b) Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux

Dès l'examen de la loi de finances rectificative n° 2002-1050 du 6 août 2002, votre rapporteur général soulignait l'absolue nécessité de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux. Il s'agit désormais de la feuille de route du gouvernement, fixée par le Président de la République. En matière de maîtrise des effectifs, un retard significatif a été pris, alors que le rythme de départ à la retraite des agents publics s'est accéléré au cours des dernières années. L'exercice 2008 devrait constituer un pic en ce qui concerne le nombre de départs.

Départs des personnels civils et militaires d'ici 2011

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux conduit à une diminution des effectifs de l'Etat de l'ordre de 190.000 fonctionnaires d'ici 2012, soit environ 8 % des équivalents temps plein actuels : il conduit à des marges de manoeuvre budgétaires de 5,3 milliards d'euros en 2012.

192.633 départs non remplacés : 5,3 milliards d'euros de marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires

50 % des départs non remplacés

2007

2008

2009

2010

2011

Nombre de départs non remplacés

40.725

41.058

38.694

37.154

35.004

Impact sur l'année

1.083

1.092

1.029

988

931

Economies brutes cumulées

1.083

2.197

3.270

4.324

5.341

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Outre les économies budgétaires de court terme, le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux permet de réduire très significativement les engagements de long terme de l'Etat, en créant une économie de masse salariale sur quarante années d'activité ainsi qu'une économie sur le versement de la pension. La réduction des engagements de long terme de l'Etat, exprimée en valeur actuelle, serait de l'ordre de 1 million d'euros par emploi supprimé. Renoncer ainsi à 190.000 recrutements permettra de réduire de 190 milliards d'euros les engagements implicites de l'Etat 52 ( * ) .

Où porter l'effort ? Les départs à la retraite sont concentrés sur un petit nombre de ministères. Quatre ministères concentrent en 2008 89 % des départs.

Les quatre ministères représentant la part la plus importante
des départs à la retraite en 2008

(en %)

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'effort sera supporté, par définition, à 50 % par le ministère de l'éducation nationale. Or celui-ci est aussi celui dont les effectifs ont le plus progressé au cours des années passées. La croissance des effectifs, alors que le nombre d'élèves était en baisse (- 500.000), s'explique principalement par la difficulté d'opérer des redéploiements entre les zones en baisse démographique et les régions en expansion. Elle résulte aussi de la politique des zones d'éducation prioritaire comme de l'augmentation de l'offre d'options à petits effectifs et de l'accroissement du travail à temps partiel.

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Aujourd'hui, l'enjeu central de la réforme du ministère de l'éducation nationale est clairement posé . Il faudra des réformes ambitieuses : enseignement de deux matières par les professeurs des collèges et lycées comme en Allemagne, affectation sur une zone géographique et pas sur un seul collège ou lycée, résorption des effectifs non directement consacrés à l'enseignement...

Le ministère de la défense, avec la question du format des armées, ne peut lui aussi que contribuer activement à la politique de remplacement d'un départ à la retraite sur deux.

Ce scénario de réduction des effectifs est au coeur de la « revue générale des politiques publiques », en lien avec les gains de productivité dus aux nouvelles technologies, avec une réflexion sur les implantations territoriales de l'administration, et avec la recherche de l'externalisation de certains services. Il est possible de prévoir un scénario associant des départs volontaires avec des non-remplacements des départs à la retraite.

Des primes d'incitation au départ se justifient pleinement , lorsqu'une compétence est complètement externalisée à la sphère privée ou lorsque l'informatisation d'un processus administratif peut conduire de manière rapide à une réduction de la dimension d'un service. On peut alors avoir intérêt à accélérer le rythme des départs des agents, par rapport à un rythme de départs à la retraite « au fil de l'eau ».

En outre, compte tenu de la pyramide démographique, de manière très spécifique à la haute fonction publique, un certain nombre de carrières se trouvent aujourd'hui fortement « embouteillées » . On compte ainsi de nombreux hauts fonctionnaires dont les perspectives de carrière sont limitées, mais qui pourraient faire valoir leurs compétences dans le secteur privé s'ils y étaient raisonnablement incités.

L'enjeu d'une meilleure gestion des ressources humaines au sein de l'Etat consiste à produire de nouveaux arbitrages entre recrutement et temps de travail supplémentaire, évidemment rémunéré . Le second terme de l'équation, permettant de faire face à des besoins de service ponctuels ou permanents, reste insuffisamment exploré. Depuis le 1 er janvier 2005, la durée légale du travail est fixée à 1.607 heures annuelles dans la fonction publique de l'Etat. La nouvelle législature doit être consacrée à une discussion sereine sur le temps de travail des agents, afin de lier une augmentation des rémunérations à la réalisation d'un certain nombre d'heures supplémentaires, sur la base du volontariat. Cette recommandation de votre rapporteur général figure d'ailleurs dans la lettre de mission que vient de recevoir Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. De la même manière, la conflictualité et l'absentéisme conduisent à une perte d'heures travaillées préoccupante.

Autre composante essentielle de la masse salariale, les rémunérations devront évoluer de manière maîtrisée, correspondant à une augmentation annuelle moyenne d'un demi point fonction publique 53 ( * ) . La politique du point fonction publique mérite d'être réinterrogée . En premier lieu, c'est le caractère inadapté de l'application uniforme du point « fonction publique » à l'ensemble des agents des trois fonctions publiques Etat - collectivités territoriales - hôpitaux, qui doit être soulignée.

La législature doit être l'occasion, sinon d'une disparition du « point fonction publique », du moins de sa modulation selon les administrations concernées, et selon la performance des services et des agents.

Depuis 1999, la part des primes et indemnités dans les rémunérations principales, passait de 13,6 % en 1999 à 16,3 % en 2005. La part des primes modulables 54 ( * ) « selon la façon de servir de l'agent » reste limitée : 2,4 milliards d'euros en 2005 contre 2 milliards d'euros, soit 4 % aujourd'hui des rémunérations d'activité .

Il paraît nécessaire, pour réussir la réforme de l'Etat, d'aller au-delà de la pratique actuelle, en mettant en place de réelles rémunérations à la performance. Il s'agit de mettre fin, à une gestion égalitariste des emplois , par une progression des carrières et des rémunérations des plus méritants.

La rémunération à la performance doit permettre de décliner au sein des services, les objectifs fixés conformément à la LOLF, et de récompenser les agents qui atteignent ou dépassent les objectifs, en prévoyant une part individuelle et une part collective.

Reconnaissance du travail des agents et maîtrise budgétaire des agents peuvent ainsi se rejoindre par la mise en oeuvre d'une politique de rémunération plus individualisée, à l'opposé de la pratique obsolète, uniforme, démobilisatrice et au demeurant coûteuse induite par le point fonction publique.

* 52 On fait ici l'hypothèse que l'emploi privé se substitue à l'emploi public pour que l'effet soit neutre à l'égard de la consommation, des recettes sociales ou fiscales des administrations publiques.

* 53 Un point fonction publique représente 900 millions d'euros.

* 54 Prime de rendement, allocation complémentaire de fonction (ACF) ; allocation de résultat et de responsabilité (ARR) ; indemnité complémentaire de fonction (ICF) ; indemnité d'administration et de technicité (IAT) ; indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) ; indemnité de fonction et de résultat (IFR).

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