ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Mercredi 17 janvier 2007
M. Benoît Yvert, président du Centre national du livre , Mme Sophie Barluet, chargée de mission auprès du président , et M. Guillaume Husson, chef du département de l'économie du livre.
Mercredi 24 janvier 2007
M. Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition (SNE).
Mardi 13 février 2007
Mme Emma Archer, directrice de la French-American Foundation (FAF), et M. Fabrice Rozié, attaché du livre et des échanges intellectuels à l'ambassade de France aux Etats-Unis.
Mercredi 21 février 2007
M. Denis Mollat, président, et M. Jean-Marie Doublet, directeur général du Cercle de la Librairie .
M. Bertrand Cousin, membre du bureau du Syndicat national de l'édition (SNE), auteur d'un mémorandum sur la présence du livre français dans les pays francophones du Sud.
Mercredi 14 mars 2007
M. Benoît Bougerol, président du Syndicat de la Librairie française.
Mme Catherine Lucet, directeur général des éditions Nathan, présidente de l'association Savoir Livre, et Mme Pascale Gelebort, directrice de l'association.
M. Xavier Garambois, directeur général d'Amazon France.
Mercredi 25 avril 2007
MM. Jean-Franck Cavanagh, secrétaire général de Lexis-Nexis, et Daniel Rodriguez, président d'Elsevier-Masson.
M. Bertrand Picard, directeur du livre de la Fnac.
Mercredi 20 juin 2007
M. Daniel Renoult, doyen de l'inspection générale des bibliothèques.
Mercredi 18 juillet 2007
M. Pierre Assouline, écrivain, journaliste, blogueur.
ANNEXE 2 - COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
M. Benoît Yvert, président du Centre national du livre, Mme Sophie Barluet, chargée de mission auprès du président, et M. Guillaume Husson, chef du département de l'économie du livre (Mercredi 17 janvier 2007)
M. Jacques Valade, président , a indiqué que la commission avait souhaité approfondir dans les prochains mois une réflexion sur un certain nombre de thèmes et notamment sur le problème du livre en France et dans le contexte européen et international.
M. Benoît Yvert a estimé que les mutations importantes qu'allait rapidement provoquer l'arrivée du numérique dans le domaine du livre rendaient urgente l'ouverture d'une réflexion sur la façon dont l'Etat devait reconsidérer sa politique dans ce domaine.
Il a indiqué que la réflexion d'ensemble conduite dans le cadre de la mission « Livre 2010 » reposait sur une série de rencontres réunissant les différents acteurs du livre sur des thèmes variés, abordés dans une approche décloisonnée.
Ces réflexions croisées sont organisées sur la base de courtes synthèses et d'un ordre du jour déterminé de façon à éviter tout risque de dispersion. Elles doivent déboucher sur des propositions concrètes.
M. Jacques Valade, président , a jugé intéressante cette approche méthodologique, soulignant qu'elle rejoignait dans une large mesure celle de la commission des affaires culturelles, qui procède à des auditions individuelles, mais également à des tables rondes réunissant les différents protagonistes intéressés sur un thème donné.
M. Benoît Yvert a d'abord décrit la problématique globale dans laquelle s'inscrit l'avenir immédiat du secteur de l'édition. Il a indiqué qu'après quatre ou cinq années de forte croissance, le secteur était aujourd'hui confronté à une stagnation, voire à une légère baisse de son chiffre d'affaires global, avec des variations d'un secteur à l'autre. Comme le montre une enquête conduite dans le secteur des sciences humaines, de la philosophie et de la littérature, le nombre de points de vente stagne, alors que dans le même temps le nombre de titres publiés augmente régulièrement et s'est établi à 53.000 en 2006 ; en conséquence, la durée d'exposition d'un ouvrage en librairie ne cesse de se réduire pour tomber aujourd'hui à une dizaine de semaines ; parallèlement, cet excédent de diversité s'accompagne d'un rétrécissement de la demande autour de quelques grands succès relayés par les médias.
Evoquant ensuite les inquiétudes que suscite l'essor des ventes par Internet, il a indiqué que celles ci ne représentaient encore qu'une faible part du marché, évaluée à 4 %, contre 10 % au Royaume-Uni, mais que ses perspectives de développement constituaient une menace non négligeable pour le secteur de la librairie, dont le taux de rentabilité moyen, d'environ 1 %, est très réduit. Cette situation invitait donc à repenser la problématique des librairies indépendantes.
Abordant ensuite le domaine de l'édition proprement dit, il a jugé que celui ci bénéficiait de trois phénomènes positifs : le phénomène de concentration se poursuit de façon plus maîtrisée (les deux groupes français dominants Editis et Hachette continuent de procéder à des acquisitions, mais à un rythme plus modéré et dans le cadre d'une stratégie économique bien définie) ; des maisons d'édition historiques comme Gallimard et les Editions de Minuit se portent bien ; enfin, la profession a bien pris conscience des conséquences du développement de l'économie numérique. A cet égard, il s'est félicité de ce que le président du syndicat national de l'édition ait accepté de présider une commission de réflexion sur la mise en place d'une offre numérique concertée.
Il a estimé, pour sa part, que le numérique allait affecter en tout premier lieu le livre de documentation et le livre scolaire, qui représentent près de la moitié du chiffre d'affaires de l'édition française, plutôt que la littérature et le livre de loisir en général, tout en présentant l'opportunité d'un élargissement de l'accès au public.
Quelque aventureux que soient les pronostics en ce domaine, il a considéré cependant qu'une période de transition devait s'ouvrir en 2008 et s'étendre sur quatre ou cinq ans.
Mme Sophie Barluet a rappelé que la chaîne économique du livre était fragmentée entre différentes catégories d'acteurs, les libraires, les éditeurs et les auteurs, qui avaient dans l'ensemble peu d'occasion d'échanger leurs points de vue. Elle a indiqué que le projet « Livre 2010 » avait précisément pour ambition de les faire se rencontrer et d'organiser des échanges interprofessionnels sur des sujets transversaux. Elle a jugé que ces tables rondes fonctionnaient bien et que les participants portaient une appréciation positive sur ces discussions, qui abordent aussi bien des sujets de société que des questions techniques. Evoquant ensuite les problèmes posés par le numérique, elle a distingué ceux qui se posent en amont de la distribution -et qui ont dans l'ensemble été bien anticipés par les éditeurs et ceux de la distribution proprement dite, qu'il faut aujourd'hui traiter.
M. Jacques Valade, président , a souligné que ce problème se posait aussi pour la presse et sa diffusion.
M. Guillaume Husson a estimé que la problématique de la diffusion du livre devait prendre en compte les caractéristiques d'un secteur de l'édition marqué par une très grande diversité de l'offre, ce dont témoignent les 600.000 titres actuellement disponibles, les 50.000 nouveaux titres publiés chaque année et le niveau des ventes annuelles, qui s'établit à 450 millions d'exemplaires.
Il a ensuite précisé la configuration du secteur avec deux groupes, Hachette et Editis, qui représentent 40 % du marché, et les 7 premières maisons d'édition, qui occupent 65 % du marché, alors qu'il y a en France 4 à 5.000 éditeurs. Il a ensuite résumé les principales préoccupations de ce secteur professionnel face aux mutations en cours.
Il a rappelé, tout d'abord, que l'équilibre économique de la profession reposait sur une péréquation entre les titres les plus rentables et ceux qui le sont moins. Conscients que la perte d'un pan d'exploitation pourrait remettre en cause l'équilibre d'ensemble, les éditeurs sont donc soucieux de conserver la maîtrise sur la diffusion numérique des oeuvres, comme ils l'ont exprimé à l'occasion de la discussion du projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information.
Ils redoutent, en second lieu, l'émergence d'un marché à deux ou trois vitesses, qui dissocierait trois catégories d'acteurs : les deux principaux groupes, engagés dans un parcours d'internationalisation et pour lesquels le livre ne serait plus qu'une déclinaison de leur stratégie globale ; les grandes maisons d'édition traditionnelles, toujours centrées sur le livre, et enfin, les petits éditeurs indépendants, qui auraient de plus en plus de mal à accéder au public.
Revenant sur le caractère préoccupant de la rotation rapide des livres sur les rayons des librairies, M. Jacques Valade, président, a demandé des précisions sur le montant des tirages moyens qu'engage un éditeur, ainsi que sur le nombre minimum de ventes qui permet un retour sur investissement.
Tout en estimant que ces paramètres pouvaient beaucoup varier en fonction des situations, M. Benoît Yvert a décrit quelques grandes tendances : les nouvelles technologies permettent de diminuer le coût de fabrication du livre, la rémunération des auteurs reste stable autour de 8 à 10 % du prix de vente, mais peut aller jusqu'à 15 voir 18 % pour les auteurs les plus recherchés, les transferts d'auteurs d'une maison d'édition à l'autre pouvant dans certains cas s'avérer très coûteux, un peu à l'image de ceux des footballeurs. En tout état de cause, un tirage à 2.000 exemplaires peut constituer une moyenne assez fréquente.
Mme Sophie Barluet a estimé que les à-valoir restaient dans l'ensemble modérés, mais que les éditeurs s'inquiétaient actuellement du rôle nouveau des agents littéraires, inspirés des pratiques américaines. Elle a indiqué que ces nouveaux acteurs, souvent issus du monde du cinéma, incitaient généralement les auteurs à conserver une partie de leurs droits et, par exemple, les droits de traduction et les droits d'adaptation cinématographique, ainsi qu'à imposer aux éditeurs, dans la négociation, un certain nombre d'obligations en matière de publicité, qui constituent des investissements lourds.
M. Yves Dauge a insisté sur la nécessité de prendre en compte le rôle très significatif que jouent les bibliothèques municipales et départementales, qui contribuent, à travers l'organisation d'événements, à mieux faire connaître les auteurs. Il a également souhaité que la politique du livre conduite par le ministère de la culture s'appuie sur le réseau culturel français à l'étranger, estimant que, dans ce domaine, le numérique pouvait également contribuer au développement de la diffusion.
M. Jacques Valade, président , a insisté à son tour sur le rôle que joue le réseau des bibliothèques municipales et départementales, ainsi que celui de la Bibliothèque nationale de France en matière de numérisation.
M. Benoît Yvert a déploré que les bibliothèques locales, dont il a comparé le rôle positif à celui des professeurs des écoles, ne fassent pas l'objet d'une reconnaissance suffisante par la République, alors qu'elles constituent de véritables poumons dans la respiration de la vie culturelle.
Il a indiqué que la direction du livre avait engagé une réflexion sur la promotion des fonctions des bibliothécaires, avec le souci d'éviter que la numérisation ne suscite une fracture entre les anciennes et les nouvelles générations de conservateurs. Evoquant ensuite le problème de l'accès au livre des publics les plus défavorisés, il a estimé que, malgré certains succès partiels, cette politique n'était pas parvenue à dissiper le caractère intimidant du livre, un rapprochement entre les bibliothèques et les services d'aide sociale constituant cependant pour l'avenir une piste de réflexion intéressante. La politique de numérisation engagée par la Bibliothèque nationale de France devrait permettre de conjurer le risque de numérisation désordonnée qui résulterait de l'addition des initiatives.
M. Jack Ralite a déploré l'importance croissante, pour ne pas dire totalitaire, que prend l'approche marchande dans les divers aspects de la culture, qu'il s'agisse de la gestion des musées, de la restauration des monuments historiques, où les crédits sont affectés en fonction du taux de fréquentation, et dans le domaine du livre, comme le montrent les tendances décrites par les personnes auditionnées : développement du rôle des agents littéraires, augmentation de la vitesse de rotation des livres en librairie et diminution du poids relatif du livre dans la stratégie des grands groupes.
Il a jugé cette évolution d'autant plus alarmante que ces tendances, qui n'ont cependant rien d'inévitable, ont encore reçu récemment l'encouragement du rapport sur la gestion des biens immatériels rédigé à la demande du ministre de l'économie et des finances.
Il a estimé que le livre, avec sa valeur symbolique, devait rester au coeur de la résistance à la marchandisation.
Il jugé que l'ouverture d'une librairie constituait pour un quartier un élément d'attraction propre à dynamiser son animation et justifiait l'appui que leur apportent certaines municipalités, comme celle d'Aubervilliers ; il s'est demandé, en conséquence, si l'on ne pouvait faire bénéficier ce type d'établissement d'aides sélectives, à l'image de ce qui se pratique pour les salles de cinéma.
M. Jacques Valade, président , a insisté sur l'importance du rôle de conseil et de médiation que peuvent jouer les pages littéraires de la presse nationale ou régionale, sans parler des émissions littéraires à la télévision, en dépit de leur diffusion souvent tardive. Il a également souligné la place que peut tenir une grande librairie comme élément symbolique et pôle de rayonnement en centre-ville, notamment dans une ville comme Bordeaux.
M. Jack Ralite a estimé que le raccourcissement de la durée d'exposition des livres en librairie constituait une menace pour la diversité culturelle, et donnait une nouvelle illustration des déséquilibres que provoquait une utopie technologique lorsqu'elle ne s'accompagnait pas d'une utopie sociale.
M. Yves Dauge a demandé des informations sur la problématique actuelle de la traduction.
M. Christian Demuynck a estimé que le commerce des livres par voie électronique, qui ne représente en France que 4 % de l'ensemble des ventes, contre 10 % au Royaume-Uni, était promis à un développement rapide. Il a considéré qu'il présentait l'avantage de permettre aux éditeurs d'écouler les ouvrages de fond qui ne seraient plus disponibles en librairie, et l'inconvénient de concurrencer les librairies indépendantes, sauf à ce que celles ci mettent en place un site centralisé qui leur serait propre.
Considérant que les librairies indépendantes ne pouvaient que pâtir aujourd'hui de leur isolement, M. André Vallet a plaidé en faveur de leur regroupement. Insistant sur leur rôle social, il a cité le cas de la librairie de Banon, dont la notoriété et le succès ont permis la renaissance de ce petit village de 300 habitants en Haute Provence.
En réponse aux commissaires, M. Benoît Yvert et Mme Sophie Barluet ont apporté les informations suivantes :
- la direction du livre s'est récemment rapprochée du ministère des affaires étrangères pour rationaliser leurs actions et mettre en commun leurs équipes ;
- la librairie est actuellement le maillon faible de la chaîne du livre ; la direction du livre explore actuellement plusieurs pistes de soutien possible, et notamment une application dérivée de la loi Sueur relative au cinéma d'art et d'essai pour compenser la hausse des loyers en centre-ville, et améliorer leurs conditions d'occupation ; la mise en oeuvre de ce dispositif d'appui supposerait au préalable une labellisation des véritables librairies, qu'il conviendrait de distinguer des simples points de vente ne proposant qu'un maigre choix de titres ; une autre piste est à explorer en matière de fiscalité, notamment en matière de droits de succession et de taxe professionnelle ;
- la diffusion du livre français à l'étranger est rarement satisfaisante, y compris dans les pays francophones ; on peut vérifier d'expérience que l'offre proposée est généralement réduite, et que les prix demandés sont très supérieurs à ceux qui se pratiquent en France ; malgré les efforts réalisés par les éditeurs français, cette situation ne nous permet pas d'être concurrentiels face à la puissance de l'offre commerciale américaine ;
- il convient de faire une priorité de la traduction en anglo-américain de la littérature française, car c'est aujourd'hui la condition de l'élargissement de sa diffusion ;
- ce que l'on appelle improprement « librairie électronique » ne comporte aucun des services que l'on attend d'une véritable librairie, et s'apparente à de la simple vente par correspondance ; pour autant, ces formes de vente peuvent être très précieuses pour la diffusion du livre français à l'étranger ;
- l'analyse des comportements d'achats électroniques fait apparaître deux phénomènes simultanés : une concentration des chiffres d'affaires sur un plus petit nombre de livres ; des phénomènes de longue traine qui permettent à des livres peu connus et peu disponibles de redevenir accessibles.
M. Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition (SNE) (Mercredi 24 janvier 2007)
M. Serge Eyrolles, président du syndicat national de l'édition (SNE) , a présenté tout d'abord la situation de ce secteur, caractérisé par la publication annuelle de 60.000 livres, l'existence de 665.000 titres disponibles (et donc d'autant d'ayants droit), de 15.000 salariés, de 400 à 500 maisons d'édition réalisant un chiffre d'affaires significatif et d'environ 8.000 éditeurs recensés.
Il a observé qu'il constituait le premier secteur culturel en France, son chiffre d'affaires représentant 50 % de celui de la presse et étant deux fois supérieur au secteur musical et quatre fois supérieur à celui du cinéma. Après cinq années de croissance entre 2000 et 2005, l'année 2006 s'est avérée moins florissante ; la progression, même faible, du chiffre d'affaires de l'activité éditoriale est à mettre en regard avec l'effondrement de celui des autres secteurs culturels.
M. Serge Eyrolles a souligné la grande richesse de la création littéraire, l'importance des efforts de présentation des ouvrages (couvertures, etc.) et l'impact très positif sur le circuit du livre d'un certain nombre de lois récentes : sur la reprographie en 1995, sur le droit de prêt en bibliothèque du 18 juin 2003, sur le droit d'auteur et les droits voisins en 2006.
Il s'est félicité, également, de la protection dont bénéficie le réseau des distributeurs, avec environ 2.500 points de vente de livres et 11.500 « Points presse ».
M. Serge Eyrolles a évoqué, ensuite, les changements enregistrés depuis quelques années, avec notamment un mouvement de concentration des maisons d'édition et des librairies, suscitant l'inquiétude sur l'avenir du réseau des petites librairies, dont la fragilité est liée notamment à la hausse des loyers en centre-ville. Il a suggéré que leur soient étendues les dispositions protectrices de la « loi Sueur » du 13 juillet 1992 relative au cinéma d'art et d'essai. Par ailleurs, il a regretté que la loi du 1er janvier 1981 sur le prix unique du livre ne soit pas généralisée au sein de l'Union européenne, dont un certain nombre d'Etats membres souhaitent plutôt instaurer la liberté des prix, ce qui irait à l'encontre de l'exception culturelle française.
Il a relevé que les nouvelles technologies permettaient le développement de nouveaux moyens de diffusion des oeuvres. Il a jugé cet enjeu réel et extrêmement compliqué, à la fois pour des raisons techniques (les livres n'étant numérisés que depuis une dizaine d'années, un investissement considérable est nécessaire pour traiter les ouvrages antérieurs) et en raison de l'élargissement de l'offre qui en résulte (récemment, avec la possibilité de feuilleter les livres en ligne avant achat éventuel).
M. Serge Eyrolles a jugé inquiétante la question du téléchargement illégal et a estimé que l'application de la loi précitée sur le droit d'auteur était très compliquée, compte tenu notamment des trois exceptions votées par le Parlement. En effet :
- la mise en oeuvre de l'exception pédagogique pose de nombreuses questions, telles que la définition de « l'extrait » d'une oeuvre dont l'utilisation est autorisée sans application du droit d'auteur ou l'avenir de l'accord passé avec le ministre de l'éducation nationale ;
- l'importance du périmètre accordé à l'exception en faveur des handicapés rend complexe la mise en oeuvre d'une plateforme internet spécifique ;
- l'exception relative aux bibliothèques pose en revanche moins de difficultés.
M. Serge Eyrolles s'est déclaré très préoccupé par la disparition de nombreuses librairies françaises à l'étranger, qui s'accompagne de la diminution de la présence de la langue française, y compris dans les pays francophones, et il a regretté l'absence d'une politique en faveur des livres à l'exportation, alors que l'année 2006 a enregistré des résultats particulièrement mauvais en la matière.
Il s'est félicité du fait que la publicité à la télévision en faveur des livres soit réservée aux chaînes câblées. Il a estimé qu'une généralisation aux chaînes hertziennes inciterait ces dernières à créer leurs propres maisons d'édition.
Après avoir indiqué que, globalement, l'activité de lecture ne faiblissait pas, il a dénoncé les effets pervers de la gratuité des manuels scolaires au sein des lycées, leur financement par certaines régions dissuadant les élèves et leurs familles de fréquenter les librairies ; il serait toutefois possible d'y remédier, par exemple par le biais du paiement des ouvrages par les lycéens avec une carte à puce offerte aux familles.
M. Jacques Valade, président , a proposé d'approfondir la réflexion sur la place et la promotion du livre français à l'étranger, des actions pouvant être proposées ou menées en ce sens.
M. Louis de Broissia a demandé si les alliances ponctuelles entre maisons de presse et éditeurs ne constituaient pas une façon de soutenir le secteur. Par ailleurs, s'agissant du prix du livre, il a évoqué les opérations menées par certaines librairies, telles que des rabais de 5 %.
M. Ivan Renar a estimé que la gratuité des livres scolaires, initiée par un certain nombre de collectivités territoriales, s'inscrivait dans une démarche sociale utile et qu'il convenait seulement d'en éviter les effets pervers. Par ailleurs, il s'est déclaré attaché à la « distribution des prix » à l'école, tradition qui s'est perdue alors qu'elle permettrait aux livres de pénétrer dans les familles, qu'elle constituait souvent pour les jeunes l'amorce d'une bibliothèque et qu'elle contribuait à la valorisation du travail.
Il a jugé que le livre représentait un outil de promotion individuelle et collective et qu'une politique dans ce domaine était possible quelle que soit la taille des communes. Il s'est interrogé, enfin, sur l'impact pour la lecture de l'introduction d'ordinateurs dans les écoles.
Mme Monique Papon a déclaré partager le point de vue du dernier intervenant relatif à la « distribution des prix » à l'école, mais non celui concernant la gratuité des manuels scolaires, dans la mesure où celle ci ne favorise pas l'accès des familles modestes aux librairies. Puis elle s'est interrogée sur l'usage croissant de polycopiés à l'école, au détriment des livres.
M. Pierre Laffitte a critiqué également la pratique consistant à photocopier des extraits de livres, au détriment d'une lecture exhaustive des oeuvres. Il a suggéré que des livres en « fin de carrière » puissent être donnés aux bibliothèques des petites communes ou des quartiers de villes, ainsi qu'aux pays francophones aux moyens limités, plutôt que d'être détruits.
M. Pierre Martin a souligné que le respect du livre devait s'apprendre très tôt à l'école et il s'est interrogé, lui aussi, sur l'impact des photocopies sur le rapport des élèves au livre et à la lecture.
En réponse aux intervenants, M. Serge Eyrolles a apporté les précisions suivantes :
- le SNE est hostile aux opérations consistant à coupler ventes de presse et de livres, même si elles permettent d'élargir le marché, car elles entraînent un détournement de clientèle au détriment des libraires (leur développement en Espagne et en Italie le démontre d'ailleurs) et parce que la faiblesse des prix ne donne pas une juste image du livre. En outre, le développement d'une politique de gratuité des journaux (offerts dans de nombreux lieux, tels que les avions) a un impact négatif sur la situation de la presse et n'incite donc pas le secteur de l'édition à adopter ce type de pratique ;
- le prix des livres n'a pas changé depuis cinq ans ; en revanche, les politiques de rabais de certaines librairies évoluent (la FNAC réservera désormais ses réductions à ses adhérents, par exemple). Les éditions peu onéreuses connaissent une situation florissante ; ainsi les livres de la collection Poche ont vu leur volume de vente s'accroître de 40 % depuis quatre ans, en dépit d'un délai de parution postérieur de neuf mois à la publication initiale ;
- la politique de gratuité des manuels scolaires à l'école pose le problème de leur durée de vie, compte tenu notamment des fréquents changements de programmes. En outre, elle entraîne une diminution de l'activité des libraires, alors même qu'ils sont déjà souvent en situation de fragilité ;
- il serait intéressant de généraliser à nouveau la pratique des distributions de prix à l'école ;
- afin d'encourager la lecture de livres par les jeunes, M. Xavier Darcos, lorsqu'il était ministre de l'enseignement scolaire, avait rendu obligatoire la diffusion auprès des professeurs d'une liste de 180 livres dont la lecture pouvait être recommandée aux élèves ;
- les écarts de budgets consacrés aux livres par des communes de taille similaire vont de 1 à 10 ;
- nombre de livres destinés à être détruits ont été sanctionnés par le lectorat et ne méritent donc pas d'être diffusés dans de petites librairies ou à l'étranger ;
- de nombreuses librairies françaises à l'étranger, bien qu'aidées par le Gouvernement, sont dans un état critique et il conviendrait de les redynamiser ;
- il serait important de convaincre les pays étrangers d'adopter une loi sur le prix unique du livre.
Mme Emma Archer, directrice de la French-American Foundation (FAF), et M. Fabrice Rozié, attaché du livre et des échanges intellectuels à l'ambassade de France aux Etats-Unis (Mardi 13 février 2007)
M. Fabrice Rozié a indiqué que le poste d'attaché du livre à l'ambassade de France aux Etats-Unis avait été créé à l'automne 2004. Il a précisé que le marché américain du livre était très prospère et dynamique, même si les flux de traduction s'avéraient très inégaux. En effet, une enquête de 2004 montre que la part des traductions ne représente que 2,8 % du marché américain du livre, la place du français et de l'allemand étant réduite à 0,8 % du marché (répartie à parts égales entre ces deux langues).
Il a expliqué cette situation par le fait que la traduction représente un coût et une prise de risques supplémentaires pour les éditeurs, qui interviennent sur un marché régi par la concurrence et la rentabilité.
Il a souligné que les programmes, conduits en partenariat avec la fondation franco américaine, tendaient à permettre aux éditeurs américains d'avoir une meilleure connaissance et un meilleur accès aux publications francophones. Il a évoqué aussi la création, par le ministère des affaires étrangères, d'un site Internet (Frenchbooknews) consacré à ce secteur et d'une lettre mensuelle d'information sur l'activité de publication, notamment dans les domaines de la littérature ainsi que des sciences humaines et sociales. Il a cité l'existence de deux programmes, le premier d'aide à la traduction et le second, plus récent, destiné à sensibiliser les professionnels américains à l'importance du développement de la traduction, en écho au festival littéraire créé il y a deux ans.
En effet, le secteur de la traduction souffre d'une crise, qui a provoqué la mobilisation de nombreux représentants des élites américaines. Cette situation est aussi à l'origine de l'organisation du voyage, à Paris et à Berlin, d'éditeurs et de journalistes américains, que les membres de la commission des affaires culturelles sont invités à rencontrer après l'audition.
Mme Emma Archer a précisé que cette mission avait recherché une véritable mixité professionnelle en associant éditeurs, journalistes et traducteurs, et que les 9 participants avaient été sélectionnés sur une pluralité de critères, et notamment pour leur intérêt envers les traductions.
M. Fabrice Rozié a indiqué que la mission donnerait lieu à une conférence de presse organisée à New-York le 8 mars prochain. Il a précisé que, dans la composition de la délégation, un équilibre entre les générations avait été recherché, de façon à associer des personnalités émergentes dont on pouvait penser qu'elles étaient à l'orée d'une belle carrière, et des personnalités pleinement reconnues dans leur profession. Il a expliqué le choix de Berlin par la volonté de donner une dimension européenne à ce projet et de prendre en compte l'impact de la foire du livre de Francfort sur le marché mondial du livre.
Un débat a suivi cet exposé.
M. Jacques Valade, président , a demandé des précisions sur la durée de vie moyenne d'un livre aux Etats-Unis, et sur les centres d'intérêt des lecteurs américains.
M. Louis de Broissia a souhaité savoir par quelles voies s'opérait la promotion des livres aux Etats-Unis, et notamment le rôle éventuel que jouaient les émissions littéraires à la télévision.
M. Alain Dufaut , citant une information publiée dans un grand quotidien, s'est alarmé de la diminution des traductions étrangères de romans français.
M. Jacques Valade, président , s'est, à son tour, inquiété des informations faisant état d'une quasi-disparition des livres en français des rayons des librairies américaines.
M. Louis Duvernois a souhaité savoir si la littérature canadienne d'expression française pâtissait de la même désaffection relative auprès des éditeurs et des lecteurs américains.
En réponse aux intervenants, Mme Emma Archer et M. Fabrice Rozié ont apporté les précisions suivantes :
- la rotation des livres est rapide aux Etats-Unis ; les années 2004 et 2005 ont été particulières, du fait des succès du livre « Da Vinci Code », qui s'est prolongé sur de longs mois ; mais en 2006, un livre ne se maintient que pendant 1 à 4 semaines parmi les 100 titres les plus vendus ; aucun livre étranger n'y figure, à l'exception de rares traductions en collection de poche d'Elie Wiesel et de Paulo Coelho ; 4 auteurs français, dont Michel Houellebecq et Andreï Makine, ont cependant figuré dans les meilleurs livres de l'année sélectionnés par la presse ; le livre de Bernard Henri Lévy, « Sur les traces de Tocqueville », a été bien médiatisé et sa version américaine a été publiée avant sa version française, mais la présence de l'auteur sur le territoire américain et sa capacité à s'exprimer en anglais, rare chez les auteurs français, explique cette situation particulière ;
- le livre en français souffre de la barrière de la langue, qui limite son auditoire aux Etats-Unis ; l'un des moyens de l'élargir consiste à faire intervenir les auteurs français devant un auditoire qui ne soit pas exclusivement composé d'anglophones, mais aussi de francophones ou d'hispanophones ;
- le livre et les médias aux Etats-Unis ont une relation autre que celle que l'on trouve en France ; tout d'abord, les Américains s'étonnent de l'interdiction de la publicité en faveur des livres et des films à la télévision française ; par ailleurs, les émissions américaines relèvent davantage des « talk shows » ; cependant, un effort pourrait être tenté en direction des radios, en associant plusieurs auteurs français autour de lectures de leurs textes qui seraient confiées à de grands acteurs américains ;
- le reproche le plus fréquent que les éditeurs font aux écrivains français est de ne pas savoir tourner une histoire avec un commencement, des péripéties et un dénouement ; pour le public américain, un bon livre, c'est d'abord une bonne histoire qui se prête ensuite à une adaptation cinématographique ; le lent questionnement, cher aux auteurs français, est pour eux déroutant ; ils ont en revanche apprécié que la dernière série des prix littéraires se soit largement ouverte à des écrivains francophones plus portés au récit et à la saga ;
- le poids relatif des traductions tend à se réduire aux Etats-Unis ; en France, la littérature étrangère traduite représente encore 40 % du marché du livre en France ;
- un projet récent se propose d'associer sur 7 nouvelles, 7 écrivains français qui en imagineront le début, et 7 américains qui en réaliseront la fin ; c'est une forme de jeu littéraire dont l'objet est de faire dialoguer deux imaginaires qui se cherchent ;
- les Américains sont particulièrement friands de livres aux sujets religieux, de biographies d'hommes politiques ou de sujets d'actualité liés par exemple à la guerre en Irak ;
- une comparaison personnelle entre les années 90 et aujourd'hui permet d'inférer la quasi disparition des librairies indépendantes proposant des livres en français ; quelques grandes librairies continuent cependant de proposer quelques rayons français, mais dans les grandes villes seulement ; les Français vivant aux Etats-Unis achètent leurs livres à l'occasion de leur passage en France ou s'adressent aux réseaux de vente canadiens ;
- la littérature québécoise pâtit autant que la française de la barrière de la langue ;
- il reste cependant, aux Etats-Unis comme en France, un fort désir mutuel de traduction, car cette première étape est souvent le premier échelon pour une reconnaissance internationale.
M. Denis Mollat, président, et M. Jean-Marie Doublet, directeur général du Cercle de la Librairie (Mercredi 21 février 2007)
M. Jacques Valade, président , a indiqué à titre liminaire que la commission avait décidé de mettre à profit la pause dans ses travaux législatifs pour lancer une réflexion sur les problèmes du livre et de l'édition, qui débouchera sur la publication d'un rapport d'information.
M. Denis Mollat a rappelé que le Cercle de la Librairie avait été fondé en 1847 par Antoine Firmin-Didot, sur le modèle des Cercles qui, au 19è siècle, permettaient de réunir les professionnels appartenant à une branche d'une profession.
Il a précisé qu'étaient aujourd'hui adossés au Cercle, d'une part, l'hebdomadaire de la profession, « Livre hebdo » ainsi qu'une société anonyme, « Electre », qui emploie plus de 60 personnes et qui a notamment pour vocation de tenir la base de données bibliographiques du même nom, utilisée par les bibliothèques et les éditeurs.
Il a ajouté qu'un investissement de 2,5 millions d'euros était actuellement consacré à une refonte de la base « Electre », qui sera achevée à la fin de l'année 2007, pour lui permettre d'optimiser ses coûts de production.
Il a estimé que l'arrivée du numérique apportait déjà un certain nombre d'outils favorables au développement du livre et que les menaces qu'elle faisait peser sur ce secteur n'étaient pas pour l'instant comparables à celles frappant d'autres domaines comme la musique, la presse ou le cinéma.
Il a considéré, en effet, que le piratage ou la copie de fichiers numériques ne présentait pas les mêmes avantages dans le domaine de la musique ou de la vidéo, et dans celui de l'écrit, et plus particulièrement de la littérature, où le livre conserve un fort avantage en termes de facilité d'emploi et d'agrément de lecture. Il a nuancé son propos en indiquant que les différents domaines de l'édition n'étaient, au demeurant, pas tous à l'abri de ces menaces. Si la littérature, la fiction et les essais sont dans l'ensemble épargnés, le segment des guides de voyages est en revanche déjà fortement touché par la concurrence des sites en ligne tenus par des voyageurs.
Il a ajouté que les ouvrages relatifs à l'informatique étaient également touchés, les utilisateurs confrontés à des difficultés ponctuelles ayant tendance à chercher les solutions à leurs problèmes sur des sites en ligne plutôt que dans d'épais manuels.
Le troisième secteur menacé est celui du droit, de nombreux juristes préférant recourir à des bases en ligne régulièrement réactualisées plutôt qu'à de gros ouvrages papier dans lesquels il faut insérer des mises à jour. Il a indiqué, qu'à contrario, la littérature pour la jeunesse, les bandes dessinées et les mangas se portaient très bien.
Un débat a suivi l'exposé de M. Denis Mollat.
M. Jacques Valade, président , a demandé des précisions sur la situation du livre d'art et Mme Monique Papon sur celle du livre scolaire. M. Jacques Valade, président, a rappelé, qu'en matière de livre scolaire, les communes, bientôt suivies par les départements et maintenant par les régions, tendaient de plus en plus à mettre les livres scolaires à la disposition des élèves, rappelant que ces pratiques suscitaient une certaine inquiétude au sein du Syndicat national de l'édition. Il a souhaité savoir quelle était la proportion du chiffre d'affaires de l'édition que représentait le livre scolaire.
M. Ivan Renar a rappelé que les cérémonies de distribution des prix auxquelles on procédait autrefois étaient souvent l'occasion, pour les milieux modestes, de se familiariser avec le livre. Il a demandé à M. Denis Mollat s'il serait favorable à la reprise de cette pratique.
M. Jack Ralite , faisant état d'une récente réunion organisée par « Livre hebdo », a relevé que le principal problème auquel était aujourd'hui confronté le secteur du livre tenait à l'irruption de nouveaux acteurs, comme « Amazon », et à de nouveaux modes de diffusion du livre, qui risquent de fragiliser les librairies indépendantes, déjà affectées par la hausse de l'immobilier, notamment à Paris. Il a estimé que, face au développement du numérique, les librairies devraient se regrouper pour proposer un site de commande de livres en ligne. Il a considéré, cependant, que rien ne pouvait remplacer le contact physique avec le livre en librairie et a craint que les circuits de distribution ne deviennent tout puissants au détriment des éditeurs et des libraires.
Il a évoqué, ensuite, les considérations qui ont conduit la mairie d'Aubervilliers à racheter un espace pour y créer la librairie « Les mots passants » qu'elle a ensuite confiée à deux libraires salariés : alors que les habitants de la commune ne disposaient jusqu'alors que de points de vente de journaux proposant un nombre très restreint de livres, la création de cette librairie leur avait permis d'accéder à la diversité.
Celle-ci est, en outre, devenue un commerce-pilote qui crée une véritable animation en centre-ville et dont le succès est prouvé par l'augmentation régulière de son chiffre d'affaires depuis cinq ans.
M. Jacques Legendre a souhaité savoir comment évoluaient les rapports entre les librairies, d'une part, et les bibliothèques et médiathèques municipales de l'autre.
Il a déploré, ensuite, la raréfaction des librairies familiales au profit des librairies à succursales multiples qui vendent également d'autres produits culturels au risque d'une certaine banalisation et d'une pénalisation du livre.
M. Jacques Valade, président , a demandé si la vente de livres constituait une activité rentable pour les grandes surfaces ou si celle-ci ne constituait, en quelque sorte, pour elles, qu'un produit d'appel.
M. Ivan Renar a rappelé l'impact positif qu'avaient eu les campagnes de presse lancées il y a quelques années en faveur du développement de la lecture. Estimant qu'il fallait exalter le plaisir du livre et du texte, il a cité également une initiative tendant à apprendre à des jeunes gens à écrire des poèmes d'amour, et qui avait fait évoluer dans un sens très positif les rapports entre les jeunes garçons et filles. Il a souhaité également des précisions sur le succès de la bande dessinée.
M. Louis Duvernois a rappelé que le livre, produit culturel, était aussi un produit industriel. Il a demandé si le numérique avait des conséquences sur l'économie de production du livre, et souhaité des précisions sur l'importance des invendus dans ce secteur.
M. Jacques Valade, président , a souhaité savoir si certains auteurs arrivaient encore à vivre de leur plume. Il a demandé si les nouvelles technologies ne facilitaient pas le recours à de petits tirages supplémentaires. Il a également cité en exemple une initiative lancée par plusieurs municipalités, tendant à attribuer aux écoliers des bons d'achat leur permettant d'acheter les livres de leur choix.
En réponse aux différents intervenants, M. Denis Mollat et M. Jean-Marie Doublet ont apporté les précisions suivantes :
- la situation du livre d'art est bonne et le support papier a toujours les préférences à la fois du monde de l'architecture et des amateurs de photographies et d'arts plastiques, qui lui restent fidèles ;
- le livre scolaire a un statut particulier par rapport à l'ensemble du secteur du livre qui est encadré à la fois par la loi sur le prix unique du livre de 1981 et par la loi qui a institué le prêt payant en bibliothèque ;
- le monde de l'édition scolaire porte actuellement une attention assez inquiète à certaines expériences qui conduisent à remplacer le livre par des ordinateurs et des logiciels et où l'appel d'offre se fait non plus auprès de l'éditeur, mais auprès du concepteur du logiciel ; le secteur de l'édition scolaire représente une forte proportion -de l'ordre de 30%- du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de l'édition ;
- les cérémonies de distribution des prix, comme toutes les initiatives qui peuvent contribuer à la diffusion du livre, sont positives et doivent être encouragées ; malgré les efforts qui ont été entrepris pour renforcer l'attrait du livre chez les jeunes, ceux-ci ont cependant tendance à lire moins de livres qu'avant ; mais on note un essor de la lecture des journaux gratuits ;
- les librairies, pas plus qu'aucun autre commerce, ne peuvent échapper à leur compte d'exploitation ; la hausse des prix de l'immobilier les pénalise en effet en France comme dans d'autres pays d'Europe et cette situation a conduit les collectivités locales, en Allemagne, à racheter des locaux pour y installer des librairies dans des conditions économiques plus favorables, car elles considèrent que les librairies permettent de créer du lien social ; celles-ci constituent bien souvent des « agora » en centre-ville, dont il faut refuser la disparition ; la loi de 1981 sur le prix unique du livre prévoyait de réglementer les marges autorisées aux librairies à partir d'un volet quantitatif facile à appliquer et d'un volet qualitatif qui n'a jamais été véritablement pris en compte ; la masse salariale représente un poste d'exploitation important dans le budget d'une librairie : environ 12 % en moyenne du chiffre d'affaires hors taxe, voire 22 % pour certaines librairies de qualité, alors qu'elle n'est que de 9 % dans un magasin comme la FNAC ;
- les villes, qui ont de grandes bibliothèques municipales, sont également des villes riches en librairies, car il y a des synergies entre ces deux types d'établissements, les chaînes de librairie définissant en toute liberté leur stratégie ; quant aux bibliothèques indépendantes, on peut se réjouir qu'elles n'aient pas disparu, contrairement aux disquaires ; la vente de livres est une activité rentable pour les grandes surfaces et ces grands magasins se sont taillé une part importante du marché ;
- les librairies peuvent envisager, avec succès, une certaine diversification de leur activité, par exemple en vendant des disques classiques, qui s'apparentent aux rayons « Beaux arts » ;
- les ventes de bandes dessinées augmentent actuellement de 15 % par an ;
- les actions en faveur du public scolaire sont très positives et la pratique des bons d'achat distribués aux écoliers par les communes devrait être développée, car elle contribue à créer des liens entre les enfants et les livres ;
- depuis plusieurs années, les tirages moyens ont tendance à baisser, et pour compenser cette tendance, les éditeurs augmentent le nombre de livres qu'ils proposent au public ; l'augmentation du nombre de romans publiés, qui a atteint 650 titres en 2006, témoigne certes de la vitalité de la création, mais se traduit par d'incontestables difficultés sur le plan économique, certains livres ne parvenant pas à se vendre ;
- une dizaine d'auteurs seulement vivent en France de leur plume ;
- le taux de retour des invendus s'établit autour de 25 % ; contrairement à la Grande-Bretagne, où les éditeurs se sont dotés, avec le système « book scan », d'un procédé qui leur permet de savoir précisément, au jour le jour, combien d'exemplaires de leurs livres ont été vendus, les éditeurs français connaissent uniquement le nombre de livres qui ont été fournis aux librairies, mais non ceux qui ont été effectivement vendus au consommateur final ; le système britannique a permis de réduire de 12 points les taux de retour ;
- les tirages offset en noir et blanc deviennent rentables à partir de 5 ou 600 exemplaires et le tirage en plus petit nombre d'unités ne peut présenter un intérêt que pour des livres anciens ou très rares ; pour les tirages à l'unité, la consultation payante en ligne est une meilleure solution.
M. Bertrand Cousin, membre du bureau du Syndicat national de l'édition (SNE) (Mercredi 21 février 2007)
M. Bertrand Cousin a rappelé qu'il avait été chargé par le Syndicat national de l'édition de la réalisation d'un mémorandum sur la présence du livre français dans les pays francophones du Sud, cette réflexion s'inscrivant dans un contexte marqué par la publication de plusieurs rapports - le rapport sur la stratégie d'action culturelle de la France à l'étranger de M. Louis Duvernois, qui avait pointé un certain nombre de carences dans le système culturel français de l'étranger, puis celui présenté par M. Hubert Astier en juin 2005 - et, en 2006, par les débats relatifs à la convention sur la diversité culturelle et ceux tenus dans le cadre de l'« Année de la francophonie ».
M. Bertrand Cousin a précisé que le mémorandum répondait à l'inquiétude qu'inspire au Syndicat national de l'édition la diminution des exportations de livres français dans les pays francophones du Sud.
Il a indiqué que les exportations de livres français en direction de l'Afrique francophone ne s'élevaient qu'à une trentaine de millions d'euros par an, tout comme les exportations en direction du Maghreb, chiffres qu'il convenait de mettre en regard des 300 millions d'euros d'exportations en direction des pays du Nord. Il a estimé que les raisons de ce déclin étaient tout d'abord d'ordre politique et tenaient à la situation de ces pays, dont les économies sont désorganisées et les circuits commerciaux peu fiables. Il a rappelé que l'Afrique noire était principalement concernée par le marché du livre scolaire, qui constitue un paramètre essentiel dans le maintien et le développement de la francophonie. Il a observé que ce marché était très largement tributaire des appels d'offres qui sont lancés par la Banque mondiale, déplorant que celle-ci fasse preuve d'une attitude d'incompréhension et de défiance à l'égard de la France. Il a regretté que la Banque mondiale ait tendance à considérer la diffusion du livre français en Afrique francophone comme une forme de prolongement de l'ancienne influence coloniale et tende à favoriser les éditeurs canadiens ou belges au détriment des éditeurs français. Il a estimé, en revanche, que la compagnie française d'assurances pour le commerce extérieur (COFACE) jouait pleinement son rôle et allait parfois au-delà de sa gestion prudentielle pour soutenir les exportations de livres français.
Tout en souscrivant aux grands axes de la politique d'éducation pour tous, tracée par la Banque mondiale, il a cependant regretté que le dialogue avec cette institution soit aussi difficile. Il a indiqué qu'il avait pris contact avec l'administrateur français de la Banque mondiale pour organiser des ateliers de travail destinés à sensibiliser cette institution à ces problèmes.
Abordant ensuite les systèmes d'aide européens, il a estimé qu'ils étaient largement inopérants du fait de la complexité des procédures et a déploré que les sommes importantes qui sont consacrées par l'Union à son action en faveur du développement négligent le secteur du livre et de l'édition, car ils ne répondent pas aux critères actuels. Il a souhaité que le Gouvernement français fasse évoluer ces critères pour leur permettre de prendre en compte les actions d'alphabétisation et d'éducation.
Tout en se réjouissant de la réforme des institutions de la francophonie autour de l'organisation internationale de la francophonie (OIF), il a cependant déploré que cette politique ne se dote pas des moyens appropriés aux objectifs qu'elle se propose. Sans sous-estimer le succès géopolitique qu'a constitué la signature de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, il a regretté les reculs qu'enregistre cette politique dans beaucoup de domaines, qu'il a attribués à un certain éparpillement des actions et à l'éclatement des institutions administratives. Il a indiqué que le mémorandum reprenait un certain nombre de propositions formulées par le rapport Astier et le rapport Duvernois, qu'il avait complétées par un certain nombre de préconisations relatives aux contraintes et aux perspectives propres au monde de l'édition.
Un débat a suivi l'exposé de M. Bertrand Cousin.
M. Jacques Valade, président , s'est alarmé de l'excès d'autonomie dont jouissent souvent les services culturels à l'étranger, souhaitant que l'autorité des ambassadeurs sur ces derniers soit clairement réaffirmée.
M. Jacques Legendre a estimé que les propos tenus par M. Bertrand Cousin fournissaient une nouvelle illustration de l'incapacité de la France à avoir un bon pilotage de sa politique en faveur de la francophonie. Il a constaté, en effet, que la défense internationale de la langue française n'était en pratique au coeur des préoccupations ni du ministère des affaires étrangères, ni du ministère délégué chargé des affaires européennes, ni du ministère délégué chargé de la coopération, qui est d'abord tourné vers l'Afrique. Il a estimé, en conséquence, qu'il convenait de confier à une autorité politique unique tous les éléments de cette politique de la francophonie, qui est actuellement éclatée entre plusieurs ministères.
M. Jacques Valade, président , a relevé, à cet égard, que la francophonie en tant que telle avait disparu de l'architecture de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF).
M. Louis Duvernois a observé que les problèmes dénoncés par M. Bertrand Cousin dans le domaine du livre et de l'édition se retrouvaient à l'échelle de l'ensemble de la politique en faveur de la francophonie qui ne dispose pas d'une stratégie conséquente.
M. Jacques Valade, président , a estimé que la France ne devait pas se mettre à la remorque d'autres pays dans la conduite d'une politique de défense de la langue française, où elle a une responsabilité éminente.
En réponse aux différents intervenants, M. Bertrand Cousin et M. Jean-Guy Boin, directeur général du bureau international de l'édition française, ont apporté les précisions suivantes :
- il existe une centaine de libraires qui vendent des livres français dans les pays du Sud francophone ; ils jouent un rôle essentiel dans le maintien de la francophonie ; il convient, en conséquence, de les aider à remédier aux difficultés qu'ils rencontrent, en contribuant notamment à leur formation et à leur équipement informatique ;
- la bonification à l'exportation accordée par les pouvoirs publics français a malheureusement été neutralisée par les droits de douane imposés par certains pays ;
- des efforts doivent être également engagés par le monde de l'édition, les professionnels du livre ayant trop tendance à se constituer en organismes jaloux de leur autonomie ; à cette fin, un comité de pilotage a été récemment mis en place pour améliorer la coordination entre un certain nombre d'organismes : le bureau national de l'édition française, le centre d'exportation du livre français, la centrale de l'édition et la commission internationale du syndicat national de l'édition ; des représentants des différentes administrations concernées (affaires étrangères, culture, Agence française de développement), auxquels s'ajoute l'organisation internationale de la francophonie, y participent également ;
- les pouvoirs publics n'ont pour l'instant pas encore réagi à la publication du mémorandum et il conviendra de mettre à profit la nomination d'un nouveau Gouvernement pour lancer un vrai programme de travail débouchant sur l'adoption de mesures sans lesquelles la présence de la langue française dans les pays francophones du Sud risquerait à l'avenir d'être fortement compromise ;
- le français est la deuxième langue traduite dans le monde ; 480 titres sont ainsi chaque année traduits en chinois ;
- il convient de respecter la pluralité du monde du livre et de l'édition, qui comporte des segments aussi variés que le livre scolaire, le livre d'érudition, la philosophie, la cuisine et l'art de vivre.
M. Benoît Bougerol, président du Syndicat de la Librairie française (Mercredi 14 mars 2007)
M. Benoît Bougerol a indiqué que le Syndicat de la librairie française (SLF) regroupait 500 entreprises, dont l'activité principale est la vente de livres et qui respectent une charte, garantissant notamment leur indépendance. Il a précisé, ensuite, les missions de ce syndicat professionnel, au titre desquelles il s'est vu confier par le ministère de la culture la vérification de la bonne application de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre. Il s'agit ainsi d'assurer la diversité culturelle et de défendre le rôle du livre au service de la culture.
Il a indiqué que le syndicat enverrait prochainement aux candidats aux différentes élections les demandes du SLF visant à aider le secteur fragilisé des librairies indépendantes, qui pourraient, par exemple, bénéficier de mesures similaires à celles mises en oeuvre en faveur du cinéma d'art et essai.
Puis il a évoqué la montée en puissance d'une part, de la grande distribution qui n'offre aux consommateurs qu'un choix limité d'ouvrages et, d'autre part, de la diffusion des livres sur internet. Cette dernière « déstabilise » quelque peu les professionnels, qui jouent un rôle essentiel et gratuit de conseil auprès des lecteurs, que ne peut offrir internet. Les pouvoirs publics, tant l'Etat que les collectivités territoriales, ont d'ailleurs conscience de l'enjeu, culturel et économique, que représentent ces acteurs qu'ils tentent parfois d'accompagner.
Après s'être félicité de l'impact positif de la loi sur le prix unique du livre, M. Benoît Bougerol a relevé que le livre numérique n'avait pas bouleversé le marché, comme certains l'avaient annoncé voilà 6 ans. Les nouvelles technologies feront cependant évoluer les secteurs nécessitant des mises à jour immédiates, telles que la documentation professionnelle, par exemple.
M. Jean-Marie Ozanne, président de la commission commerciale du SLF, s'est interrogé sur la pérennité de la loi de 1981, compte tenu du fait que son esprit s'avère bafoué par les éditeurs, petits et grands. En effet, l'article premier de la loi -qui édicte que l'éditeur fixe son prix- entraîne la détermination par les éditeurs de la rentabilité des entreprises en aval de la chaîne. Or, fascinés par la montée en puissance des grands magasins tels que la FNAC dans les années 80, des hypermarchés dans les années 90 puis d'internet depuis les années 2000, les éditeurs accordent à l'ensemble de ces acteurs des remises identiques à celles des libraires indépendants, alors même que l'article 2 de la loi leur permettrait de moduler ces remises afin de maintenir la diversité et la couverture territoriale des diffuseurs.
Cette évolution est inquiétante et la promesse de mettre en place un « médiateur du livre », avancée par M. Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la culture, n'a pas été tenue, alors même qu'une éthique doit être respectée par l'ensemble des acteurs du secteur afin de préserver son avenir.
M. Matthieu de Montchalin, vice-président du SLF , a indiqué que le syndicat ne tenait cependant pas un discours défaitiste s'agissant des ventes par le biais d'internet, dans la mesure où ces dernières ne représentent qu'environ 4 % du marché. Une étude réalisée par Ipsos et Livres Hebdo montre que sur un marché en légère diminution, les librairies indépendantes de « premier niveau » avaient mieux résisté ; l'inquiétude porte en revanche sur les librairies de « second niveau » (souvent situées dans de petites villes).
Il a fait valoir la nécessité de garantir la pérennité des libraires indépendants, qui emploient 11.000 salariés et permettent, en outre, de préserver l'édition indépendante.
Il a relevé que la dématérialisation du livre laisserait intacte la question du choix des oeuvres par les lecteurs et il a souligné que le libraire pouvait exercer son rôle de conseil quel que soit le support (papier comme électronique). Dans ces conditions, le SLF lancera, sur internet, en 2007, avec le soutien du Centre national du livre, un portail des libraires indépendants. Cette mutualisation offrira aux clients des perspectives en matière de dématérialisation, de téléchargement ou de feuilletage des oeuvres.
Il a insisté, ensuite, sur la nécessité de consolider le secteur des livres scolaires, qui représente 10 à 25 % du chiffre d'affaires des libraires indépendants. Il a regretté que les modalités d'action de certaines régions pour instaurer la gratuité des livres scolaires fragilisent les libraires, notamment ceux installés dans des villes de taille modeste. Le problème est politique, car il concerne l'accessibilité des familles et des jeunes au livre.
M. Jacques Valade, président , s'est interrogé sur la place de la grande distribution spécialisée, ainsi que sur le temps de latence nécessaire au passage de l'édition d'un livre broché à un livre non broché de petit format. Evoquant le rôle joué par certaines collectivités territoriales en vue de soutenir de petits libraires en difficulté, il a insisté sur le véritable rôle de service public joué par le libraire.
Mme Monique Papon a demandé si l'explosion des ventes de petits formats, du type livre de poche, menaçait les grands formats et elle a sollicité des précisions sur les ventes réalisées sur les sites présents sur internet.
Etablissant un parallèle avec les actions des collectivités territoriales en faveur des salles de cinéma, M. Jack Ralite a indiqué que la ville d'Aubervilliers avait acheté le fonds de commerce d'une librairie en difficulté et que cette opération s'avérait concluante, cet endroit constituant, en outre, un lieu de vie et d'échanges au coeur de la ville. Enfin, il s'est interrogé sur les éventuels effets pervers de la « best-sellerisation ».
Les intervenants ont apporté les éléments de réponses suivants :
- le livre n'est pas au coeur de l'activité des magasins de la grande distribution spécialisée, même s'il leur permet de bénéficier d'une image culturelle. En effet, le chiffre d'affaires concerné ne représente que 18 % du chiffre d'affaires total de la FNAC et 13 % de celui de Virgin. Ces magasins n'assurent pas le rôle de conseil joué par un libraire et ne mettent pas en valeur de la même manière les oeuvres nouvellement éditées ;
- le développement, au cours du temps, d'autres types de loisirs, puis de nouveaux circuits de distribution, ne représente pas une « révolution » dans le secteur, mais entraîne un réel et sérieux effritement de la place du livre et des libraires ;
- les ventes de livres de petit format, enregistrées depuis déjà 10 à 15 ans, ne nuisent pas nécessairement aux autres ventes et les deux types d'édition se soutiennent parfois mutuellement, par exemple lorsque l'oeuvre nouvelle d'un auteur permet de relancer la vente de ses livres précédents. En revanche, la vente de livres à 1 euro pose la question de la responsabilité du producteur à l'égard des acteurs de l'aval de la chaîne du livre ;
- s'il n'est pas régi par un texte, le délai moyen entre la date de la parution d'un livre broché et celle de sa parution en petit format est de 6 à 12 mois pour un roman, la moyenne étant plus basse pour les essais dont l'obsolescence est plus rapide. L'édition en petit format nécessite cependant la réalisation d'un nombre de vente suffisant de l'oeuvre en grand format ;
- bien que la librairie participe de la vie culturelle d'une commune, les élus semblent avoir une meilleure compréhension du rôle des salles de cinéma à cet égard ;
- les libraires subissent la hausse des baux commerciaux et, avec le renouvellement des générations, le problème de la transmission des librairies indépendantes se pose cruellement. Ce problème de l'immobilier commercial devra être traité en vue de faciliter ces transmissions si l'on veut préserver ces librairies ;
- les collectivités territoriales peuvent agir en faveur du maintien du bail commercial de la librairie, indépendamment même de toute subvention ;
- le syndicat travaille sur un projet de labellisation de la librairie indépendante, à l'image du cinéma d'art et essai.
Mme Catherine Lucet, directeur général des éditions Nathan, présidente de l'association Savoir Livre, et Mme Pascale Gelebort, directrice de l'association (Mercredi 25 avril 2007)
Mme Catherine Lucet a indiqué que l'association « Savoir Livre » regroupait les six principaux éditeurs du livre scolaire et avait pour objet de défendre la place du livre à l'école, ainsi que celle des outils pédagogiques numériques, qui constituent eux aussi un précieux instrument d'apprentissage au service des professeurs, des élèves et de leurs parents.
Elle a estimé que l'on devait considérer aujourd'hui les livres et les supports numériques comme des outils complémentaires et indissociables plutôt que rivaux.
Elle a rappelé que l'édition scolaire restait un secteur modeste, qui ne représentait, avec 226 millions d'euros, qu'un peu moins de 10 % du chiffre d'affaires global de l'édition française et 1,3 % des titres publiés.
Elle a précisé que ce secteur était largement tributaire des changements fréquents de programmes, indiquant qu'un décret avait récemment ramené de 14 à 12 mois le délai séparant leur publication de leur entrée en vigueur. Elle a déploré que ce manque de visibilité ne facilite pas, pour les éditeurs, la mise au point d'ouvrages pédagogiques de qualité.
Evoquant ensuite la fourniture des livres scolaires, elle a précisé que celle-ci relevait, pour l'enseignement primaire, de la responsabilité des communes, déplorant que cette responsabilité, qui ne se double d'aucune obligation, aboutisse à un accès inégal des élèves aux outils pédagogiques. Elle a cité des études récentes, qui montrent en effet que plus de 400.000 écoliers n'utilisent pas de manuels et qu'un million utilise des manuels qui ne sont plus conformes aux programmes, des disciplines comme l'histoire et la géographie étant les plus touchées par ce phénomène.
Elle a déploré que, cette pénurie d'ouvrages conduise d'ailleurs souvent les enseignants à renoncer à réclamer aux municipalités de nouveaux ouvrages, pour se rabattre sur l'emploi de photocopies qui tendent à se répandre dans l'enseignement primaire.
Une étude du Centre français de la copie évalue ainsi à 60 le nombre moyen de photocopies par an et par élève, 15 % des écoles allant même jusqu'à 150 photocopies par an et par élève.
Elle a regretté que, du fait de l'absence d'articulation fonctionnelle entre les communes et le ministère de l'éducation nationale, les municipalités ne soient pas tenues informées des modifications de programme.
Elle a précisé, ensuite, que le montant de la dépense consacrée au livre scolaire s'élevait à un peu moins de 15 euros par élève et par an, déplorant que la France soit, comparée à ses partenaires européens, en queue de peloton pour ce qui est de l'effort en faveur du livre scolaire, alors qu'elle se situait encore dans la moyenne quand l'achat des livres était à la charge des familles.
Evoquant la fourniture gratuite de livres scolaires instituée à partir de 2004 par de nombreuses régions, elle a indiqué que celle-ci avait, suivant ses modalités, des effets induits différents sur le secteur de la librairie : les achats directs et centralisés la pénalisaient, alors que le système des cartes à puces ou des crédits attribués aux parents pour effectuer eux-mêmes l'achat des ouvrages était en revanche neutre.
Elle a critiqué en outre un des effets indirects de la globalisation des crédits par la LOLF : la subvention versée aux départements pour l'achat des livres scolaires est dorénavant fondue au sein d'une enveloppe globale qui recouvre une grande variété d'actions. Elle a noté que, pour la première fois, en 2006, plus de 500.000 collégiens de 5e n'avaient pas de manuels conformes aux nouveaux programmes et que la moitié des élèves de 6e n'avaient pas de manuels de langue et ne disposaient pas de manuels actualisés. Elle a indiqué que cette situation était une source d'inquiétude pour les parents, qui voient dans les manuels scolaires un des paramètres de l'égalité républicaine. Cette inquiétude a été relayée par la presse et par les questions parlementaires.
Mme Catherine Lucet a précisé que les changements de programme n'affectaient pas également les différentes disciplines : ceux-ci sont trop fréquents dans certaines matières et trop peu nombreux au contraire dans les sections technologiques ou professionnelles.
Mme Pascale Gelebort a noté que l'écart qui sépare fréquemment le niveau constaté des élèves et celui des exigences posées par les programmes officiels contribue à rendre délicate la rédaction des manuels scolaires.
Elle a précisé, en outre, qu'une enquête récente avait montré que, seuls, 10 % environ des enseignants prenaient connaissance des changements de programme dans le bulletin officiel de l'éducation nationale, contribuant à ralentir leur prise en compte effective, qui repose de ce fait largement sur les nouveaux manuels.
Mme Catherine Lucet s'est inquiétée de la diminution de 14 % des crédits inscrite à l'action 14 de la mission « Enseignement scolaire » dans la loi de finances initiale pour 2007, alors que le montant des crédits de 2006 était déjà insuffisant. Elle s'est demandé si cette diminution de l'effort de l'Etat ne constituait pas l'amorce d'un nouveau transfert en direction des conseils généraux.
Abordant ensuite la question du développement des technologies numériques à l'école, elle a cité une récente étude, réalisée par la Commission européenne, qui témoigne du retard pris par la France en ce domaine par rapport à ses partenaires européens. Certes, la France est dans le peloton de tête en matière d'équipements logistiques et de connections. Mais elle n'est qu'au 14 e rang sur 27 lorsqu'il s'agit de la connection des établissements scolaires, qui ne disposent que très inégalement du haut débit, et c'est surtout en matière d'usages pédagogiques qu'elle est à la traîne, au 21e rang, du fait notamment d'une certaine réticence du corps enseignant, un professeur sur trois déclarant ne pas voir l'intérêt de ces nouveaux outils.
Mme Catherine Lucet a rappelé qu'une introduction réussie des nouvelles technologies dans les établissements scolaires reposait sur cinq paramètres (la présence des équipements, leur maintenance, l'existence d'espaces numériques de travail, la participation d'enseignants formés et la disponibilité d'outils pédagogiques), dont la réunion supposait un pilotage fort.
Persuadée du potentiel pédagogique présenté par ces nouveaux outils, elle a estimé que l'école ne pouvait rester plus longtemps à l'écart d'un monde où les élèves sont déjà pleinement immergés.
Elle a cependant reconnu que les outils numériques étaient encore en voie d'expérimentation et que le caractère très mouvant des technologies ne laissait pas nécessairement à ces nouveaux instruments pédagogiques la possibilité de subir l'épreuve du temps. En outre, les éditeurs ont commencé à élaborer des logiciels pédagogiques expérimentaux, sans que ceux-ci aient pour l'instant trouvé leur marché et leur modèle économique.
Même si certains enseignants commencent à y recourir par une démarche volontaire, elle a regretté que l'utilisation de ces outils dans l'enseignement primaire ne fasse pas l'objet, comme au Royaume-Uni, d'une politique volontariste.
Un débat a suivi l'exposé de Mmes Catherine Lucet et Pascale Gelebort.
M. Jacques Valade, président , a demandé quelle était l'attitude des enseignants à l'égard des nouveaux outils numériques.
Mme Monique Papon a souhaité davantage de précisions sur la mise en oeuvre des changements de programme et leurs conséquences pour la réalisation des manuels scolaires. Elle a estimé, par ailleurs, que, d'un point de vue pédagogique, les photocopies ne pouvaient véritablement remplacer les manuels.
Mme Colette Mélot a noté que les inégalités territoriales en matière d'accès au livre scolaire étaient préoccupantes et méritaient une réflexion sur les moyens de mieux garantir l'égalité des chances.
M. Jack Ralite s'est demandé si l'attitude circonspecte des enseignants à l'égard du numérique ne s'apparentait pas à l'hostilité qu'ils manifestent traditionnellement à l'égard de la télévision. Il a estimé que l'école ne pouvait se désintéresser de médias qui appartiennent au monde contemporain et dans lesquels sont immergés les élèves, même s'il a déclaré partager l'attachement des enseignants aux formes fondamentales de la pensée écrite traditionnelle. Il a particulièrement insisté sur la nécessité de ne pas ériger la technique comme une fin en soi. Enfin, il a estimé qu'il conviendrait sans doute, pour pallier les inégalités géographiques pointées par les intervenants, de transposer dans le domaine de l'école des mécanismes du type de ceux qu'a instaurés en matière de logement la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU).
M. Louis Duvernois a estimé que la période actuelle était une période de transition, et que la coexistence du support papier et des nouveaux outils numériques aggravait les problèmes de financement. Il a demandé si le développement du numérique avait modifié le contenu des ouvrages.
M. Jack Ralite s'est demandé si, à l'image du minitel que France Telecom proposait gratuitement à ses abonnés, on ne pouvait imaginer que l'Etat apporte un petit capital pour l'équipement des enfants.
Revenant sur la globalisation des enveloppes financières consécutive à la LOLF, il a noté que cette fongibilité ne s'accompagnait pas d'une augmentation des crédits.
En réponse aux différents intervenants, Mmes Catherine Lucet et Pascale Gelebort ont apporté les informations suivantes :
- si certains enseignants commencent à expérimenter les nouveaux supports pédagogiques numériques, ils pâtissent, cependant, dans l'ensemble, d'un manque de formation à l'usage des technologies ;
- un récent décret a ramené de 14 à 12 mois le délai qui sépare la publication au Bulletin officiel d'un nouveau programme, et son entrée en vigueur ; ce délai peut être raccourci à titre exceptionnel, en cas d'urgence, à l'initiative du ministre ; toutefois, les circulaires relatives à l'enseignement primaire entrent en vigueur immédiatement, car elles n'ont pas le statut de changement de programme, alors qu'elles sont susceptibles d'imposer des aménagements non négligeables ;
- le financement des contenus numériques est fréquemment financé par la publicité, mais il est évident que cette source de financement ne serait pas adaptée à des contenus scolaires ; par ailleurs, les familles sont prêtes à consentir un effort important, comme le montre le succès des cours de soutien scolaire privés ; peut-être pourrait-on envisager, dans ces conditions, une participation des familles en fonction de leurs revenus, sans pour autant remettre en question les principes de gratuité et d'égalité ; en Grande-Bretagne, l'Etat consent un effort financier important en faveur des outils pédagogiques, et notamment des outils numériques, ce qui lui a permis, incidemment, de développer son industrie du multimédia ;
- certains manuels sont maintenant accompagnés de contenus numériques ; les enseignants, par exemple, ont ainsi, maintenant, souvent la possibilité de télécharger des livres destinés au professeur.
M. Xavier Garambois, directeur général d'Amazon France (Mercredi 25 avril 2007)
M. Xavier Garambois a rappelé qu'Amazon était une société américaine créée en 1995, et qu'elle s'était imposée sur un concept simple : rendre disponible au consommateur le million de titres proposés par l'édition américaine, et qu'aucune librairie traditionnelle ne peut intégralement proposer. Au bout de dix années d'existence, Amazon couvre maintenant l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie, et son chiffre d'affaires s'est élevé en 2006 à 11 milliards de dollars. Certes, elle a largement diversifié son offre à d'autres biens (compléments alimentaires, chemises...), mais le livre continue de représenter son point fort, et elle s'est taillé dans ce secteur une part de marché importante.
M. Xavier Garambois a ajouté qu'Amazon s'était implantée en France à partir de 2000, et représentait aujourd'hui entre 4 et 5 % de la distribution du livre en France.
Il a présenté la stratégie de la firme, estimant qu'elle reposait sur un certain nombre de constats simples, opérés en se plaçant du point de vue du lecteur : celui-ci souhaite disposer d'un large choix, et Amazon lui propose 1,5 million de références en ligne, ce qui lui permet de couvrir l'intégralité du catalogue de tous les éditeurs français.
M. Xavier Garambois a jugé significatif le fait que les meilleures ventes portent sur des ouvrages édités il y a plus de 18 mois, et en a conclu qu'Amazon contribuait ainsi à l'allongement du cycle économique de vie du livre, au profit de l'auteur comme du lecteur.
Il a ajouté que sa société avait en outre constitué une plate-forme pour permettre aux libraires de vendre des livres sur Amazon, et notamment des livres d'occasion.
Il a précisé qu'Amazon s'était dotée pour stocker les livres de vastes entrepôts de plus de 10.000 m 2 dans la région de Lorient où elle employait 200 personnes. Il a indiqué que ses clients étaient dans l'ensemble représentatifs de la société française, avec malgré tout une concentration sur la classe d'âge 25/40 ans. Il a insisté sur le fait qu'Amazon permettait également à des clients éloignés des centres urbains de disposer d'une offre très large.
En réponse aux reproches souvent formulés par les libraires quant aux lacunes du conseil au lecteur, il a souligné qu'Amazon s'était équipée d'outils destinés à orienter le client, notamment grâce aux revues que réalisent certains lecteurs.
Enfin, il a indiqué que 9 millions de personnes consultaient le site d'Amazon chaque mois, sans que cela ne se traduise nécessairement par une réduction du chiffre d'affaires des librairies, et que la société comptait 1,5 million de clients.
Un débat a suivi l'exposé de M. Xavier Garambois.
M. Jack Ralite a estimé que les libraires français n'avaient pas une vision apocalyptique de la concurrence d'Amazon, même s'ils s'inquiètent de la progression de ses parts de marché. Il a insisté sur le fait que le livre n'était pas un produit comme un autre, mais restait une oeuvre. Il a demandé des précisions sur les délais de livraison.
M. Jacques Valade, président , a jugé intéressant le fait que des libraires puissent participer au système mis en place par Amazon. Il a souhaité connaître les modalités de facturation du port.
M . Louis Duvernois a demandé si les technologies de vente utilisées avaient un effet sur le contenu des achats.
En réponse aux différents intervenants, M. Xavier Garambois a apporté les indications suivantes :
- les libraires éprouvent encore des réticences à l'égard du commerce électronique ; les systèmes de plates-formes numériques en ligne qu'ils envisagent peuvent se faire indépendamment ou en partenariat avec Amazon ; aucun dialogue en ce sens n'a toutefois encore été établi ;
- les techniques de vente utilisées par Amazon sont celles du marketing et reposent sur l'historique des achats d'un client ; ceux-ci permettent de cerner ses goûts, et de proposer en priorité des ouvrages qui leur correspondent ; mais de nombreux clients continuent de se promener dans les rayonnages virtuels ;
- le bouche à oreille joue également son rôle ; il est sans doute responsable du succès rencontré par le « Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens », publié en 1981, et qui reste une des meilleurs ventes ;
- la livraison des livres est gratuite pour l'acheteur ; les délais sont de 2 ou 3 jours si la référence est en stock ; de deux semaines, dans les autres cas, et de six semaines pour les ouvrages américains ;
- Amazon a les taux de retour les plus faibles de tout le secteur de la distribution.
MM. Jean-Franck Cavanagh, secrétaire général de Lexis-Nexis, et Daniel Rodriguez, président d'Elsevier-Masson (Mercredi 25 avril 2007)
M. Jean-Franck Cavanagh a rappelé que Reed-Elsevier constituait un des leaders mondiaux de l'édition et de l'information. Ce groupe européen dont le siège social est à Londres et qui résulte de la fusion en 1993 de la société anglaise Reed et de la société néerlandaise Elsevier est centré sur l'édition spécialisée : la science, le droit, l'enseignement et les activités professionnelles.
Le groupe propose des publications et des services dans le monde entier : en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique latine et dans la région Asie-Pacifique. Ainsi, en 2006, il a publié près de 11.000 livres, revues et ouvrages de référence et organisé plus de 460 salons. Son chiffre d'affaires s'est élevé l'an dernier à 16 milliards d'euros dont 37 % provenaient de l'édition électronique.
M. Jean-Franck Cavanagh a indiqué que le groupe était constitué de quatre divisions qui avaient chacune un marché particulier et une vocation internationale : Elsevier était le leader mondial de l'édition scientifique et médicale au service de l'enseignement, de la santé et de la recherche ; Lexis-Nexis proposait dans le monde entier des publications juridiques de haut niveau sur papier et en ligne ainsi que de l'information générale à usage professionnel ; Harcourt était la division éducation de Reed-Elsevier ; enfin, Reed Business se consacrait à la presse et aux salons professionnels, aux annuaires, au service marketing et à la communication en ligne. Chacune de ces quatre divisions était représentée en France et employait plus de 1 900 collaborateurs.
M. Jean-Franck Cavanagh a ainsi précisé qu'avec 75 millions de chiffre d'affaires, Elsevier-Masson était aujourd'hui le premier éditeur scientifique médical et para-médical en France, que ses publications s'adressaient à l'ensemble du secteur de la santé et que sa vocation était de diffuser le savoir scientifique et médical sur tous les supports existants : papier, DVD-Rom ou internet, afin de donner à ses lecteurs l'accès à une information fiable et immédiatement disponible. Il a ensuite présenté Lexis-Nexis qui, avec 132 millions de chiffre d'affaires, constitue le troisième éditeur juridique en France au service des professionnels du droit. Cette société assure ainsi notamment la publication du Jurisclasseur, des encyclopédies Litec pour les collectivités territoriales, des brochés et codes Litec ainsi que du service internet juridique Lexis-Nexis Jurisclasseur qui recense 1,2 million de cas de jurisprudence, 35.000 textes non codifiés et tous les codes.
M. Jean-Franck Cavanagh a indiqué que, du fait de sa spécialisation, le groupe avait été parmi les toutes premières entreprises de diffusion à être affecté par internet, mais qu'il avait toutefois fait le choix d'aborder le numérique sous un angle positif et de le considérer comme une chance pour la diffusion du savoir et pour l'édition. Il a indiqué que la part du numérique dans le chiffre d'affaires de Reed-Elsevier était ainsi passée de 27 % en 2000 à 37 % en 2006. Il a relevé que, contrairement aux craintes initiales d'une cannibalisation du papier par internet, l'expérience avait montré qu'il existait une véritable demande pour le support papier sous réserve que son format et sa présentation soient envisagés sous un angle rénové.
M. Daniel Rodriguez a précisé qu'une analyse du lectorat révélait des évolutions très diverses et qu'il convenait en conséquence de ne pas tout miser sur l'internet, mais d'adapter le plus finement possible chaque outil aux besoins d'un lectorat spécifique.
M. Jean-Franck Cavanagh a estimé à son tour que les différents médias -papier et électronique - étaient complémentaires et non opposés.
M. Daniel Rodriguez a insisté sur les avantages que présentait le numérique pour la satisfaction des besoins de professionnels et des chercheurs : celui-ci facilite un accès immédiat à un immense savoir ; il permet en outre une vérification de l'information par un conseil scientifique qui garantit une qualité éditoriale élevée ; la sauvegarde des textes publiés contribue à la conservation du savoir ; le travail des professionnels est considérablement facilité par les capacités technologiques de traitement et de recherche ; enfin les coûts d'accès se réduisent chaque année et le prix par article est ainsi tombé de 12 à moins de 2 euros. Il a également fait état d'une initiative intéressante propice à la diffusion de la langue française ; Reed-Elsevier s'apprête à créer une collection française qui présentera l'ensemble des publications effectuées par les chercheurs français, contribuant à leur donner une visibilité internationale.
Il a insisté en conclusion sur le fait qu'internet n'en était encore qu'à ses débuts et que son développement exigerait à l'avenir des investissements considérables. Ainsi Reed-Elsevier a-t-il déjà dépensé depuis 1999 plus de 300 millions d'euros pour le seul service internet scientifique, et ses investissements futurs seront encore plus importants.
Il a formulé plusieurs recommandations tout en relevant que le numérique était porteur d'évolutions rapides. Il a estimé que l'intervention de l'Etat dans ce domaine devait être prudente, pragmatique et tournée vers la croissance. Il a souhaité la suppression de certaines incohérences fiscales en vue notamment de l'instauration d'un taux de TVA unique pour les activités touchant au savoir, à l'information et à la culture. Il a jugé que la puissance de l'édition européenne qui constitue un atout dans la globalisation devait être développée. Il a également estimé que des initiatives émergentes telles que l'« open access » devaient être examinées. Enfin, rappelant que le bon fonctionnement de l'économie numérique dépendait largement de la solidité et de la clarté des règles protégeant la propriété intellectuelle, il a souhaité que ces dernières, qui sont aujourd'hui moins bien comprises et moins bien acceptées que par le passé, fassent l'objet d'une nécessaire consolidation.
Au cours de l'échange de vues qui a suivi cet exposé, M. Jacques Valade, président , a indiqué qu'à l'occasion d'une récente mission de la commission en Corée du Sud, il avait constaté que certains grands fournisseurs d'appareils électroniques ne se contentaient plus de vendre du matériel mais se transformaient également en sociétés de service et passaient des contrats avec leurs clients pour leur permettre de tirer pleinement parti des services auxquels ces appareils donnent accès ; il a également souhaité savoir quelles relations Reed-Elsevier entretenait avec la société qui édite le bulletin de la société américaine de chimie ; il a en outre suggéré que la société Elsevier complète les encyclopédies qu'elle propose aux collectivités territoriales par un volet relatif à l'organisation des élections ; enfin, il a estimé qu'en matière de droit d'auteur, le législateur devait avoir une approche pragmatique compte tenu des rapides évolutions entraînées par le développement du numérique, et que ce type de considérations avait d'ailleurs guidé la commission dans l'examen du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
M. Jean-Franck Cavanagh a apporté les précisions suivantes :
- le développement de services liés aux publications du groupe impose en effet une modification de ses comportements de façon à mieux rencontrer les exigences du client, car apporter une aide à la gestion de l'état civil est plus difficile que de se contenter de vendre un Jurisclasseur ;
- l'entreprise qui publie le bulletin de la société américaine de chimie relève d'un groupe concurrent dont l'approche est d'ailleurs différente ;
- il ne peut y avoir d'économie du savoir sans propriété intellectuelle ; c'est pourquoi le principe du droit d'auteur et ses grandes règles constitutives doivent être maintenus et réaffirmés.
M. Bertrand Picard, directeur du livre de la Fnac (Mercredi 25 avril 2007)
Présentant les principales évolutions du marché du livre en France, M. Bertrand Picard a indiqué qu'après une très longue période qualifiée de « long fleuve tranquille », ce secteur connaissait depuis près d'un an et demi des mutations significatives.
Il a signalé que le marché du livre physique, après avoir connu une progression de son chiffre d'affaires de l'ordre de 1 à 2 % par an pendant une quinzaine d'années, était caractérisé depuis deux ans par une croissance zéro. Il a fait remarquer, toutefois, que cette dégradation faisait suite à trois années particulièrement dynamiques - 2003 à 2005 -, en termes de parution d'ouvrages de très large diffusion dits « best-sellers », tels « La terre vue du ciel », « Harry Potter » ou « Da Vinci Code ».
Il a insisté sur deux phénomènes nouveaux, qui tendent à bouleverser ce marché : l'émergence de nouveaux circuits de distribution, alors qu'ils étaient historiquement implantés dans les centres-villes, et la pratique de techniques de marketing pour la promotion de certains titres, qui concentre les ventes sur un nombre limité d'ouvrages.
Abordant le premier phénomène, il a fait part de l'augmentation très importante des ventes de livres sur Internet depuis plusieurs années, qui représentent désormais 5 % du chiffre d'affaires du commerce du livre. La Fnac a pris en compte ce changement structurel, en proposant un service de vente en ligne sur son site Fnac.com.
Il a poursuivi son analyse en précisant que de nouveaux acteurs bousculaient également le marché du livre physique, par l'implantation de magasins exclusivement consacrés à la vente de produits culturels dans des zones commerciales situées à l'extérieur des centres-villes, à l'exemple de Cultura ou des Espaces culturels Leclerc. Il a fait valoir que ces magasins dits « de périphérie » proposaient au public un nombre de références substantiel, de l'ordre de 30 à 40.000 titres.
Il a noté que les modifications en matière de parts de marché entre les différents circuits de distribution liées à l'arrivée de ces nouveaux acteurs affectaient surtout la grande distribution alimentaire ainsi que les petites et moyennes librairies implantées en centre-ville.
Il a souligné, enfin, que la possibilité offerte par Internet de mise en relation des particuliers avait permis un développement significatif du marché du livre d'occasion en ligne, notamment par le biais de sites spécialisés tels Priceminister ou Amazon. Il a estimé que cette opportunité nouvelle était appelée à se développer et que son impact sur le marché du livre neuf, principalement dans le domaine du savoir où le prix des ouvrages est relativement élevé, ne pouvait pas encore être mesuré.
Après avoir souligné l'intérêt de ces propos, M. Jean-Marie Bockel s'est interrogé sur la stratégie de la Fnac à l'égard de ces nouveaux phénomènes, compte tenu du rôle particulier exercé par les professionnels du livre sur le plan de l'attractivité des centres-villes.
Il a affirmé que la librairie devait être considérée comme un élément de stratégie concertée dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire.
Après avoir mentionné qu'à Bordeaux, la Fnac s'était implantée également dans une zone commerciale périphérique, M. Jacques Valade, président, a posé la question de l'avenir de cette enseigne.
En réponse aux intervenants, M. Bertrand Picard a apporté les indications suivantes :
- la Fnac est confrontée à une double problématique, d'une part, accompagner les tendances actuelles, et d'autre part, contribuer au maintien de l'attractivité des magasins de centre-ville. L'implantation d'un nouveau format de magasins, situés en périphérie, au rythme de quatre par an, doit permettre de répondre à cette première préoccupation, sachant que 50 % des produits vendus par la Fnac le sont dans ces zones. Parallèlement, le maintien d'une activité de vente de produits culturels en centre-ville est essentiel et doit s'appuyer sur une relation privilégiée avec la clientèle ;
- la filière du disque est en voie de disparition dans le secteur marchand traditionnel. Cette tendance affecte désormais les ventes de DVD, qui sont concernées à leur tour par les procédures de dématérialisation et les pratiques de piratage des oeuvres. Cependant, la FNAC ne souhaite pas se désengager de ces deux marchés, même si elle est contrainte de s'adapter à cette évolution ;
- le fait que le livre sur le plan de son usage n'a quasiment pas évolué depuis l'invention de l'imprimerie par Gutenberg préserve le secteur de l'édition des problématiques précédemment évoquées. La tentative de commercialisation d'un livre numérique - il y a cinq ans - s'est soldée par un échec. Une deuxième génération de livre virtuel, qui repose sur une technologie d'« encre électronique », devrait faire son apparition en France dans les prochaines années. Actuellement commercialisé au Japon et aux Etats-Unis, son prix est encore relativement élevé, autour de 300 dollars ;
- en revanche, l'accès au savoir et à la connaissance est affecté par le marché de la dématérialisation. Les rayons des dictionnaires et des encyclopédies souffrent de la concurrence des moteurs de recherche et des encyclopédies sur Internet. La non-publication en 2007 de l'édition papier du Quid est emblématique de cette évolution ;
- ces nouvelles pratiques d'accès à l'information, disponible gratuitement sur Internet, ne sont génératrices d'aucun modèle économique et privent durablement le secteur de la librairie d'une partie de son activité.
M. Daniel Renoult, doyen de l'inspection générale des bibliothèques (Mercredi 20 juin 2007)
M. Jacques Valade, président , a rappelé le contexte dans lequel la commission avait souhaité engager une réflexion sur le secteur du livre et de l'édition, qui est essentiel pour la diffusion de la pensée.
M. Daniel Renoult a rappelé que l'inspection générale des bibliothèques est une institution ancienne puisqu'elle a été créée en 1922 et qu'elle a conservé son caractère interministériel, même si elle est aujourd'hui appelée à superviser les bibliothèques universitaires ainsi que les autres bibliothèques publiques relevant de tutelles différentes : ministère chargé de l'enseignement supérieur pour les unes, ministère chargé de la culture pour la plupart des autres et, dans certains cas, autres ministères, comme celui de la défense.
Il a rappelé que son expérience personnelle l'avait conduit à exercer des responsabilités en province, puis pendant 7 années à la Bibliothèque nationale de France.
Il a distingué les deux principales catégories d'enjeux des bibliothèques : d'une part, des enjeux permanents qui tiennent à la place que les sociétés entendent donner à ces institutions de mémoire que sont les bibliothèques ; d'autre part, des enjeux d'actualité, qui tiennent aux conditions de production et de diffusion de l'information et qui sont, à ce titre, le témoin des changements d'attitude qui affectent le public dans sa relation avec la culture et qui reflètent l'influence des nouvelles pratiques sociales.
A titre liminaire, il a estimé que toute démarche prospective supposait, au préalable, de préciser l'échelle de temps qu'embrassait la réflexion et nécessitait également un regard rétrospectif permettant de mesurer le chemin parcouru. Il a insisté, à cet égard, sur les progrès très significatifs enregistrés depuis la seconde guerre mondiale. Il a rappelé qu'au lendemain de celle-ci, il n'existait pas de réseau de bibliothèques et que ces dernières n'employaient au total qu'un peu moins de 200 personnes, contre 5.000 aujourd'hui. Il a indiqué que ces progrès importants résultent de l'effort substantiel consenti tant par l'Etat que par les collectivités territoriales.
Il a précisé, en particulier, qu'entre 1949 et 1975, l'Etat était à l'origine de la construction de 500.000 mètres carrés de bibliothèques et que, depuis la publication du rapport Micquel en 1989, la durée d'ouverture hebdomadaire moyenne est passée de 40 à 57 heures. Il a souligné que ces considérations très optimistes sont fortifiées par les résultats d'une étude réalisée par le centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), qui montre qu'en 2005, au moins 30 % de la population âgée de plus de 15 ans a fréquenté ou fréquente des bibliothèques publiques et qu'il s'agit avec le cinéma, de l'une des pratiques culturelles les plus répandues en France.
Il a ajouté que d'autres enquêtes révèlent que les usagers ne perçoivent pas l'internet comme un rival des bibliothèques, mais que ces deux pratiques ont plus tendance à se cumuler qu'à se concurrencer. Il a cependant estimé que ces constats positifs ne devaient pas encourager l'autosatisfaction. Il a insisté, tout d'abord, sur le fait que ces statistiques nationales ne constituent que des indicateurs globaux et ne témoignent pas de réalités locales beaucoup plus disparates. Il a déploré que subsistent en France de fortes inégalités territoriales dans l'offre de bibliothèques et s'est inscrit en faux contre les jugements qui prétendent que l'aménagement du territoire en matière de bibliothèque est parvenu à son terme.
A titre d'illustration, il a indiqué que la moitié des universités françaises ne met à la disposition de ses étudiants qu'un peu moins de 200.000 ouvrages, alors que des historiens réputés, comme M. Emmanuel Leroy Ladurie, considèrent qu'une bibliothèque universitaire digne de ce nom ne doit pas offrir moins d'un million de références. Il en a conclu qu'il fallait analyser plus finement la répartition de l'offre culturelle sur le territoire.
Il a redouté que ces inégalités ne s'accusent dans les années à venir, provoquant une différenciation nette entre les bibliothèques qui auront su moderniser leur offre, et celles qui, faute d'avoir atteint la taille critique, seront condamnées au déclin et au dépérissement.
A cet égard, il a insisté sur deux paramètres. Il a tout d'abord relevé que, même si les collectivités territoriales avaient consenti à un effort très significatif en matière d'investissement et d'emploi en faveur des bibliothèques, cette politique avait été très largement impulsée par l'Etat, et que celui-ci s'apprêtait aujourd'hui à transmettre le relais, ouvrant ainsi une période de transition délicate, à laquelle il convenait de réfléchir.
Il a insisté, en second lieu, sur le fait que les prix des publications tendaient à croître en moyenne de 4,5 % par an et que ce phénomène, doublé par l'augmentation de la masse salariale liée à l'élévation du niveau des qualifications requises, soulevait un véritable problème économique : les bibliothèques tendent en effet à coûter de plus en plus cher.
M. Daniel Renoult a ensuite décrit les contraintes inhérentes à l'action publique. Il s'est demandé dans quelle mesure un investissement lourd, comme la construction d'une bibliothèque, pourrait, par dérogation au principe de spécialité de l'action publique, bénéficier à la fois aux étudiants et au grand public. Il a également souligné les difficultés que l'on rencontre en pratique pour coordonner les diverses actions publiques, par exemple l'action respective de l'éducation nationale et des bibliothèques municipales pour parvenir à ce que les bibliothèques prennent en compte les horaires des écoles.
Il a également pointé certains blocages réglementaires, comme ceux qui gênent le recrutement de moniteurs étudiants par les bibliothèques, du fait des contraintes réglementaires qui leur sont imposées et qui suscitent, par contrecoup, un taux de rotation très élevé de ces emplois.
Enfin, il a estimé que le problème général de la conservation n'est pas résolu, car cette mission ne peut reposer sur la seule Bibliothèque nationale, mais doit être en partie partagée avec d'autres établissements. Il a ajouté qu'au sein de ce problème global, la conservation des données numériques soulève une difficulté particulière, dans la mesure où, contrairement à l'opinion reçue, ces données sont beaucoup plus fragiles que celles qui sont stockées sur le support papier.
Evoquant pour finir l'action commune que doivent mener les bibliothèques avec les acteurs de l'édition, il a rappelé que ceux-ci ont participé à l'opération « Livre 2010 » et qu'ils ont insisté sur l'interface existant entre les bibliothèques et les éditeurs.
Il a souligné que ce problème déborde des frontières nationales, dans la mesure où, aujourd'hui, 90 % des périodiques électroniques sont produits par des éditeurs internationaux non français : l'édition universitaire française ne représente que 1.100 titres sur un total de 13.000 et ses tirages sont par nature faibles. Il a souligné également que l'édition universitaire numérique française fait preuve aujourd'hui d'un foisonnement d'initiatives peut-être excessif, et qui, en tout cas, mérite réflexion.
Un débat a suivi l'exposé de M. Daniel Renoult.
M. Ivan Renar a jugé que le livre est véritablement au centre des politiques culturelles. Il a souhaité savoir s'il existe une carte dressant le tableau des inégalités géographiques en matière de bibliothèque. Il a ensuite demandé quelle était la taille critique minimum pour une bibliothèque. Il a interrogé M. Daniel Renoult sur la problématique qui oppose, d'après certains, le livre prêté au livre vendu. Il lui a demandé si l'essaimage des universités ne risque pas de constituer un frein à la cohérence des bibliothèques universitaires. Prenant le cas de l'agglomération lilloise, qui comporte trois universités et trois bibliothèques universitaires, il a indiqué que, même si un regroupement lui parait souhaitable, celui-ci n'est cependant pas facile à réaliser. Enfin, il a évoqué le délicat problème des horaires d'ouverture, regrettant que beaucoup de bibliothèques soient précisément fermées à l'heure où les jeunes sortent de l'école et où le public en général dispose de temps libre.
M. Philippe Nachbar a rappelé qu'une mission d'information de la commission avait, en 2000, étudié le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France, qui soulevait alors de nombreux problèmes. Il a souhaité savoir quels avaient été, depuis, les progrès accomplis pour améliorer le fonctionnement de l'institution et l'accessibilité des collections. Il a demandé ensuite s'il est envisagé d'élargir les horaires d'ouverture des bibliothèques universitaires, jugeant que les horaires actuels, trop contraints, incitent les étudiants à se reporter sur les autres bibliothèques publiques, au risque de les saturer.
M. Michel Thiollière a souhaité savoir si le développement du numérique et la numérisation des oeuvres ne risquent pas de se faire au détriment de la politique d'acquisition du livre papier. Evoquant les bibliothèques françaises à l'étranger, il a estimé que celles des centres culturels et des instituts français ne sont souvent pas à la hauteur de l'appétit de lecture que l'on rencontre dans de nombreux pays, et notamment dans les pays francophones. Il a demandé à M. Daniel Renoult si celui-ci dispose de données générales sur ce sujet.
M. Jean-Léonce Dupont a déploré que le recrutement d'étudiants stagiaires dans les bibliothèques se heurte en pratique à de grosses difficultés et a souhaité connaître les solutions qui pourraient être envisagées pour y remédier.
M. Jacques Valade, président , a relevé que la tendance actuelle encourage la constitution d'ensembles multiformes alliant l'écrit traditionnel à d'autres vecteurs culturels. Il s'est demandé jusqu'à quel point il convenait d'encourager cette tendance, tout en reconnaissant que la création de médiathèques répond à de nouveaux besoins et rencontre un réel succès. Evoquant ensuite une récente visite de la commission sur le site Richelieu de la Bibliothèque nationale, il a rappelé que celle-ci lui a permis de constater les faiblesses préoccupantes de l'installation électrique au regard des exigences de sécurité. Faisant état de la diversité des collections entreposées sur le site et qui relèvent d'une approche muséologique, il s'est demandé si celles-ci n'auraient pas plutôt leur place dans un véritable musée et comment la bibliothèque arrivait à gérer ces actions transversales.
M. Daniel Renoult a apporté les précisions suivantes aux différents intervenants :
- il n'existe aucune norme internationale permettant de déterminer la taille critique que doit atteindre une bibliothèque universitaire pour être pertinente ; mais, à titre indicatif, on estime, en Allemagne, qu'une bibliothèque universitaire ne doit pas descendre au dessous de 200.000 volumes ; bien entendu, ce paramètre varie en fonction du nombre de disciplines enseignées et de la documentation numérique qui est, par ailleurs, disponible en ligne ; il est toutefois préoccupant qu'une vingtaine d'universités françaises disposent de fonds inférieurs à 100.000 titres ;
- la géographie de l'inégalité d'accès aux bibliothèques recoupe généralement celle de l'inégalité d'accès à l'enseignement supérieur et, d'une façon générale, de l'inégalité économique ; c'est généralement dans les zones périurbaines et dans les zones rurales que l'offre culturelle est la plus insuffisante ; toutefois, dans les zones rurales, les bibliothèques départementales de prêt jouent un rôle essentiel et certaines d'entre elles, notamment dans le Cantal et en Dordogne, commencent à utiliser efficacement l'internet ; dans le Nord, l'université du littoral a permis de remédier en partie au sous-équipement chronique dont souffrait la région en matière universitaire ;
- la problématique « livre prêté ou livre vendu » a alimenté, ces dernières années, une polémique entre les bibliothèques et les éditeurs qui est largement infondée, comme le montrent des études sociologiques qui soulignent que les forts emprunteurs sont également d'importants acheteurs ; cette problématique a été utilisée, en pratique, pour justifier la création d'un droit de prêt en bibliothèque ; il ne faut pas oublier, en outre, un troisième terme, que ne prennent pas en compte les éditeurs et qui est celui de l'existence d'un marché significatif du livre d'occasion particulièrement utilisé par les jeunes lecteurs ;
- plusieurs projets de fusion, comme par exemple à Strasbourg, ont permis de remédier à la dispersion des universités, mais il faut souligner que celle-ci ne se traduit pas nécessairement par une perte de cohérence si l'on s'attache à la compenser par une mise en commun des ressources ; cet essaimage présente également des avantages en matière d'aménagement du territoire et il faut souligner que ce sont souvent les formations professionnalisantes qui se développent en dehors des métropoles régionales ;
- le problème des horaires d'ouverture des bibliothèques ne doit pas être abordé uniquement au travers d'un prisme quantitatif : il convient également de prendre en compte la dimension qualitative des horaires d'ouverture, autrement dit l'aptitude d'un établissement à être accessible aux moments où le public a envie de s'y rendre : heures extrêmes de la journée ainsi que le samedi et le dimanche ;
- le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France s'est fortement amélioré depuis la période critique évoquée par M. Philippe Nachbar ; l'établissement accueille aujourd'hui un public nombreux et ses collections sont accessibles, même si leur caractère de collections patrimoniales impose d'en restreindre l'accès pour des raisons évidentes de conservation ; en revanche, une partie des collections est accessible au grand public ;
- il existe un véritable problème de capacité d'accueil pour les bibliothèques universitaires d'Ile-de-France, qui se traduit par des délais d'attente excessifs pour les étudiants ;
- il n'existe pas d'opposition pour les bibliothèques entre l'ouverture aux documents numériques et l'acquisition de livres papier, même si en matière de périodiques scientifiques, les supports numériques tendent à se développer ; dans le modèle économique actuel, les éditeurs internationaux ont tendance de plus en plus à proposer un bouquet constitué à la fois de l'édition papier et de la banque de données électronique ; certaines universités sont cependant tentées de s'orienter vers le tout-électronique pour réduire le volume des stockages physiques ; à noter une disparité fiscale : le support papier est assujetti au taux réduit de TVA à 5,5 %, alors que le support électronique est assujetti au taux normal ;
- le ministère des affaires étrangères vient de publier un répertoire des bibliothèques françaises à l'étranger qui reflète une diminution des moyens qui leur sont consacrés, notamment dans des pays de tradition francophone ;
- l'inspection générale des bibliothèques a récemment étudié les difficultés soulevées par le recrutement de moniteurs étudiants dans les bibliothèques ; actuellement, ce sont environ 3.500 étudiants qui travaillent dans des établissements documentaires, le coût de ces recrutements est excessivement élevé pour les universités, car ces emplois sont considérés sur le plan juridique comme des emplois permanents, avec toutes les contraintes qui y sont liées ; pour contourner cette difficulté, les universités procèdent à des licenciements avant que ces salariés très particuliers n'aient atteint le nombre d'heures qui permettrait de les considérer comme des salariés permanents ; cette solution n'est pas satisfaisante : il serait préférable, soit que les universités cotisent aux associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC), ou encore que soit élaboré un statut particulier pour les moniteurs étudiants qui permettrait de définir à l'échelle nationale un cadre unique pour leur rémunération et leurs horaires de travail compatible avec la poursuite de leurs études, tout en précisant que leur emploi n'a pas à devenir permanent ; le recrutement d'étudiants dans les bibliothèques est largement pratiqué à l'étranger et permet d'élargir de façon très positive les horaires d'ouverture des bibliothèques publiques, et pas seulement des bibliothèques universitaires ; le Gouvernement, qui envisage de défiscaliser les revenus étudiants, devrait aussi prendre en compte le point de vue de leurs employeurs et alléger les charges qui pèsent sur ce type d'emploi ;
- la pratique montre que le fait, pour une médiathèque, de proposer une offre pluriculturelle (livres, DC, DVD) a un impact positif sur sa fréquentation ; il convient cependant de ne pas pousser trop loin l'extension des missions confiées à ces établissements, car la mise en place de services à la personne, envisagée par certains établissements, semble en effet excéder leur vocation naturelle ;
- la Bibliothèque nationale de France exerce aussi, par certains côtés, le rôle d'un musée : le département des monnaies et médailles de la Bibliothèque nationale de France serait effectivement digne de figurer dans un grand musée, mais il faut rappeler que cette collection appartient depuis toujours à la Bibliothèque nationale de France et qu'elle n'occupe pas, au demeurant, une superficie très importante ; quant au département des estampes japonaises, il constitue, lui aussi, une des grandes références mondiales et ce type d'oeuvres est également souvent conservé à l'étranger, et notamment au Japon, au sein des bibliothèques nationales.
M. Pierre Assouline, écrivain, journaliste, blogueur (Mercredi 18 juillet 2007)
M. Jacques Valade, président , a rappelé que la commission des affaires culturelles avait souhaité profiter de la suspension des travaux législatifs en séance publique pour approfondir un certain nombre de thèmes auxquels elle réfléchit depuis plusieurs années : c'est dans le cadre de la réflexion qu'elle a ainsi engagée sur l'avenir du livre et de l'édition qu'elle a souhaité l'auditionner en ses qualités d'écrivain, de journaliste chroniqueur au journal « Le Monde », d'enseignant maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris et dans une école de journalisme et enfin, d'auteur d'un blog particulièrement reconnu.
M. Pierre Assouline a constaté que la crise de l'édition était un problème récurrent, qui avait toujours été considéré comme actuel depuis près d'un siècle. Il a observé, toutefois, que le débat actuel se nourrissait d'une forte dose d'incertitude, les éditeurs étant aujourd'hui confrontés à des interrogations auxquelles on ne peut apporter de réponse. Evoquant les changements radicaux que commençait d'entraîner l'internet, il a estimé qu'ils affectaient dans des proportions différentes le monde de la presse et celui de l'édition : la presse évolue déjà vers un nouveau modèle dans lequel les supports papier sont condamnés à ne plus exister que comme des produits de luxe, les journaux en ligne tendant à devenir le mode de diffusion ordinaire ; il convient d'en prendre acte et d'orienter dès maintenant les jeunes vers ces nouvelles formes de diffusion numérique ; le monde du livre reste, en revanche, davantage préservé, du fait à la fois, de l'attachement du lecteur français à l'objet-livre, et de l'attitude assez conservatrice d'un milieu français de l'édition, géographiquement concentré et fidèle à ses habitudes, pour ne pas dire à ses rituels.
Il a noté, cependant, que le segment des dictionnaires et des encyclopédies était en passe d'être absorbé par internet, du fait des avantages inhérents à ce nouveau support qui permet de remédier à la fois à l'encombrement, au coût, et à l'obsolescence qui pénalisaient inévitablement les supports papier. Il a jugé significatif que le « Quid », qui s'était vendu à près de 500.000 exemplaires par an pendant un bon quart de siècle, soit brutalement tombé à 200.000 exemplaires, il y a deux ans, annonçant un déclin inéluctable. Il a estimé que dans ce segment, les éditeurs devraient en outre trouver les réponses au défi de la gratuité, et, par exemple, proposer gratuitement des références en ligne tout en préservant un accès payant à des archives et des services supplémentaires, au prix d'un changement radical de leurs habitudes. Il a observé, en effet, qu'une encyclopédie en ligne comme « Wikipédia » avait radicalement modifié le contexte concurrentiel où s'inscrivent les encyclopédies, tout en soulignant les lacunes et les erreurs qui affectent ce type de base de données. Illustrant son propos par des exemples concrets, il a déploré que la notice consacrée à Philippe Pétain se limite à une succession de dates et de faits qui ne permettent pas de comprendre les controverses auxquelles a donné lieu ce personnage historique ; il a relevé également que la notice consacrée à Albert Londres le présente, à tort, comme un « journaliste juif » se faisant, en quelque sorte, l'écho de ses détracteurs antisémites des années 20 ; enfin, il a constaté que des erreurs pouvaient rester en ligne pendant plus de deux mois avant d'être corrigées.
Il a jugé, en revanche, qu'en littérature - qu'il s'agisse des romans ou des essais - le livre avait encore un bel avenir devant lui, tout en considérant que l'internet pourrait apporter une réponse au marasme où s'enfoncent, aujourd'hui, les sciences humaines : en effet, la publication de thèses savantes, commercialement invendables et condamnées au pilon, devant davantage relever d'une mise en ligne permettant au public restreint des chercheurs et étudiants de ne consulter que les parties susceptibles de les intéresser.
Abordant ensuite les conséquences de l'internet sur le secteur de la librairie, M. Pierre Assouline a constaté que les quatre grands sites de vente de livres en ligne avaient déjà obligé les libraires traditionnels à se mettre à la vente par internet pour toucher des clients au-delà de leurs zones de chalandise habituelle. Il a estimé que cette évolution devait également obliger les éditeurs à repenser leur politique éditoriale pour remédier à l'engorgement que provoque la publication régulière d'un trop grand nombre de titres, dont beaucoup ne méritent pas d'être publiés. Il a reconnu, cependant, que le métier d'éditeur reposait sur des paris et que les plus grands succès, même quand ils paraissent évidents après coup, sont en réalité imprévisibles, à l'image des « Bienveillantes », qui sont passées inaperçues pendant les deux premiers mois de leur publication, avant de se vendre à 700.000 exemplaires.
Il a estimé que, dans ce nouveau contexte, les « blogs », comme celui qu'il a lancé et qui ne traite que de littérature, avaient vocation à prendre le relais d'une émission télévisée comme « Apostrophe » qui est restée sans descendance, et à jouer un rôle de prescripteur, conférant une ampleur nouvelle à un phénomène vieux comme le monde : le bouche à oreilles. Il a estimé, qu'au contraire des critiques littéraires publiées dans un journal et qui s'adressent de ce fait à un public bien déterminé, les essais publiés sur un « blog » avaient vocation à toucher le monde entier et à susciter des réactions dans les villes d'Amérique latine ou du Canada et à intéresser des gens qui lisent, mais ne parlent pas le français, comme tel est le cas en Corée du Sud. Il a estimé que ces outils apportaient une contribution très précieuse à un combat dans lequel notre engagement n'est malheureusement pas à la hauteur de celui de nos partenaires francophones : le combat pour la langue française.
Un débat a suivi l'exposé de M. Pierre Assouline.
M. Louis de Broissia a demandé si le fait que les jeunes générations perdent le contact avec le journal papier ne constituait pas malgré tout une menace pour l'avenir de la presse. Il s'est demandé si le phénomène des « marques » ne pourrait pas constituer pour les éditeurs et pour certains auteurs un levier pour surnager dans le monde du numérique.
M. Louis Duvernois , citant un article publié dans un grand quotidien du soir, et intitulé « Commerce de la culture et commerce culturel », s'est demandé si les ventes de livres en ligne ne risquaient pas de favoriser trop exclusivement les livres à succès. Relevant que tous les pays ne disposaient pas actuellement d'un accès facile à internet, il a estimé qu'on ne pouvait, en conséquence, compter sur ce seul média pour assurer la vente de livres français à l'étranger face à la concurrence redoutable que constitue le livre anglo-saxon à bon marché.
Tout en jugeant vivifiantes les perspectives présentées par M. Pierre Assouline, M. Ivan Renar a jugé préoccupant le déclin de la presse papier, estimant que l'effort que fait chacun pour acheter un journal était en quelque sorte le prix à payer pour la liberté et la démocratie, et s'est alarmé des risques qu'entraîne la fracture numérique en termes d'égalité d'accès à l'information. Il a souhaité également connaître la voie qui pourrait être explorée pour encourager la création littéraire.
M. Jacques Valade, président , s'est demandé dans quelle mesure le passage du support papier à l'écran numérique ne modifiait pas la perception qu'un lecteur a d'un texte et, par voie de conséquence, l'accès à la culture.
M. Yves Dauge a regretté que, de tous les francophones, les Français soient les moins convaincus du bien-fondé de la bataille pour la langue française. Il a déploré que les réseaux culturels français à l'étranger ne s'attachent pas suffisamment à faire connaître les publications françaises les plus récentes, faute d'être convenablement informés. Il a déploré également qu'ils ne reçoivent qu'un appui très insuffisant des administrations concernées, qu'il s'agisse de celles de la culture, des affaires étrangères ou de l'éducation nationale, et que ce réseau unique au monde soit ainsi trop souvent abandonné à lui-même. Enfin, il a déploré que la France, qui a joué un rôle-pilote dans l'adoption de la convention de l'Unesco sur la diversité culturelle, semble se désintéresser de sa mise en oeuvre, alors que l'Inde et la Chine ont perçu tout l'intérêt qu'elles pouvaient en tirer.
M. Jacques Valade, président , a relevé que les centres culturels et les alliances françaises tentaient souvent de s'adapter au mieux aux réalités locales, citant le cas des alliances françaises en Chine qui, s'adressant à une clientèle fournie et solvable, n'ont pas hésité à adopter un mode de fonctionnement proche de celui des entreprises en faisant payer les cours de français qu'elles dispensent.
M. Ivan Renar a déploré que la commission des finances ait réduit de 800.000 euros la subvention destinée à « Cultures-France » à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2007.
M. Louis de Broissia a regretté que le public français ne soit pas mieux informé des publications nouvelles en matière de littérature étrangère.
En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Assouline a apporté les précisions suivantes :
- les livres jouent actuellement un rôle irremplaçable dans la naissance du goût de la lecture chez les enfants ; mais c'est ce goût qui est important, et peu importe, dans la pratique, si de nouveaux supports se substituent par la suite aux anciens ;
- les nouvelles générations se tournent spontanément vers la lecture sur internet et vers les journaux gratuits ; même s'il convient de leur expliquer que cette gratuité est apparente ou illusoire, c'est un élément qu'il convient désormais de prendre en compte dans l'économie du livre ;
- l'absence d'émissions littéraires à la télévision n'est pas si regrettable que cela, dans la mesure où ce média n'est sans doute pas le mieux adapté à la présentation d'un livre ; une émission comme « Apostrophes » a été en quelque sorte un « accident génétique » sans lendemain ;
- un phénomène de marque se reconnaît à ce qu'un produit principal peut se décliner en de nombreux produits dérivés ; une maison d'édition ou un grand journal peuvent à la rigueur en bénéficier, mais un auteur ne se « décline » pas, même s'il est vrai qu'aujourd'hui, 50 % du produit d'un livre est issu de ce qu'on appelle les droits annexes : l'édition en poche ou les droits d'adaptation télévisée ou cinématographique ;
- les achats de livre en ligne sont essentiels pour les Français qui vivent à l'étranger et les « blogs » sur internet leur permettent de rester au contact de la vie littéraire immédiate ; pour autant, il est indispensable de multiplier les points de vente des livres français à l'étranger ; les autorités françaises, si elles souhaitent effectivement encourager la diffusion du livre français à l'étranger, doivent réduire ou supprimer les taxes à l'exportation qui en grèvent le prix ; il est également indispensable d'encourager davantage les librairies françaises à l'étranger ;
- un label de qualité « librairie indépendante de référence » (LIR) sera prochainement attribué en France à un certain nombre de librairies qui tirent de la vente des livres l'essentiel de leur chiffre d'affaires et leur permettra de bénéficier d'exemptions fiscales significatives ;
- les grands sites de vente en ligne, même s'ils font des opérations de promotion sur les meilleures ventes, proposent aussi un choix de livres extrêmement vaste, incluant d'ailleurs des livres qui ne sont plus réédités ;
- la généralisation de l'ADSL et la diminution du prix des ordinateurs a commencé de réduire la fracture numérique ; les ordinateurs seront bientôt à la disposition de tous les élèves dans les écoles et la mairie de Paris a récemment ouvert plusieurs sites proposant un accès Wifi gratuit ;
- la création est un acte solitaire qui, particulièrement en littérature, ne demande pas d'investissement financier particulier, mais du talent et de l'inspiration ; il n'est pas souhaitable que l'Etat l'assiste davantage ;
- le livre papier restera apparemment longtemps sans concurrent pour la lecture de romans ;
- un pays comme les Etats-Unis est très fermé aux fictions étrangères estimant que la production nationale suffit à ses besoins ;
- l'Etat français n'attache pas à la diffusion à l'étranger de la culture des moyens suffisants, ni au titre du ministère de la culture, ni au titre de celui des affaires étrangères ; les crédits consacrés aux manifestations culturelles itinérantes sont insuffisants et celles-ci dépendent de plus en plus du mécénat privé ; cette indifférence est d'autant plus regrettable que la présence culturelle et linguistique s'accompagne toujours de retombées économiques positives ;
- le public français est privilégié en matière d'accès aux littératures étrangères, car la plupart des titres intéressants sont rapidement disponibles en français, et en format de poche ; si leur écho dans l'opinion est encore trop réduit il faut en imputer la responsabilité à la critique qui ne les fait pas assez connaître.
M. Jacques Valade, président , a remercié M. Pierre Assouline pour ses analyses stimulantes.
Il a enfin rendu hommage à Mme Sophie Barluet, auditionnée par la commission dans le cadre de sa mission « Livre 2010 » et décédée récemment des suites d'une longue maladie.