2. Les droits acquis au financement du paritarisme : facilités et crispations
a) L'existence de pratiques contestables
D'après la Cour des comptes, l'assiette du plafond de 0,75 % des sommes collectées par les OPCA en rémunérations versées aux organisations professionnelles, membres des conseils d'administration, ne devrait pas comprendre les versements volontaires des entreprises , alors que certains OPCA n'hésitent pas à recourir à cette facilité.
En outre, les services « effectivement accomplis » , qui sont la contrepartie nécessaire de ces versements, ne font que rarement l'objet de justificatifs précis .
Si certains OPCA veillent à ne pas atteindre le plafond légal de 0,75 %, d'autres estiment, au contraire, qu'ils bénéficient d'un véritable « droit de tirage » à due concurrence. C'est le cas de l'AGEFOS-PME, qui accorde même des défraiements allant au-delà des 0,75 % pour « la participation à toute réunion ou mission non statutaire décidée par le conseil d'administration »... Ces défraiements, pour critiquables qu'ils soient, se cantonnent à des travaux administratifs donnant normalement lieu à rémunération et tiennent dans la limite de l'enveloppe générale prévue pour les frais de gestion.
b) Trancher le noeud gordien ?
D'aucuns avancent que la question du financement des syndicats au travers de la formation professionnelle est partie liée au problème de l'amélioration de leur représentativité. Cette représentativité butterait actuellement sur le fait qu'un certain nombre d'organisations syndicales n'auraient pas besoin de nouvelles adhésions dans la mesure où des fonds importants leur sont, d'ores et déjà, alloués... Quoi qu'il en soit, les organisations syndicales sont enclines à repousser les réformes impliquant une refonte du financement de la formation professionnelle, pour être susceptibles de remettre en cause une partie substantielle97 ( * ) de leurs ressources, basée sur une assiette - la collecte - particulièrement progressive.
Si la formation professionnelle des salariés doit rester la « chose » des partenaires sociaux, il convient, sans attendre, de réfléchir à de nouvelles modalités de financement du paritarisme afin d'éviter que certaines réformes, particulièrement nécessaires, ne soient systématiquement rejetées, parfois pour de mauvaises raisons. Une piste de travail consisterait à s'inspirer du mode de financement des partis politiques.
Il ne s'agit certainement pas de tarir les ressources des organisations syndicales, dont chacun sait que le rôle devrait se trouver renforcé dans le cadre d'une démocratie sociale responsable, mais de mettre en place un financement alternatif à celui procuré par la formation professionnelle, afin de clarifier le débat . Ainsi que l'a exprimé M. Jean-Claude Tricoche, secrétaire national chargé de la formation professionnelle de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) : « pour diminuer les réticences, il faudrait commencer par réformer le financement des organisations syndicales . Nous avons discuté de ce point avec plusieurs candidats à la présidentielle et sur ce sujet, nous sommes d'accord avec M. Nicolas Sarkozy. Les organisations syndicales jouent un rôle de partenaire social au-delà de leur mandat ; dans ces conditions, le financement doit être public et transparent ».
Il convient donc de distinguer ce qui relève directement de la participation des partenaires sociaux à la gestion de la formation professionnelle (le « 0,75 % » versé aux organisations professionnelles membres des OPCA) et ce qui n'en relève pas directement (le « 0,75 % » versé au FONGEFOR) et doit par conséquent être financé dans le cadre du budget de l'État au titre du fonctionnement de la démocratie. Par ailleurs, dans le contexte général du développement des services aux entreprises rendu par les OPCA, il semblerait judicieux de relever à 1 % le plafond de 0,75 % de rémunérations versées aux organisations professionnelles membres des OPCA.
En attendant, les OPCA se trouvent, sur la partie libre de la collecte, dans une situation de concurrence renforcée par ces questions de financement , susceptible de les pousser à une surenchère financière auprès des entreprises et d'engendrer ainsi des pratiques parfois contestables...
* 97 Il semble que cette part puisse représenter environ 10 % des ressources de certaines grandes centrales syndicales et jusqu'à 30 % des recettes des plus petites organisations syndicales. Les comptabilités des syndicats, qui ne sont pas unifiées, présentent des architectures plus ou moins décentralisées, rendant parfois difficile l'estimation de leur véritable niveau de ressources et donc l'expression de ratios fiables.