b) Vers la mise en place d'une « formation qualifiante différée » ?
Dans le cadre de l'accord national interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003, les partenaires sociaux ont appelée de leurs voeux la mise en place d'un accès à une « formation qualifiante ou diplômante différée » en faveur des personnes sorties de formation initiale « avant ou au terme du premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue » 77 ( * ) .
Autant les représentants du MEDEF que de l'UNSA ont attiré l'attention de la mission sur l'intérêt d'une telle mesure, fondée sur un souci d'équité. Il s'agit, pour ces derniers, d'introduire « la possibilité de redéployer une partie des moyens de la formation initiale sur les jeunes sortant prématurément du système de formation ou qui en sortent non qualifiés » , afin de « pouvoir donner une deuxième chance à ceux qui n'ont pas pu suivre le même rythme que les autres en formation initiale, une fois que le jeune a pu être confronté à la réalité du travail et à ses difficultés. » 78 ( * )
Cette démarche rejoint, dans son principe, l'idée avancée par M. Claude Thélot, d'un « droit différencié » de formation pour les jeunes gens sortis du système éducatif, qui serait « inversement proportionnel à la durée de leur formation initiale ».
Sensible à cette approche répondant au défi prioritaire de l'accès à la formation des jeunes les moins qualifiés , la mission propose la création d'un « compte-épargne-formation », dont les modalités seront précisées dans le chapitre II suivant . En effet, l'accès à un premier niveau de qualification constitue une première étape capitale, certes, mais que la mission souhaite inscrire dans une logique plus globale de sécurisation des parcours des personnes se trouvant les plus éloignées de l'emploi, à un moment où à un autre de leur vie professionnelle.
c) Amplifier le dispositif de validation des acquis de l'expérience
En ouvrant le droit de faire reconnaître les compétences acquises dans le cadre de l'activité professionnelle, le dispositif de validation des acquis de l'expérience (VAE) reconnaît le caractère formateur du travail en entreprise et offre une « deuxième chance » de consolider son « bagage » initial, après avoir « fait ses preuves » dans l'activité professionnelle.
C'est ainsi que M. Abdelaziz Bouramoula a présenté sa démarche de VAE entreprise au GRETA Arve-Faucigny de Bonneville en Haute-Savoie, lors de la table ronde organisée par la mission : « arrivé en troisième, je n'étais pas un mauvais élève, mais ma situation personnelle ne m'a pas permis de continuer et j'ai dû choisir une voie rapide pour trouver un emploi dans une entreprise. Je me suis donc tourné vers la solution BEP-Bac professionnel. J'ai eu au fil des années quelques regrets à l'égard de cette situation. Je souhaitais « une revanche sur le passé ». Grâce à la VAE, j'ai pu valider mon expérience et les connaissances accumulées entre le Bac pro et maintenant . (...) J'ai donc voulu valider un BTS productique, que j'ai obtenu au bout de huit mois. Il m'a apporté une grande satisfaction et m'a permis d'évoluer dans l'entreprise. »
Toutefois, de tels parcours de réussite se développent mais restent encore de trop rares exceptions. Comme cela a été souligné dans la première partie du présent rapport, la démarche de VAE s'inscrit dans un cadre peu incitatif et demeure trop « formelle », si bien que l'effort reste encore insuffisant en faveur des personnes les moins qualifiées. Le potentiel est pourtant conséquent, en particulier, comme cela a été souligné par Mme Claude Azéma, membre du conseil économique et social, dans le secteur des services à la personne .
A cet égard, il apparaît nécessaire de renforcer l'information et l'accompagnement des candidats les moins bien armés , pour les aider à formaliser leur projet et leur apporter un appui tout au long de la démarche, en y impliquant de façon plus dynamique l'ensemble des organismes d'accueil, à savoir notamment les « points relais conseil », mais également l'ANPE, les OPCA, les missions locales ou les CIO...
En outre, les aides à la prise en charge des frais d'accompagnement sont variables d'une région à l'autre. Les représentants des maisons familiales rurales, entendus par le président de la mission, ont suggéré que les centres de formation soient incités, par des modalités de financement plus adaptées, par exemple sous la forme d'un forfait, à passer d'une logique de formation en face à face scolaire à une logique d'accompagnement. En effet, la démarche de VAE doit être davantage soutenue, dans la mesure où elle s'avère au final plus rentable pour la collectivité que le financement d'une formation longue 79 ( * ) .
En outre, la VAE ne doit pas seulement être « statique », en attestant des compétences acquises, mais s'inscrire dans une démarche « dynamique », de promotion sociale et professionnelle. L'appui de l'employeur s'avère, à ce titre, déterminant pour la réussite de la démarche et l'incitation à l'entreprendre, en faisant l'objet d'une reconnaissance dans la progression de carrière ou d'une valorisation salariale. Par ailleurs, comme l'a souligné M. René Bagorski, la VAE doit aboutir à l'obtention d'une certification « reconnue au minimum par la branche et par le répertoire national des certifications professionnelles » , pour être ainsi « monnayable sur le marché du travail » , et non seulement valable dans une seule entreprise.
Au-delà, la mission tend à souligner l'intérêt de développer la VAE pour reconnaître les compétences acquises par les élus locaux et les personnes engagées dans la vie publique et associative , dans le cadre de leurs responsabilités, en vue de favoriser leur reconversion dans le champ du service public à la fin de leur mandat. Cette proposition s'inscrit dans la logique de sécurisation des parcours individuels et professionnels qui sera plus largement développée dans le chapitre II suivant.
* 77 Accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation professionnelle tout au long de la vie, Chapitre 1 du Titre IV (« l'accès spécifique à la formation de certains salariés »).
* 78 Voir l'audition de M. Tricoche, UNSA.
* 79 Le comité interministériel pour le développement de la VAE, mis en place en février 2006, a ainsi lancé une campagne d'incitation à entreprendre une démarche de VAE auprès de demandeurs d'emplois, en leur proposant une prise en charge de leurs frais par l'assurance chômage.