2. Les conditions d'une expression paritaire cohérente au niveau régional
a) L'organisation de « pôles paritaires »
Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, estime qu'« i l s'agit maintenant d'organiser une gouvernance au niveau de la région, sans pour autant qu'elle soit pilotée par le conseil régional, souvent malgré son envie. Il convient de désigner des chefs de file, mais chaque acteur doit faire un pas vers l'autre , et il faut s'organiser en fonction du financeur pour déterminer l'acteur qui répondra au besoin des personnes, la manière de le faire et le moment. Cette organisation, qui doit être formelle, nécessite de se connaître, de se parler et de se respecter.
« Il faut que les paritaires soient capables de s'organiser, sachant qu'il existe un pôle ASSEDIC, un pôle OPCA, avec différents OPCA . L'idée de la CFDT, partagée par d'autres organisations syndicales, est de commencer par s'organiser par pôles paritaires , et de trouver la gouvernance régionale nécessaire pour que tous les salariés, les demandeurs d'emploi et les exclus puissent avoir accès à la formation professionnelle ».
Il est certain qu'une représentation paritaire régionale, qui engloberait l'UNEDIC et les OPCA, serait susceptible de faciliter une véritable gouvernance régionale, dont les modalités seront décrites dans le chapitre V « Construire la gouvernance par la territorialisation et la contractualisation » ci-dessous.
Quoi qu'il advienne, une diminution du nombre des OPCA est un préalable indispensable à une expression paritaire, aussi interprofessionnelle et coordonnée que possible, des besoins régionaux...
b) Une rationalisation de la cartographie des OPCA
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, affirme que « l'articulation entre les régions et les branches doit être renforcée en favorisant un regroupement des grands réseaux d'OPCA ». Ainsi que le constate Mme Françoise Bouygard, déléguée adjointe à l'emploi et à la formation professionnelle, « il faut renforcer la territorialisation des fonds de la formation continue ».
Une rationalisation au niveau régional peut être recherchée au travers de regroupements entre OPCA de branches, de manière à favoriser l'émergence d'interlocuteurs suffisamment concentrés au niveau régional, et entre les grands OPCA interprofessionnels existants.
(1) Un rehaussement du plancher de collecte
La loi quinquennale du 20 décembre 1993 ( supra ) a eu pour effet de réduire le nombre des OPCA en fixant un plancher de collecte de 15 millions d'euros. Le nombre des organismes paritaires collecteurs s'est alors réduit à une centaine.
Si cet épisode « nous interroge sur la capacité des partenaires sociaux à concevoir un système économe 90 ( * ) », ainsi que l'indique M. Michel Théry, du CEREQ, Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, estime que « nous ne pourrons pas éviter longtemps un certain nombre de débats. Le premier de ces débats est le rôle et le nombre des OPCA. Cette question n'a pas été abordée pendant la négociation [qui a conduit à l'ANI]».
M. Alain Lecanu, secrétaire national chargé du pôle emploi-formation de la CFE-CGC, indique qu'« une réflexion commune élargie pourrait (...) aboutir, à l'exemple de la protection sociale, à un regroupement d'un certain nombre d'OPCA (...). Nous soulignons cependant la nécessité de procéder à ce type de plan de regroupement selon une cohérence des métiers. Par exemple, l'OPCA des papiers et des cartons et l'OPCA du bois pourraient voir leurs activités regroupées. Une réflexion sur le seuil de collecte au-delà duquel l'OPCA apparaîtra viable reste cependant à mener ».
Ainsi, il conviendrait d'augmenter à nouveau le plancher de collecte afin de favoriser des regroupements sous forme d'OPCA interprofessionnels, propices à l'émergence d'un pôle régional susceptible d'être piloté par l'ensemble des acteurs. Cette concentration présenterait d'autres avantages, notamment en termes d'économies d'échelle et de services rendus ( infra ).
Certains syndicats évaluent que le seuil de 15 millions d'euros, qui subit d'ailleurs l'érosion monétaire depuis 1993 91 ( * ) , pourrait être utilement rehaussé, dans un premier temps, à 30 millions d'euros, voire 50 millions d'euros. D'aucuns évaluent à 100 millions d'euros la « masse critique » à partir de laquelle la fourniture de services adaptés serait à la portée de tous les OPCA. En définitive, une fixation à 50 millions d'euros paraîtrait équilibrée pour ménager une expression de branche satisfaisante.
M. Olivier Gourle, secrétaire confédéral de la CFTC, apporte un bémol : « si le nombre d'OPCA est jugé excessif, sa réduction, et donc le regroupement, n'entraîne cependant pas nécessairement un gain en efficacité. De plus, prendra-t-elle en compte plus pertinemment les caractéristiques très spécifiques de certaines branches, et facilitera-t-elle l'accès à des financements supplémentaires ? Ce système de financement existe en toute logique pour les métiers comme la bijouterie, où les matériaux utilisés sont chers, et dont les coûts de formation sont de fait plus élevés. Les règles de prise en charge pourront-elles être communes, dans le cas d'un seul OPCA ? Le regroupement pourrait être tentant, pour prendre des décisions plus globales, mais sa pertinence n'est pas garantie . L'expertise sur une branche est aussi importante, et lorsqu'un besoin de formation s'exprime, ces OPCA spécialisés détiennent une légitimité à choisir la formation. Qui sera le porte-parole en cas d'OPCA unique ? La question du nombre d'OPCA n'est pas aussi simple qu'elle le paraît ».
* 90 La loi quinquennale du 20 décembre 1993 a été élaborée sans l'accord des partenaires sociaux.
* 91 Indexé sur l'indice général des prix à la consommation, le plancher s'élèverait aujourd'hui à près de 18,5 millions d'euros.