2. Un risque majeur : le dynamisme spontané des recettes publiques de ces dernières années pourrait s'inverser
Les recettes fiscales ont augmenté nettement plus vite que le PIB en 2004, 2005 et 2006, comme l'indique le graphique ci-après.
Croissance du PIB et élasticité des recettes fiscales au PIB
Sources : Insee, ministère des finances, Cour des comptes
La courbe inférieure représente l'élasticité, c'est-à-dire la « sensibilité » des recettes fiscales au PIB nominal. Quand cette élasticité est égale à 1, ce qui correspond à sa moyenne de longue période, les recettes fiscales tendent spontanément à augmenter au même taux que le PIB nominal. On constate que cette élasticité a été nettement supérieure à 1, et donc que les recettes fiscales ont spontanément eu tendance à augmenter nettement plus vite que le PIB, en 1987, de 1999 à 2001, et de 2004 à 2006.
On constate par ailleurs qu'en règle générale, l'élasticité des recettes fiscales est à peu près égale à la moitié de la croissance du PIB en volume. La forte élasticité constatée de 2004 à 2006 constitue donc une exception remarquable.
a) Des recettes publiques temporairement supérieures de près d'1 point de PIB à ce qu'elles devraient être ?
On pourrait bien entendu imaginer que la forte croissance des recettes publiques de 2004 à 2006 a été la manifestation d'un « rattrapage », et que le nouveau « socle » de recettes publiques serait donc solide. Malheureusement, les recettes publiques semblent actuellement nettement au-dessus de ce que serait leur niveau « normal ».
Une première approche consiste à s'interroger sur les causes concrètes du dynamisme des recettes constaté ces dernières années. Or, il semble bien que ce dynamisme des recettes fiscales résulte pour l'essentiel de phénomènes conjoncturels, qui risquent de s'inverser d'ici cinq ans.
Ainsi, le dynamisme des recettes de TVA s'explique largement par le fait que la consommation privée, de l'ordre de 57 points de PIB en moyenne depuis la fin des années 1970, est passée d'environ 56 points de PIB en 1999 à près de 58 points en 2006, renouant avec son niveau élevé des années 1980. On ne voit pas a priori pourquoi cette part de la consommation privée dans le PIB aurait structurellement augmenté.
De même, le dynamisme des impôts assis sur les revenus du capital et les plus-values (impôt sur le revenu, CSG, droits de mutation, impôt de solidarité sur la fortune) provient de la hausse cyclique des prix des actifs financiers et immobiliers, qui va bien finir par s'inverser. Une analyse analogue peut être faite au sujet de l'impôt sur les sociétés.
La Cour des comptes, dans son rapport de juin 2007 sur la situation et les perspectives des finances publiques, attribue les fortes recettes d'impôt sur les sociétés aux « résultats très élevés en 2006 des sociétés du secteur financier et de l'énergie ». Si les bons résultats du secteur de l'énergie s'expliquent par des facteurs en grande partie structurels - prix du pétrole durablement élevé, réforme du marché de l'électricité qui a, paradoxalement, suscité une hausse des prix -, ceux du secteur financier s'expliquent largement par la situation favorable des marchés boursiers, et le faible niveau des taux d'intérêt. On peut enfin estimer que la croissance des résultats des grandes entreprises mondialisées reflète une part relative en forte augmentation de leurs profits réalisés hors de France, notamment, dans les régions du monde les plus dynamiques. Cet élément favorable, pour être pérennisé, suppose une action déterminée en faveur de la localisation des centres de décision économique en France (cf. le rapport récent de la mission commune d'information du Sénat sur ce thème, dont votre rapporteur général était le président 24 ( * ) ).
Une seconde approche consiste à s'efforcer de reconstituer ce qu'aurait été la part des recettes publiques dans le PIB, si le droit applicable avait toujours été celui de 1998, et de voir dans quelle mesure on se situe au dessus du niveau « normal » des recettes.
La part des recettes publiques dans le PIB
(en points de PIB)
La part des recettes publiques dans le PIB à droit 2006 a été évaluée en corrigeant la part des recettes publiques dans le PIB constatée l'année concernée des impacts de l'ensemble des mesures mises en oeuvre de l'année considérée à 2006, tels qu'évalués dans divers rapports du gouvernement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après : Insee ; rapports économiques, sociaux et financiers du gouvernement pour les années 2005 à 2006 ; rapport du gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution pour l'année 2007
On observe que de 2000 à 2003, les recettes publiques à « droit constant 2006 25 ( * ) » ont considérablement augmenté, passant de 51 points de PIB à 53,9 points de PIB. En 2006 encore, les recettes publiques ont été de 53,4 points de PIB.
Ainsi, en 2006, les recettes publiques semblaient supérieures de 1,2 point de PIB à leur moyenne de longue période à « droit constant 2006 » (considérée, ici, comme la moyenne de 1998 à 2006, seule période pour laquelle les estimations de l'impact des mesures nouvelles sur les recettes sont disponibles).
Ces considérations suggèrent que les recettes publiques risquent donc, d'ici quelques années, de tendre spontanément à augmenter moins vite que le PIB.
* 24 Rapport d'information n° 347 (2006-2007) de M. Christian Gaudin, fait au nom de la mission commune d'information sur les centres de décision économique, déposé le 22 juin 2007.
* 25 Cette reconstitution n'est, bien entendu, qu'approximative.