(3) Les conditions d'accès des demandeurs d'emploi
L'accès des demandeurs d'emploi à la formation s'effectue depuis juillet 2001, on l'a indiqué, dans le cadre du PAP. On a vu précédemment de quelle façon l'institution de ce guichet unique n'ouvre pas la voie royale du stage de formation.
Il est intéressant d'évoquer les péripéties d'un processus dont M. Marc Ferracci, chercheur au Centre de recherche en économie et en statistiques - Institut national de la statistique et des études économiques (CREST-INSEE), résume ainsi l'économie dans une récente thèse de doctorat sur l'évaluation du dispositif de la formation professionnelle des chômeurs en France : « l'accès à un stage de formation s'effectue en plusieurs étapes qui sont autant d'obstacles à franchir pour le candidat. Certes, toutes ces démarches sont censées être effectuées en étroite collaboration avec les agents de l'ANPE. Dans la pratique cependant, les individus candidats à une formation apparaissent largement livrés à eux-mêmes ». Au moment de leur inscription à l'ANPE, les chômeurs ont un premier entretien avec un conseiller de l'Agence. S'ils sont toujours au chômage six mois après, un deuxième entretien (nommé PAP 02) leur est proposé, au cours duquel une formation peut être évoquée et prescrite. Le demandeur d'emploi doit alors s'inscrire à une formation repérée au cours de l'entretien ou contacter l'AFPA, qui l'aidera à construire son parcours de formation. La prescription ne débouche donc pas automatiquement sur une inscription effective à la formation.
De fait, il existe une forte déperdition de population entre la discussion du projet de formation au cours du PAP 02 et la concrétisation du projet. Selon l'étude de la DARES mentionnée plus haut, la possibilité de suivre une formation est évoquée dans 44 % des entretiens, à l'initiative du chômeur ou à celle du conseiller ; une formation n'est prescrite qu'à 16 % des chômeurs à l'issue de l'entretien ; 48 % des intéressés acceptent la proposition ; six mois plus tard 7 % des demandeurs d'emploi dénombrés au départ sont effectivement entrés en formation. L'étude de la DARES indique encore que 56 % des chômeurs n'ayant pas concrétisé leur formation dans les six mois déclarent avoir effectué des démarches qui n'ont pas abouti, et 9 % déclarent n'avoir pas trouvé une formation leur convenant à l'issue de leurs démarches. En tout état de cause, indique encore la même étude, le suivi effectif d'une formation est souvent l'aboutissement d'un long parcours administratif dont la prescription ne constitue que la première étape. Deux exemples illustrent les étapes à franchir. Lorsque le projet de formation est très précis, le demandeur d'emploi doit souvent s'adresser aux organismes de formation susceptibles de l'accueillir, s'y informer sur les possibilités de financement et sur les possibilités de rémunération s'il n'est pas indemnisé. Cette démarche est d'autant plus délicate que l'offre de formation est éclatée et les intervenants multiples : ANPE, ASSEDIC, organismes de formation, État, région. Lorsque le projet de formation du chômeur est moins défini, l'ANPE peut lui proposer de s'adresser à l'AFPA, qui l'aidera à préciser son projet et à le mettre en oeuvre. Les délais conduisant à une entrée effective en formation peuvent alors être longs, indique l'étude de la DARES : en 2003, les délais d'attente entre la prescription d'un entretien par l'ANPE et l'entretien avec un conseiller de l'AFPA étaient en moyenne de quarante-huit jours. A l'issue de l'entretien, un tiers des demandeurs d'emploi n'étaient pas orientés vers une formation mais renvoyés à l'ANPE pour y redéfinir un projet professionnel. Un tiers des demandeurs d'emploi orientés vers un stage de l'AFPA ont attendu au moins quatre mois pour entrer en formation.
Ainsi se trouve amplement confirmée l'analyse de M. Pierre Boissier, directeur général de l'AFPA : « l'accès à la formation professionnelle des demandeurs d'emploi reste largement aléatoire ». Pour clore le sujet, on citera la réponse, postée le 30 mars 2007, d'un internaute à la consultation publique lancée par la mission d'information sur le site du Sénat : « c'est le parcours du combattant pour un chômeur : les opérateurs sont multiples : ANPE (État), Région (financeur), conseil général pour les RMIstes (département), CCAS (commune/RMistes). Les réponses les plus courantes : « plus de budget à partir de novembre », « on peut financer 500 euros sur une formation qui en coûte 2 800 », « ce n'est pas dans le plan régional de formation », « les débouchés sont avérés mais il faut au préalable faire une demande par votre conseiller ANPE dans le cadre du projet d'action personnalisé et attendre la réunion de la prochaine commission dans trois semaines », « il existe des formations équivalentes dans des organismes moins chers » (pour quelle qualité ?) ».