IV. LES BOULEVERSEMENTS INTRODUITS PAR LE DISPOSITIF DE PAIEMENT VOLONTAIRE DES AMENDES PÉNALES ET LES BUREAUX DE L'EXECUTION IMMEDIATE DES PEINES

Le paiement volontaire des amendes pénales constitue le dispositif le plus récent destiné à améliorer l'effectivité de l'exécution des sanctions pénales. Il était recommandé dans le rapport remis par le député Warsmann au garde des Sceaux en avril 2003 et a été introduit par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 42 ( * ) . Le décret du 2 septembre 2005 43 ( * ) l'a institué. Le dispositif est entré en vigueur dès le 1 er octobre 2005.

Le législateur a retenu un dispositif dans lequel le condamné bénéficie d'une minoration s'il acquitte le montant de la condamnation pécuniaire dans un délai d'un mois.

En outre, le paiement immédiat des amendes va pouvoir être rendu possible grâce à la mise en place des bureaux de l'exécution immédiate des peines dans les tribunaux de grande instance.

A - PRÉSENTATION DU DISPOSITIF DE PAIEMENT VOLONTAIRE DES AMENDES PENALES

Trois quarts des jugements sont rendus de manière contradictoire. Or, souvent, la solennité de l'audience suscite, chez les condamnés, la volonté de « réparer » l'infraction commise en s'acquittant de la sanction le plus rapidement possible ; le « plaider  coupable » introduit en 2004 renforce également l'acceptation des sanctions.

Il convenait donc de chercher à obtenir le paiement des amendes le plus tôt possible après la sortie de l'audience.

Le dispositif 44 ( * ) de paiement volontaire des amendes pénales permet à la personne condamnée d'obtenir une diminution de 20 % du montant de l'amende lorsqu'elle effectue le paiement dans le délai de 30 jours à compter de la date à laquelle le jugement a été prononcé. La diminution ne peut pas excéder 1 500 €. Le paiement ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours.

Le décret du 2 septembre 2005 (le « décret 20% ») précise que lorsque la décision est rendue en présence du condamné, il est remis à ce dernier, à l'issue de l'audience, s'il en fait la demande, un relevé de condamnation pénale (RCP), lui permettant de s'acquitter volontairement de l'amende dans le délai d'un mois auprès du comptable du Trésor (article 5).

Ces nouvelles dispositions sont applicables en matière correctionnelle et de police, y compris pour les peines de jours-amendes (art. R. 55 à R. 55-3 du code de procédure pénale). Les amendes forfaitaires, y compris les amendes forfaitaires majorées (AFM), sont exclues du bénéfice du dispositif.

B - LES MODIFICATIONS CONSÉCUTIVES DU DÉCRET DU 22 DECEMBRE 1964

Les nouvelles dispositions bouleversent les circuits mis en place entre les greffes et les comptables du Trésor public, décrits à l'article 2 du décret du 22 décembre 1964. Cet article a été mis à jour en conséquence.

Afin de permettre aux comptables d'accepter les paiements que les condamnés pourront être amenés à effectuer spontanément le jour même du prononcé, le décret du 2 septembre 2005 prévoit un nouveau mécanisme d'information sous deux jours du Trésor public fondé sur l'utilisation de nouveaux documents moins complexes : ce sont les bordereaux d'envoi des relevés de condamnation pénale, qui remplacent les extraits finances.

L'envoi de ces relevés dispense d'adresser ultérieurement un extrait de la décision lorsque celle-ci est devenue exécutoire.

En outre, les comptables du Trésor, s'ils demeurent responsables des encaissements, n'en sont plus les opérateurs exclusifs, du fait de la création des bureaux de l'exécution immédiate des peines (BEX) dans les tribunaux de grande instance.

C - LE PAIEMENT IMMÉDIAT ATTENDU DU COUPLAGE DES BUREAUX DE L'EXÉCUTION IMMEDIATE DES PEINES AVEC LE DISPOSITIF DE PAIEMENT VOLONTAIRE DES AMENDES

1 - Présentation des bureaux de l'exécution immédiate des peines

Le rapport de l'inspection générale des services judiciaires mentionné plus haut est à l'origine de la création des bureaux de l'exécution immédiate des peines (BEX). En effet, à la suite de ce rapport, le comité d'experts installé par le Garde des Sceaux en 2003 afin d'accélérer la mise à exécution des peines a préconisé la mise en place de bureaux de l'exécution immédiate des peines.

Ces bureaux ont été expérimentés à partir de 2004 dans 7 juridictions 45 ( * ) . L'expérience des juridictions pilote a montré que près d'une peine sur deux a pu être mise à exécution dans le cadre du BEX.

Le décret n° 2004-1363 du 13 décembre 2004, dans son article 24, consacre le principe de l'exécution en temps réel des peines et décide la généralisation des bureaux de l'exécution immédiate des peines.

Le BEX est un service du greffe qui a pour mission de commencer l'exécution des peines dans la continuité de l'audience. Dès que la juridiction a prononcé la condamnation, le président d'audience invite le condamné à se présenter au BEX. Là, le greffier explique la peine au condamné, lui précise les modalités de son exécution et lui indique les voies de recours.

2 - Des moyens significatifs alloués aux BEX

Grâce à un amendement budgétaire déposé par le député Warsmann, des moyens supplémentaires ont été attribués au ministère de la justice afin de généraliser les BEX dans les tribunaux de grande instance en 2006.

Le supplément de crédits budgétaires obtenu s'est élevé à 29,5 millions pour 2006 : 20 millions ont été alloués aux services judiciaires afin d'équiper les bureaux de l'exécution immédiate des peines des moyens matériels et humains nécessaires.

Sur le plan des moyens matériels, les crédits supplémentaires alloués sont en particulier affectés à la prise en charge éventuelle des lignes téléphoniques et communications liées à l'utilisation de terminaux de cartes bancaires dans les BEX. Sur le plan des moyens humains, le ministère a engagé le recrutement d'agents de catégorie B et C dédiés aux activités des BEX.

La direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice a indiqué à la Cour qu'au 31 mars 2007, 175 des 181 tribunaux de grande instance avaient mis en place des bureaux de l'exécution immédiate des peines, les six derniers achevant de réaliser leur projet. En outre, cinq cours d'appel ont mis en oeuvre un BEX.

3 - Les effets attendus du couplage BEX et paiement volontaire des amendes

Les dispositions du code de procédure pénale relatives au paiement volontaire des amendes dans le délai d'un mois 46 ( * ) ont vocation à être mises en oeuvre dans le cadre des bureaux de l'exécution immédiate des peines, lorsqu'elles concernent des décisions contradictoires rendues en présence du condamné.

Le décret du 13 décembre 2004 précise que le paiement des amendes et jours-amendes peut être acquitté auprès du bureau de l'exécution des peines 47 ( * ) .

La circulaire du ministère de la justice datée du 7 septembre 2005 48 ( * ) précisant les modalités d'application du dispositif du décret 20 % 49 ( * ) indique : « L'intérêt pratique des BEX (...) est notamment de permettre le cas échéant le paiement immédiat de l'amende, dès l'issue de l'audience, et non ultérieurement au cours du délai d'un mois ».

Le Rapport sur la mise en place des bureaux d'exécution des peines (BEX) d'avril 2006, cité plus haut, présente une estimation du surcroît de recettes que pourrait produire la mise en place des BEX en 2006.

La mission a évalué à 60 000 le nombre de peines d'amendes correctionnelles qui devraient être transmises en plus dans l'année qui suit la mise en place des BEX. Le montant moyen de l'amende s'élevant en 2003 à 1 400 euros selon l'annuaire statistique de la justice, édition 2005, la recette attendue pourrait s'élever à 84 millions d'euros en 2007.

4 - L'absence de comptables et de régisseurs dans les juridictions

Le Trésor public ne souhaite pas, pour des motifs économiques, assurer une permanence dans chaque tribunal de grande instance pour liquider, encaisser et comptabiliser les amendes dues par les redevables, ce qui « aurait été d'un coût totalement disproportionné au regard des enjeux financiers » , indique la direction générale de la comptabilité publique (DGCP).

Cette direction indique également à la Cour qu'elle « n'a pas d'objection à formuler au regard de la création de régisseurs auprès des juridictions ou de l'extension de celles qui existent. Elle l'a d'ailleurs clairement exprimé dans les échanges sur cette question avec ses partenaires du ministère de la justice ».

Cependant le Rapport sur la mise en place des bureaux d'exécution des peines (BEX) a souligné les difficultés auxquelles se heurtent la création ou l'extension des régies comptables dans les juridictions.

Le rapport rappelle que des régies d'avances et de recettes ont été instituées auprès des juridictions depuis le 1 er octobre 1983. Les régisseurs exercent sous la responsabilité d'un ordonnateur, le chef de cour d'appel, et d'un comptable, le TPG du siège de la cour d'appel.

Le taux de vacance actuel des postes de régisseurs est élevé, 18 %, toutes juridictions confondues. En effet, l'exercice de ces fonctions est atypique dans une carrière judiciaire et s'éloigne du coeur de métier du greffe.

En outre, le volume des encaissements d'amendes à traiter dépasse le volume habituel autorisé de l'encaisse des régies des tribunaux. Le montant moyen d'un extrait-finances relatif à une peine d'amende prononcée par les tribunaux correctionnels est de 430 euros, alors que le montant de l'encaisse des régies prévu par l'arrêté du 14 mai 1996 est fixé à 2 300 euros.

Le rapport conclut à la nécessité d'une étude de faisabilité, qui reste à effectuer.

5 - Des conventions locales entre trésoreries et tribunaux destinées à sécuriser les paiements

Afin de permettre aux redevables d'acquitter le montant des condamnations pénales dès l'issue de l'audience, le ministère de la justice et le ministère des finances préconisent la mise en place de conventions locales signées entre les procureurs de la République et les trésoriers payeurs généraux.

La direction générale de la comptabilité publique, dans une note interne datée de février 2006, intitulée « Les possibilités de paiement des condamnations pénales au siège d'une juridiction », souligne la nécessité de ces conventions, « les BEX n'étant pas des régies » .

Une convention type a été élaborée par la direction générale de la comptabilité publique et la direction des affaires criminelles et des grâces, dont le modèle figure en annexe.

La convention-type prévoit :

- la mise à disposition d'une urne fermée à clé destinée à recevoir les chèques de paiement des amendes et dont le contenu est relevé après chaque audience par un agent du Trésor,

- la mise à disposition d'un terminal de paiement électronique par carte bancaire.

Au 31 mars 2007, selon les informations de la direction des affaires criminelles et des grâces, seule une dizaine de tribunaux de grande instance a signé des conventions permettant de disposer d'un terminal de paiement par carte bancaire et d'une urne sécurisée destinée à recevoir des chèques. La mise en place de moyens de paiement dans les tribunaux de grande instance se fait donc beaucoup plus lentement que la mise en place des BEX eux-mêmes (175 TGI sont désormais équipés de BEX).

6 - Deux défauts de sécurité dans le dispositif du paiement immédiat des amendes pénales dans les juridictions

L'insécurité du dispositif provient de l'interdiction insuffisante des paiements en espèces d'une part et de la liquidation par le condamné de sa peine d'amende, d'autre part.

La convention entre trésoreries et tribunaux exclut les paiements en espèces mais le « décret 20 % » ne les exclut pas. La convention ayant une moindre portée juridique que le décret, si un condamné veut payer en espèces, les services du greffe sont contraints d'accepter ce mode de paiement, d'autant plus que les condamnés ne disposent pas tous d'un chéquier ou d'un compte bancaire. En outre, en l'absence de comptables et de régisseurs, pécuniairement responsables, dans les locaux des juridictions, cette situation est porteuse de risques de détournement de fonds.

Aussi, est-il nécessaire de modifier le décret du 2 septembre 2005 afin d'interdire le paiement en espèces des amendes pénales dans les juridictions, en l'absence de comptables pécuniairement responsables dans les locaux des juridictions,.

Par ailleurs, les condamnés doivent effectuer eux-mêmes la liquidation de l'amende. Or ce calcul n'est pas à la portée de tous, ainsi qu'en témoigne l'exemple fourni par la circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 7 septembre 2005 mentionnée plus haut.

Le montant de la condamnation pécuniaire à liquider se compose de trois montants :

- le montant de l'amende délictuelle prononcée,

- la majoration éventuelle de l'amende, exprimée en pourcentage,

- le montant du droit fixe de procédure.

A ce montant total, s'applique l'abattement de 20%.

Une circulaire conjointe du ministère de la justice et du ministère des finances datée du 14 février 2007 50 ( * ) précise que  les greffiers « peuvent assister les condamnés dans les opérations de calcul et de paiement, sans risquer de voir leur responsabilité personnelle et pécuniaire engagée ».

La circulaire précise également au sujet du fonctionnement du terminal de carte bancaire : « Le condamné, après avoir calculé la somme qu'il doit régler, introduit sa carte, compose le code et valide la transaction. »

Cette description des conditions de la liquidation des amendes dans les juridictions est conforme à celle donnée par la direction générale de la comptabilité publique. Celle-ci indique à la Cour que « le calcul se fait sous la responsabilité du condamné, les services du greffe lui indiquant le montant ». Elle ajoute qu' « Une telle procédure ne comprend aucune opération comptable. En pratique, aucune erreur n'a été décelée jusqu'à présent dans les calculs ».

Cependant la sécurité de la liquidation des amendes dans les juridictions n'est pas vraiment démontrée. Un condamné sortant de la salle d'audience est très exposé à se tromper dans la liquidation de sa condamnation pécuniaire, d'autant que le montant dû n'est pas obtenu par simple addition.

L'exactitude du montant liquidé est garantie par les services de greffe des tribunaux dans lesquels le paiement immédiat est possible. Or, les greffiers n'interviennent ni comme ordonnateurs, ni comme comptables dans la liquidation de ces paiements d'amendes. Leur responsabilité ne peut pas être engagée.

L'intervention de comptables du Trésor parait donc souhaitable pour sécuriser la liquidation des paiements immédiats d'amendes pénales.

La présence physique d'un comptable présenterait, comme l'indique la DGCP, des coûts disproportionnés même si cette disproportion apparaît plus par rapport au nombre d'opérations qu'au montant total (cf. les montants unitaires des catégories d'amendes exposés plus bas).

Ainsi, étant donné l'enjeu important que représente le paiement immédiat des amendes pénales réalisé dans les BEX pour l'effectivité des sanctions dans leur ensemble, il semble que des solutions techniques de validation à distance des opérations de liquidation par les comptables devraient être explorées par la direction de la comptabilité publique en liaison avec la Chancellerie.

Par exemple, la spécialisation des postes comptables engagée depuis plusieurs années à la DGCP devrait permettre de créer un poste spécialisé dans la validation « on-line » des liquidations d'amendes pénales réalisées dans les tribunaux de grande instance.

* 42 Loi « Perben II ».

* 43 Décret n° 2005-1099 relatif à la procédure simplifiée et au paiement volontaire des amendes correctionnelles ou de police.

* 44 Le paiement volontaire des amendes est décrit dans le livre V du code de procédure pénale portant sur « Des procédures d'exécution », aux articles L.702-2 et L. 702-3.

* 45 Tribunaux de grande instance de Bordeaux, Angoulême, Libourne, Périgueux, Bergerac, Orléans, Nantes et Rouen.

* 46 Articles 707-2 et 707-3 du code de procédure pénale

* 47 Art. D48-4 du code de procédure pénale

* 48 Circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 7 septembre 2005 publiée au Bulletin officiel du ministère de la justice n° 99

* 49 Décret du 2 septembre 2005 mentionné plus haut

* 50 Objet de la circulaire du 14 février 2007 : Modalités de mise en oeuvre du paiement immédiat des amendes au sein du bureau de l'exécution des peines (BEX) des tribunaux de grande instance.

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