III. LA FISCALITÉ APPLICABLE À LA PLUS-VALUE RÉALISÉE PAR LE GROUPE CARLYLE
L'écart net entre les deux opérations, vente puis rachat, est de l'ordre de 120 à 130 millions d'euros 7 ( * ) .
Pour l'Etat, l'écart final n'aurait pas été aussi important si le groupe Carlyle avait supporté sur sa vente une taxation de la plus-value. Or Carlyle a logé l'immeuble de la rue de la Convention dans un fonds basé au Luxembourg. Le groupe a ainsi pu exploiter les failles de la convention fiscale franco-luxembourgeoise.
Comme l'indique un récent rapport 8 ( * ) de M. Adrien Gouteyron, la convention fiscale du 1 er avril 1958 liant la France et le Luxembourg présente une faille importante en ce qui concerne l'imposition des plus-values immobilières des sociétés. En effet, compte tenu d'une divergence d'interprétation des articles 3 et 4 de la convention de la part des juridictions françaises et luxembourgeoises, de telles opérations bénéficient d'une double exonération en France et au Luxembourg .
Le Conseil d'Etat a jugé, dans un arrêt du 18 mars 1994 que de tels revenus, lorsqu'ils sont réalisés par des entreprises industrielles et commerciales établies au Luxembourg, relèvent de l'article 4 relatif aux revenus d'entreprise et ne sont imposables qu'au Luxembourg en l'absence d'établissement stable en France.
A l'inverse, la Cour d'appel du Luxembourg a considéré que ces revenus relèvent de l'article 3 et sont donc imposables exclusivement au lieu de situation de l'immeuble, soit donc en France.
Ce conflit d'interprétation a conduit à de nombreuses situations de doubles exonérations s'agissant de sociétés luxembourgeoises détenant des immeubles en France, dont celle du groupe Carlyle. Si le groupe Carlyle avait acquitté la fiscalité des plus-values en France, il aurait été taxé au taux normal de l'impôt sur les sociétés, soit 33,33 %, ce qui aurait conduit l'Etat à percevoir une recette de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros.
C'est pour remédier à cette situation qu'a été signé le 24 novembre 2006 le deuxième avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, ratifié par le Sénat le 25 septembre 2007 et dont la ratification a été autorisée par l'Assemblée nationale le 18 décembre 2007 9 ( * ) .
L'intervention de la ratification est trop tardive, six mois après l'acte de vente, pour éviter l'effet d'aubaine d'une exonération de la plus-value sur l'immeuble de la rue de la Convention. Il y a là un sujet d'interrogation quant aux modalités de détermination du calendrier des travaux parlementaires par le gouvernement.
* 7 325 millions d'euros au titre de la vente hors taxe - 103 millions d'euros de prix d'acquisition et 100 millions d'euros de travaux.
* 8 Rapport n° 446 (2006-2007).
* 9 Loi n° 2007-1815 du 24 décembre 2007 publiée au Journal officiel du 26 décembre 2007.