b) ... qui, dans la généralité qu'on leur donne, doivent être contredits

Les théories à la base des modèles économiques en cause qui prétendent à l'inutilité, et même la nocivité systématique des politiques budgétaires, et, par conséquent, à l'absence d'intérêt d'une plus grande coordination en ce domaine doivent être contredites pour leur généralité .


Sous cet angle, on doit d'abord critiquer la théorie d'équivalence Ricardo-Barro .

Elle suppose que les agents économiques ne subissent aucune contrainte de liquidité et qu'ils considèrent systématiquement que la stimulation budgétaire ne peut être efficace. La première condition est nécessaire pour que, dans le cas d'une politique budgétaire restrictive, les agents économiques puissent continuer à exprimer la même demande. Il faut, en effet, en ce cas, qu'ils abaissent leur taux d'épargne ce qui suppose qu'ils puissent recourir au crédit. La seconde condition est nécessaire pour que les agents économiques soient insensibles au soutien de leur revenu qu'implique une relance budgétaire. Ils doivent imaginer devoir la « payer » plus tard par un supplément de prélèvements fiscaux.

On pressent, à leur énoncé, combien l'extension de ces conditions à l'ensemble des agents économiques est irréaliste. Nombre d'entre eux n'ont évidemment pas accès au crédit. De même, pour nombre d'entre eux, il est assez peu vraisemblable que la conviction de l'inefficacité de la politique budgétaire soit partagée, alors qu'ils savent apprécier le desserrement de leur contrainte budgétaire pour consommer.

Si le théorème d'équivalence de Ricardo-Barro devait avoir une quelconque validité, il est justifié, à tout le moins, de le considérer excessif dans la généralité de son énoncé.


L'approche par l'effet d'éviction est justiciable d'une même appréciation .

Relevons d'abord qu'elle est quelque peu contradictoire avec la première alors que ces deux théories sont parfois mobilisées concomitamment par les modélisateurs. En effet, elle s'appuie sur un rationnement de l'accès aux marchés financiers alors que l'équivalence de « Ricardo-Barro » suppose son inexistence.

Mais, au-delà, il faut souligner que l'existence d'un effet d'éviction est des plus improbables lorsqu'on se situe dans une configuration où les théories qui justifient l'activation de la politique budgétaire trouvent à s'appliquer . En effet, les politiques budgétaires expansionnistes sont essentiellement recommandées lorsque la demande est insuffisante par rapport à l'offre. Elles ne le sont pas dans l'hypothèse inverse, du moins sous l'angle de leurs propriétés de relance conjoncturelle. Dans de telles configurations, c'est l'excès d'épargne qui prédomine et l'effet d'éviction n'a pas lieu d'être sérieusement pris en considération.


• Enfin, l'argument selon lequel toute augmentation du déficit budgétaire serait nécessairement inflationniste, et vouée à déclencher une tension sur les taux d'intérêt , suppose que et les autorités monétaires et les investisseurs sur les marchés de capitaux, méconnaîtraient systématiquement les conditions particulières dans lesquelles une relance budgétaire est inflationniste. Or, l'identification de ces conditions est véritablement élémentaire. Elles ne sont réunies que lorsque les capacités d'offre sont insuffisantes pour satisfaire la demande.

Le tableau ci-après, tiré du travail de simulation des effets externes des politiques de relance, rend compte de la sensibilité des estimations des externalités budgétaires à l'hypothèse posée quant à la réaction des conditions monétaires et financières suite à une telle relance .

IMPACT D'UNE POLITIQUE BUDGÉTAIRE EXPANSIONNISTE DANS UN PAYS DE L'UNION MONÉTAIRE AVEC UNE POLITIQUE MONÉTAIRE ACCOMODANTE

Augmentation des dépenses publiques

Réduction des impôts

Prédominance des effets de demande

Prédominance des effets d'offre

Prédominance des effets de demande

Prédominance des effets d'offre

Facteur d'intensité de la détente monétaire

0

>0

0

>0

0

>0

0

>0

Production du pays d'origine

+

++

+++

+

+

+

+

++

+++

++

+

-

Production du pays tiers

-

+/-

+++

-

+/-

+

+/-

++/-

+++

+/-

+/--

-

Prix du pays d'origine

+

+

+

+

+

+

+/-

++/-

+

+/-

+/--

-

Prix du pays tiers

-

+/-

+

-

+/-

+

+/-

++/-

+

+/-

+/--

-

Source : « Short-terme fiscal spillovers in a monetary Union », par Agnès Benassy-Quéré, CEPII. 13 juillet 2006.

Alors que lorsque la politique monétaire n'est pas accommodante, ces externalités sont négatives et faibles, une configuration monétaire et financière plus favorable les transforme radicalement.

Elles deviennent alors le plus souvent positives (la relance dans un pays augmente la production des partenaires) et ressortent comme fortes (ce que traduit le nombre de « + » dans le tableau).

*

* *

Autrement dit, il apparaît injustifié, à vos rapporteurs, et dangereux de s'appuyer sur des travaux qui ne décrivent que des états-limites pour prétendre à la vérité générale que les politiques économiques de pilotage de la conjoncture sont sans efficacité et n'appellent pas de coordination .

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