensus sur les effets de la politique budgétaire : la capacité de la politique budgétaire à stabiliser l'activité a été remise en cause par l'école des anticipations rationnelles. Lorsque le déficit budgétaire se creuse, les ménages tendent à épargner davantage en prévision du supplément d'impôts qu'eux-mêmes ou leurs descendants devront supporter pour rembourser la dette publique. Même si elle repose sur des hypothèses peu réalistes (anticipations rationnelles, marché financier sans imperfections, altruisme intergénérationnel), cette théorie a eu un fort impact dans les années 1980 et 1990. Certains pays comme le Danemark (1982-1986) ou l'Irlande (1986-1989) ont connu une reprise de l'activité suite à d'ambitieux ajustements budgétaires. Plus généralement, les économètres ont eu de plus en plus de difficultés à mettre en évidence les effets multiplicateurs de la politique budgétaire. Ces doutes sur l'efficacité de la politique budgétaire contrastent avec l'utilisation active qui en est faite outre-Atlantique.

Hétérogénéité des Etats membres : l'Union européenne est une mosaïque d'Etats membres qui diffèrent par leur taille, par leur mode d'administration (plus ou moins centralisée) et par leurs préférences en termes de place du secteur public ou d'inclination aux déficits budgétaires. Par construction, une relance budgétaire dans une petite économie ouverte a peu d'impact sur l'économie de ce pays (car l'augmentation de la demande se transmet aux importations) et sur celle de ses partenaires (car la demande de ce pays représente peu dans la demande des partenaires). Les petits pays européens ont donc davantage intérêt à la coordination s'ils veulent mener des politiques budgétaires actives (afin que les politiques des partenaires renforcent leurs propres orientations budgétaires) ; mais à l'inverse, il leur est plus facile de se disculper de politiques déviantes puisque ces déviances n'ont que peu d'impact sur l'économie de leurs partenaires.

Coordination de facto : la coordination des politiques économiques est coûteuse en temps et en capital politique. Or, depuis 1999, les politiques budgétaires des trois plus grands pays de la zone euro ont suivi des évolutions similaires face à des évolutions cycliques similaires, si l'on excepte le cas de l'Italie en 2005 et 2006 ( graphiques 1 et 2 ). Dès lors, la nécessité d'une coordination active des politiques économiques a pu apparaître moins nettement aux yeux des décideurs politiques. Dans ce rapport, nous nous concentrons sur cette dernière explication en examinant plus attentivement le cas franco-allemand.

* 30 Communication de la Commission sur le renforcement de la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro, 7.2.2001.

* 31 Communication de la Commission sur le renforcement de la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro, 14.11.2002.

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