3. La dénonciation du « gâchis » renvoie à des conflits d'objectifs et à des intérêts contradictoires
Comme l'indiquent les représentants des organismes de formation privée, le meilleur indicateur de la qualité de leurs prestations est celui de la fidélité de leur clientèle. Ce schéma idéal d'un marché parfaitement régulé par la loi de l'offre et de la demande est cependant contredit par un certain nombre de faits, la présence sectaire constituant une illustration extrême de la relative « myopie » du marché de la formation professionnelle.
Ce constat amène à s'interroger sur les stratégies envisageables pour améliorer l'efficacité des dépenses. De ce point de vue, deux approches se manifestent : la première consiste à rappeler l'ampleur des besoins de formation et la nécessité de consentir un effort d'amélioration générale du niveau des moins bien formés, qui détermine assez largement le niveau de compétitivité globale des économies modernes.
La seconde approche, privilégiée par la mission d'information, préconise une transformation globale de la philosophie et de l'organisation du système de formation professionnelle ; cette orientation, qui imprègne l'ensemble du rapport de la mission, repose sur le constat que les mécanismes actuels aboutissent assez largement à négliger la formation aux métiers d'avenir et ceux pour lesquels les perspectives d'embauche sont les plus élevées.
Par ailleurs, la mission a souhaité évoquer le cas de la formation des fonctionnaires qui, par définition, s'écarte de la logique de sécurisation de l'accès à l'emploi et doit être centrée sur la modernisation effective de l'administration.
a) La thèse du redéploiement des allégements de charges sur les bas salaires
L'idée selon laquelle la priorité serait non pas tant de rationaliser la dépense de formation professionnelle mais de l'accroître repose sur deux principaux constats :
- d'une part, le déclin du travail non qualifié apparaît comme irrémédiable ;
- d'autre part, la proportion non négligeable d'illettrés (aux alentours de 10 % de la population d'âge actif) et celle, qui est vraisemblablement du triple, de personnes ne maîtrisant pas le socle minimal des connaissances, constituent un facteur de diminution de la compétitivité relative de notre économie ainsi qu'un obstacle aux reconversions.
C'est dans un tel contexte que, lors de son audition, M. André Gauron, conseiller-maître à la Cour des comptes et ancien président du Haut Comité de l'éducation et de l'économie, a indiqué que la politique d'exonération de charges sociales soulevait, de manière sous-jacente, la question du choix entre une première option, qui consiste à financer des emplois non qualifiés à hauteur de quelque 20 milliards d'euros et une seconde orientation, qui consisterait à accompagner la mutation des entreprises vers des emplois qualifiés. Il a illustré son propos en prenant l'exemple de l'industrie textile qui, après avoir sollicité des pouvoirs publics, pendant de nombreuses années, l'accroissement des exonérations de charges pour résister aux délocalisations, avait pris conscience, qu'à l'image de l'industrie allemande, la formation des salariés aux nouvelles compétences nécessaires à la confection de « textiles techniques », aux débouchés assurés, constituait une solution alternative plus satisfaisante.
Pour aller dans le sens d'un tel raisonnement, on pourrait d'ailleurs faire observer que les statistiques financières peuvent faire l'objet de présentations à géométrie variable : ainsi selon le compte de l'éducation, les dépenses consacrées à la formation continue se sont limitées en 2005 à 10,8 milliards d'euros soit 9,1 % de la dépense totale d'éducation initiale et continue. La différence avec le chiffre plus couramment évoqué de 24 milliards d'euros, qui résulte du compte de la formation professionnelle, s'explique par l'exclusion des dépenses d'apprentissage et d'exonérations de charges sociales afférentes aux contrats en alternance et aux contrats d'apprentissage.
En fin de compte, la mission estime prioritaire l'attention portée à la généralisation de la maîtrise du socle minimal des connaissances et à la qualification des salariés ; elle demeure cependant convaincue que, pour atteindre ces objectifs, il convient avant tout d'améliorer la performance du système de formation plutôt que de s'aventurer dans un accroissement mécanique des moyens qui lui sont consacrés.