D. DES PROCÉDURES CLASSIQUES ENTRE LES MAINS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS POUR CONTRÔLER L'ACTION DU GOUVERNEMENT
Le gouvernement n'est responsable que devant la Chambre des députés. Un groupe de cinquante députés (soit un quart des membres) peut prendre l'initiative de proposer un vote sur une motion de censure. Pour être adoptée, la motion doit rassembler la majorité absolue de l'ensemble des députés.
Pour cette raison, la Chambre des députés a le quasi-monopole des moyens de contrôle spécifiques de l'action du gouvernement. Ainsi, le Sénat ne peut ni constituer de commission d'enquête, ni organiser de séance de questions orales au Gouvernement .
1. Un droit d'information général
L'article 38 de la Constitution de la République tchèque du 16 décembre 1992 dispose qu'un membre du Gouvernement est tenu de se présenter personnellement à une séance de la Chambre des députés si celle-ci le demande aux fins d'obtenir des informations ou des explications. Il en va de même devant les commissions, les comités et les commissions d'enquête. Les autorités administratives sont soumises à la même obligation.
De manière plus générale, les commissions et chaque député individuellement peuvent exiger du Gouvernement et des autorités administratives les informations et les explications qu'ils jugent nécessaires. L'article 46 du règlement du Sénat reconnaît également cette faculté aux commissions et comités du Sénat. Cet article précise par ailleurs que le Gouvernement et les autorités administratives compétentes, y compris des autorités administratives locales, ont l'obligation de répondre dans un délai de trente jours , sauf si les demandes d'information sont couvertes par la confidentialité ou des règles de secret.
Bien que le Sénat ne puisse contraindre des responsables gouvernementaux et administratifs à être entendus, l'article 144 de son règlement prévoit que le Sénat peut décider d'organiser des auditions publiques sur un thème à la demande d'un comité ou d'au moins cinq sénateurs. En pratique, les membres du Gouvernement participent à ces cycles d'audition.
2. Une institution originale : les comités
Mis à part leur droit à être informées (voir ci-dessus), les commissions permanentes thématiques se consacrent essentiellement au travail législatif. Elles n'ont pas de pouvoirs particuliers de contrôle pour vérifier l'action du Gouvernement. Ce travail de contrôle ou de suivi de l'action du gouvernement est en partie confié aux comités .
L'article 31 de la Constitution tchèque dispose en effet que les chambres créent des commissions et des comités et renvoie à la loi la définition de leurs missions respectives.
En réalité, les règlements de chaque chambre ménagent aux comités une place assez marginale, les commissions exerçant un rôle prééminent.
Ces textes prévoient que peuvent être établis de manière permanente ou provisoire des comités chargés d'une mission précise, qui doit rester dans les limites des compétences de chaque chambre et ne pas entrer en concurrence avec celle d'une commission.
Une comparaison avec le droit parlementaire français pourrait assimiler les comités à nos délégations et offices parlementaires, voire par certains aspects à nos missions d'information.
Exclus de la procédure législative, les comités ont-ils pour autant un rôle de contrôle important ?
Il faut tout d'abord relever qu'ils n'ont pas de pouvoirs particuliers de contrôle qui les distingueraient des commissions. En revanche, ils sont relativement spécialisés et peuvent ainsi développer une expertise et un suivi sur un domaine précis.
Ainsi, il existe au sein de la Chambre des députés douze comités parmi lesquels un comité permanent en charge du contrôle des services de renseignement et un comité permanent sur les médias publics.
Au Sénat, neuf comités ont été créés dont un en charge des Tchèques vivant à l'étranger. Il faut noter également la création de deux comités provisoires : un comité chargé d'étudier la légalité du parti communiste de Bohême-Moravie et un autre chargé de l'identification des personnes détenues, arrêtées ou persécutées par le régime biélorusse.
Mme Jiøina Rippelová, présidente du comité permanent du Sénat sur la Constitution tchèque et les procédures parlementaires, a expliqué que les comités n'intervenaient pas dans le déroulement de la séance publique mais émettaient simplement des avis et des recommandations sur les sujets de leur compétence. De manière générale, elle a indiqué que, par rapport aux commissions, les comités avaient pour fonction de développer une réflexion plus approfondie et prospective.
Cette fonction de réflexion et de suivi se traduit dans la composition et le fonctionnement des comités. En effet, en théorie, les comités sont composés de parlementaires et de personnalités extérieures. Toutefois, il semble que seuls certains comités du Sénat comportent des personnalités extérieures . Le comité permanent du Sénat sur la Constitution tchèque et les procédures parlementaires que la délégation a rencontré compte notamment parmi ses membres d'anciens sénateurs.
Les parlementaires membres des comités sont désignés à la représentation proportionnelle des groupes. Le président d'un comité est désigné à la majorité absolue par la chambre concernée. En pratique, bien que les textes ne prévoient rien, certaines présidences de comité sont accordées à un membre de l'opposition.
3. Des commissions d'enquête aux pouvoirs importants
En définitive, le véritable instrument pour vérifier et contrôler en profondeur l'action du gouvernement est la commission d'enquête, dont la création n'est possible qu'à la Chambre des députés.
En effet, sur l'initiative d'au moins un cinquième de ses membres, la Chambre peut décider la création d'une commission d'enquête pour examiner un sujet d'intérêt public. Le président et les membres de la commission d'enquête sont élus par la Chambre des Députés. Le député qui exerce en qualité de membre du Gouvernement ne peut être nommé membre d'une commission d'enquête.
La résolution de la Chambre des Députés ordonnant la création d'une commission d'enquête doit préciser son champ d'investigation, ainsi que le délai à l'issue duquel elle doit présenter les résultats de ses travaux et soumettre à la Chambre des Députés l'adoption d'une résolution (voir ci-dessous).
Les commissions d'enquête sont dotées de compétences particulières. Elles ont la possibilité d'interroger des témoins et de coopérer avec des experts et des enquêteurs de la police nationale . Dans certaines conditions, le secret de la défense nationale ne leur est pas opposable.
Il ne semble pas que des limites soient posées pour éviter qu'une commission d'enquête interfère avec une procédure judiciaire en cours. Toutefois, si la commission a connaissance de crimes ou délits, elle doit transmettre ces informations à l'autorité judiciaire. Les commissions d'enquête créées au cours des dernières années ont le plus souvent porté sur des scandales financiers ou politiques 108 ( * ) .
4. L'adoption de résolutions pour interpeller le gouvernement
Les deux chambres du Parlement tchèque peuvent adopter des résolutions sur tous les sujets. Le Sénat a pu ainsi adopter des résolutions sur le respect des droits de l'homme au Tibet ou sur la reconnaissance de la Shoah.
A la Chambre des députés, chaque commission permanente peut recommander, sous forme de résolution, au Gouvernement ou à l'un de ses membres d'adopter une position ou des mesures dans n'importe quelle affaire.
La commission peut alors demander à ce que la résolution soit examinée en séance plénière. Si la Chambre des députés l'adopte, le Gouvernement n'est pas tenu d'y donner suite, même si en pratique il lui est difficile de l'ignorer.
Les commissions d'enquête peuvent également conclure à l'adoption d'une résolution demandant au Gouvernement d'adopter certaines mesures ou exigeant la démission d'un de ses membres ou d'un haut fonctionnaire. Dans tous les cas cette proposition de résolution est examinée en séance plénière, puisque les conclusions des commissions d'enquête y sont systématiquement discutées.
5. Une procédure dynamique de questions orales et écrites
La Chambre des députés a le monopole des questions orales et écrites au Gouvernement.
La séance plénière est consacrée le jeudi après-midi aux questions orales au Premier ministre et aux membres du Gouvernement. Chaque député transmet sa question par écrit au président de la Chambre le jeudi matin. Le Premier ministre est obligé de répondre personnellement à un certain nombre de ces questions.
Le député dispose de deux minutes pour poser sa question et d'une minute pour poser éventuellement une question complémentaire . Le Gouvernement répond par écrit aux questions qui n'ont pu être posées en séance publique faute de temps. Le délai de réponse est de trente jours.
Si le député n'est pas satisfait de la réponse écrite, il peut demander son examen en séance plénière lors de la séance de réponse aux questions écrites. Si la Chambre des députés estime que la réponse est toujours insuffisante, elle peut exiger du Gouvernement qu'il fournisse une nouvelle réponse écrite.
Compte tenu de la succession de gouvernements s'appuyant sur une majorité fragile, la pratique semble vouloir que la plus grande partie des questions soit posée par les membres de l'opposition.
* 108 Le recours à la commission d'enquête est toutefois modéré. Au cours d'une législature, trois commissions d'enquête sont créées en moyenne.