2. Le risque de corruption dans l'enseignement au niveau mondial et l'influence sectaire en France : un malaise dans la formation professionnelle
De façon générale, l'attention de la mission a été attirée sur un rapport de l'Unesco, rendu public le 6 juin 2007 intitulé « Corrupt schools, corrupt universities : What can be done ? » qui donne un aperçu, au niveau mondial, de la montée de la corruption à l'école et à l'université. Ce rapport évoque des pratiques de perception illégale de droits d'inscription, de fraude aux examens, de détournements de fonds et d'appels d'offres truqués qui nuisent gravement aux systèmes d'éducation du monde entier. Dans l'enseignement supérieur, la corruption se traduit notamment par des pratiques frauduleuses dans le domaine de l'éducation transfrontalière et par l'apparition de fausses universités délivrant de faux diplômes et par des octrois frauduleux d'habilitation d'enseigner. Le nombre de prétendues universités proposant de faux diplômes sur Internet serait par ailleurs passé de 200 à 800 entre 2000 et 2004.
La mission d'information note que le seul cas isolé de fraude avérée en France est cité page 77 de ce document et concerne un contrat de restauration scolaire ayant donné lieu, il y a une dizaine d'années, à une surestimation d'un peu plus de 10 % du nombre de repas servis.
Par ailleurs, ce rapport n'établit pas de lien entre cette montée, au niveau mondial, des pratiques frauduleuses et l'influence sectaire. En revanche, la mission a été alertée sur la présence de cette dernière sur le marché de la formation professionnelle de notre pays.
(1) L'essor des formations dites « comportementales » : une « porte d'entrée » de l'influence sectaire
Les mouvements sectaires se sont d'abord développés dans le domaine de la santé où la recherche de méthodes alternatives de guérison, dites « holistiques », ainsi que l'essor de techniques de développement personnel, représentent des enjeux financiers importants. Selon le rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) publié en 2006, l'essor de ce marché peut être resitué dans un contexte général marqué, pour un certain nombre de personnes :
- psychologiquement, par une perte de repères, et par de faux espoirs ;
- professionnellement, par un sentiment d'insécurité ou de tension ;
- et par la simultanéité du vieillissement démographique et de la promotion médiatique d'un idéal de jeunesse et de beauté.
Ces mouvements sectaires opérant dans le domaine de la santé se sont ensuite diversifiés dans la formation professionnelle : celle-ci, en pleine expansion, draine des fonds importants qui ne pouvaient laisser inactifs des organisations ou des individus toujours à la recherche d'un enrichissement.
Dès 1999, la commission d'enquête parlementaire sur « les sectes et l'argent » conduite à l'Assemblée nationale par M. Jacques Guyard et M. Jean-Pierre Brard, alertait sur « l'influence que certaines sectes ont acquise dans des réseaux de formation et les perturbations qu'elles ont apportées dans le fonctionnement de plusieurs entreprises » et elle préconisait une réaction déterminée de l'ensemble des acteurs concernés.
Dans le prolongement de cette alerte parlementaire, le ministère de l'emploi a adressé à ses services déconcentrés - les directions régionales et départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle - des instructions sur la nécessité d'une plus grande vigilance sur des pratiques induisant des risques ou des dérives de caractère sectaire. L'accent a été mis notamment sur les risques pouvant découler de l'ambiguïté de la notion de développement personnel au regard de la formation professionnelle . L'engouement pour les thérapies alternatives, l'attrait pour le « coaching » ou « team-building » symbolisent cette tendance.
Lors de son audition par la mission d'information, M. Jean-Michel Roulet, président de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), a indiqué que les observations de cet organisme concernant le secteur de la formation professionnelle étaient essentiellement fondées sur les plaintes ou signalements faits, généralement par les familles des victimes ou les syndicats, auprès de la mission interministérielle, des associations de défense des victimes, ou par l'intermédiaire d'élus locaux. On recense peu de plaintes, mais les signalements se comptent par dizaines. Pour l'instant, une seule condamnation a été prononcée pour abus de confiance dans le cadre de la loi du 12 juin 2001 relative à la prévention à la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dite « loi About-Picard ».
En ce qui concerne les techniques permettant à ces formateurs d'entrer sur le marché, M. Jean-Michel Roulet a détaillé le scénario consistant à répondre, dans un premier temps, à un appel d'offres lancé par une grande entreprise pour une formation relative au « développement personnel » des collaborateurs. Au départ, la prestation du fournisseur de formation est à la fois de qualité et d'un coût peu élevé. La société fait alors état de sa satisfaction auprès du formateur, qui utilise cette première étape comme « carte de visite » pour prospecter de plus petites entreprises ne disposant pas des mêmes moyens de contrôle, et auxquelles il propose d'autres formations, accompagnées, le cas échéant, de « modules » pour les week-ends ou le soir, avec des méthodes plus douteuses. Le but est de soumettre les personnes formées à l'emprise mentale du formateur et de leur soutirer des financements pour la secte. Le nombre des « méthodes » ainsi utilisées, recensées par les renseignements généraux (RG), est passé en quelques années de 80 à 200 et aucune zone du territoire ne semble épargnée.
Certaines entreprises seraient aujourd'hui totalement contrôlées par des adeptes de sectes qui reversent une partie importante de leurs revenus, par le biais de formations très coûteuses, à leurs « gourous ».
Pour les alerter de ces dangers, la MIVILUDES a envoyé un millier de courriers aux chambres consulaires et aux chambres économiques, en leur demandant de signaler les cas et d'évaluer le risque. Un bilan des réponses sera dressé dans les dix prochains mois.
M. Jean-Michel Roulet a, au final, globalement estimé qu'environ 10 % des dépenses de formation professionnelle sont détournés au profit de sectes .