2. Un recentrage du système de formation professionnelle sur les objectifs de la politique de l'emploi
a) L'évolution de la philosophie générale du système de formation professionnelle : des objectifs mouvants
Comme l'a souligné M. Michel Quéré, directeur du CEREQ, lors de son audition devant la mission, la politique de formation professionnelle a connu, ces trente dernières années, un « glissement des objectifs poursuivis » , correspondant à l'évolution du contexte économique et social : « la loi de 1971, par exemple, visait à favoriser la promotion sociale. Il est ensuite davantage question de mettre en place des outils de lutte contre le chômage. »
Dans un environnement de plein emploi , de forte croissance et de modernisation de l'organisation du travail, la loi dite « Delors » du 16 juillet 1971 , faisant suite à l'accord national interprofessionnel du 9 juillet 1970, pose les jalons de l'organisation de la formation professionnelle continue, devenue obligation nationale, dans le cadre de l'« éducation permanente », principe qui s'inscrit dans une longue tradition, issue de Condorcet, fondant le caractère indispensable de la formation pour adultes sur la nécessité de combattre l'injustice née de l'absence de formation initiale : « la formation professionnelle continue fait partie de l'éducation permanente. Elle a pour objet de permettre l'adaptation des travailleurs aux changements techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l'accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique et social. »
A partir du milieu des années soixante-dix, la crise économique et la montée d'un chômage de masse , conduisent à abandonner l'hypothèse de base des politiques de formation professionnelle menées jusqu'alors, à savoir celle d'une adéquation entre les besoins et les ressources en main-d'oeuvre. Celles-ci s'orientent progressivement vers une fonction de « remède » au chômage, face à la préoccupation majeure de l'insertion des jeunes notamment, dont le taux de chômage est trois fois supérieur à celui des adultes.
Se développent, à la suite de l'accord interprofessionnel de 1983, les contrats en alternance (création d'un versement obligatoire aux organismes mutualisateurs), ainsi que le financement de programmes conjoncturels mêlant formation et contrat de travail, destinés à faciliter l'accès à l'emploi des jeunes et des moins qualifiés par la réduction des coûts de main-d'oeuvre.
Le ministère du travail, en charge de l'emploi, devient l'acteur principal du système de formation, ciblant son intervention sur un registre de plus en plus social, qui se traduit par le déploiement massif de dispositifs de la politique de l'emploi. Comme le relève M. Paul Santelmann, chef du service prospective de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), dans son ouvrage sur la formation professionnelle continue, « la séparation entre politique de soutien à l'économie et politique de l'emploi est renforcée. Le ministère du travail devient peu à peu le « ministère du chômage ». (...) La formation permettant la promotion sociale des adultes, déjà très peu développée pour les ouvriers et les salariés, est marginalisée. (...) La formation devient une mesure de traitement social du chômage et quelquefois prend la forme « occupationnelle » (stage-parking) de substitut à l'emploi...» 6 ( * ) .
* 6 « La formation professionnelle continue », Paul Santelmann, chef du service Prospective de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), La Documentation française, 2006.