IV. COMMENT RÉUSSIR LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2008-2012 ?

Comme votre rapporteur général l'a indiqué auparavant, les précédents programmes de stabilité n'ont pas été respectés.

Les programmes de stabilité : prévision et exécution

(solde public en points de PIB)

Cette absence de respect des engagements politiques et juridiques pris par la France tient au fait que les dépenses publiques ont presque toujours augmenté nettement plus vite que prévu.

Croissance des dépenses des administrations publiques en volume : prévision et exécution

(croissance déflatée de l'augmentation
des prix hors tabac, en %)

Sources : programmes de stabilité, Insee

Il est donc nécessaire de se doter des instruments pour que la norme de croissance des dépenses soit, chaque année, conforme aux prévisions. En effet, il ne suffit pas de faire de simples prévisions à moyen terme indiquant comment, moyennant certaines hypothèses, la cible de solde public pourrait être atteinte. Comme on l'a déjà indiqué ci-avant, les prévisions de solde public à moyen terme sont très sensibles aux hypothèses retenues, de sorte qu'aucune programmation ne peut être fiable en l'absence de « pilotage » effectif.

Les trois pays européens (Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni) qui ont fait le choix de la pluriannualité respectent la programmation qu'ils se donnent, exprimée par un plafond annuel de dépense sur la durée de la législature comme aux Pays-Bas. A l'inverse, la France n'a jamais respecté la programmation pluriannuelle des finances publiques adressée chaque année à Bruxelles car celle-ci est par trop déséquilibrée : l'effort a toujours été reporté en raison du caractère glissant des programmations .

Quelques scénarios d'évolution du solde public, sans mesures de maîtrise de la dépense

(en points de PIB)

On estime ici la croissance « spontanée » des dépenses publiques à 2,5 % par an en volume. Les scénarios prennent en compte la mise en oeuvre du « programme présidentiel » , tel que défini ci-avant, tant pour les mesures « coûteuses » que pour les économies.

Sources : Insee, commission des finances du Sénat

A. COMMENT RENDRE CREDIBLE UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES ?

Il s'agit d'abord de définir une cible raisonnable à l'horizon de la fin de la législature, exprimée par un niveau d'endettement et de solde structurel pour l'ensemble des administrations publiques, avec un effort réparti de façon homogène sur la période. La cible indiquée doit s'appuyer sur des hypothèses prudentes (croissance potentielle, inflation inférieure à 1,8 %) et inciter à préparer la venue de bonnes et mauvaises surprises : mise en oeuvre de la « règle d'or » - c'est-à-dire obligation d'équilibre courant du budget de l'Etat -, conditions d'affectation des plus-values de recettes et réserve de programmation. Elle doit se décliner pour chaque administration publique. La conférence annuelle des finances publiques devient déterminante, mais devrait être décalée au printemps, avant le débat d'orientation budgétaire.

La création du portefeuille de ministre des comptes publics permet par ailleurs une communication plus homogène sur les dépenses et le solde de l'Etat et la sécurité sociale. Sous la précédente législature, le gouvernement communiquait à des moments différents sur l'exécution passée pour les administrations sociales et pour l'Etat, ce qui empêchait toute vision d'ensemble des finances publiques.

1. Une programmation non glissante, fondée sur une norme de dépense pour l'ensemble formé par l'Etat et la sécurité sociale

Les engagements politiques pris par le gouvernement permettent de croire que la période, durant laquelle les objectifs des programmations pluriannuelles étaient continuellement reportés à plus tard, est désormais révolue . Le débat d'orientation budgétaire pour 2008 constitue un moyen d'acter de manière solennelle la programmation pluriannuelle sur l'ensemble de la législature.

Cette programmation budgétaire doit se fonder sur une norme de dépense s'appliquant à l'ensemble des dépenses de l'Etat et de la sécurité sociale, en y intégrant bien évidemment les opérateurs. Or un récent rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales et des finances souligne que les règles de gouvernance budgétaire retenues à ce jour diffèrent dans ces deux sous-ensembles :

« - pour l'Etat, le principe de l'élaboration du projet de loi de finances est celui d'une norme a priori d'évolution des dépenses en volume, indépendante de la prévision de recettes fiscales . L'évolution spontanée des recettes influe, le cas échéant, sur les décisions prises en matière d'allégements fiscaux mais n'a pas d'impact sur les arbitrages en dépenses ;

« - pour les différentes branches de la sécurité sociale, les cibles définies à moyen terme portent sur le solde (objectif de retour progressif à l'équilibre). Les objectifs de dépenses figurant en projet de loi de financement de la sécurité sociale sont en partie déterminés en fonction des recettes prévisibles et d'un rythme de redressement du solde. Dès lors, les prévisions retenues en matière de recettes dans le PLFSS ont un impact déterminant sur le choix des mesures d'économies en dépense ou de hausse des prélèvements » .

L'application de deux logiques distinctes, l'une en dépense et l'autre en solde, présente plusieurs effets pervers :

- elle conduit à des « effets de fuite » en ce qui concerne la norme d'évolution des dépenses de l'Etat, un gouvernement pouvant être tenté de transférer des charges aux administrations publiques non dotées d'une règle en matière de progression des dépenses ;

- dans le cas de la sécurité sociale, elle conduit à se concentrer sur un pilotage du solde qui peut être défavorable en termes d'évolution des dépenses . S'agissant de la branche famille, le raisonnement en termes de solde, plutôt favorable jusqu'à une période récente, a conduit à la création de nouvelles dépenses. De même, les mesures d'urgence de redressement du solde ont pu souvent, plus commodément, se tourner vers une augmentation de la recette que vers un effort plus soutenu encore de maîtrise de la dépense ou de redéfinition du partage entre assurance et solidarité.

En conséquence, on est fondé à penser que la réussite de la programmation pluriannuelle passe par un élargissement de la norme de dépense telle qu'elle est portée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il n'y a qu'un seul contribuable et celui-ci doit pouvoir bénéficier, à intervalle régulier, d'une communication du gouvernement sur le respect d'une norme de dépense composée de la dépense de l'Etat, de celle de ses opérateurs, et de celle de la sécurité sociale. Pour l'Etat, la prise en compte dans sa norme de dépense des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne peut constituer une manière nouvelle d'amorcer un dialogue de gestion sur la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, et des prélèvements obligatoires.

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