b) Une trop grande instabilité des modes de prise en charge des formations ?
La loi du 4 mai 2004 a donné aux branches le pouvoir de fixer leurs priorités (on parle des « priorités de branches ») en termes de formation dans le cadre de commissions paritaires nationales de l'emploi (CPNE) 103 ( * ) .
Instances créées par un accord collectif de branche, elles sont principalement chargées d'assurer, au sein de leur branche professionnelle, le lien entre la politique de formation professionnelle et l'évolution de l'emploi.
Elles communiquent ainsi aux OPCA les priorités, professionnelles ou territoriales, qu'elles définissent et déterminent les qualifications professionnelles qui leur paraissent devoir être développées dans le cadre des dispositifs d'insertion par l'alternance .
Il résulterait de ce pilotage, selon les représentants de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), des modifications ex abrupto des conditions de prise en charge des OPCA qui viendraient contrarier les anticipations des entreprises et des organismes de formation.
M. Jean Wemaere, président de la Fédération de la formation professionnelle , estime qu'« il faudrait que les destinataires des formations connaissent mieux les conditions d'éligibilité aux différents dispositifs, et que la réglementation ne change pas au gré des collectes ou des niveaux de remplissage des opérateurs de branche. Lorsqu'un opérateur de branche connaît une baisse des effectifs de ses stagiaires, l'OPCA a tendance à favoriser l'accès à cet opérateur ». Mme Marie-Christine Soroko, déléguée générale de la Fédération de la formation professionnelle , précise : « Les OPCA prennent en charge certaines formations à 100 %. Pour ce faire, les OPCA doivent recevoir l'accord de la CPNE de la branche. Or, les modalités de prise en charge évoluent au gré de la collecte des OPCA . Les organismes de formation ne sont pas suffisamment informés de ces évolutions. Un organisme peut en effet travailler avec différents OPCA. Si les modalités de prise en charge sont différentes pour chaque OPCA et changent très régulièrement, et que les modalités de prise en charge ne sont pas rendues publiques, l'organisme de formation ne peut pas toujours renseigner correctement l'entreprise qui lui demande une formation ».
« Le plus souvent cependant les critères sont modifiés lorsque l'argent manque , plutôt que lorsque les sommes disponibles sont trop importantes. Cependant, la CPNE peut tout à fait faire le choix de modifier les critères d'éligibilité plutôt que reverser les sommes au FUP. Il semble normal que les partenaires sociaux décident des priorités des branches. Cependant, la situation se complique parce que les priorités peuvent changer tous les six mois , par exemple parce que les entreprises effectuent des choix différents, ou parce qu'elles ne sont pas suffisamment informées. (...) Les décisions des CPNE sont connues par les OPCA plusieurs mois après qu'elles ont été prises. (...) C'est pourquoi nous avions souhaité que les décisions de CPNE soient systématiquement affichées dans un site Internet ».
Si les difficultés qui précèdent méritent d'être relevées, elles ne correspondent probablement pas à la généralité des cas . Lorsque les critères de prise en charge sont largement définis, il peut en résulter un flou susceptible d'engendrer la critique d'un éventuel « arbitraire » des OPCA, mais lorsque ces critères se font plus précis, ces organismes encourent alors le reproche d'une gestion tatillonne des prises en charge.
Il est certain que les priorités, désormais fixées par les branches, le sont plus rigoureusement que lorsqu'elles étaient définies par les OPCA, ce qui oblige parfois les organismes de formation à fournir un travail d'adaptation accru en vue de leur prise en charge des contrats de professionnalisation, mais il s'agit là d'une conséquence attendue de la réforme. Pour sa part, M. Xavier Baux, président de la Chambre syndicale des organismes de formation en alternance (CSOFA), en arrive à constater que, « dans une certaine mesure, le pouvoir exorbitant donné aux branches a conduit à un certain nombre de dérives et a, de surcroît, abouti au fait qu'un certain nombre de contrats possibles n'ont pas été financés ».
* 103 Instaurées par l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969.