CARACTÉRISTIQUES DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE DES SIX ÉTATS VISITÉS PAR LA MISSION
Allemagne L'Allemagne dispose d'un parc installé d'une puissance de 122 GW (20,5 GW de nucléaire, 68 GW de thermique, 9,1 GW d'hydraulique, 24,8 GW d'autres énergies renouvelables dont 21,2 GW d'éolien). Quatre grands électriciens, qui opèrent chacun sur la base d'un « découpage régional du pays », exercent leurs activités en Allemagne : EO.N, Vattenfall, EnBW et RWE. La production nette totale d'électricité en 2006 a atteint 587,8 TWh, pour une consommation de 559 TWh. Le charbon et le lignite représentent 50 % de la production d'électricité, contre 27 % pour le nucléaire et 12 % pour les ENR. La puissance éolienne installée en Allemagne est considérable, ce qui constitue un défi majeur pour la gestion du réseau en raison du caractère aléatoire de cette production. La législation allemande ne comporte pas de dispositif comparable à celui de la PPI. Dans ce cadre, ce sont les opérateurs qui décident librement de leurs investissements, le gouvernement ayant la possibilité, selon l'Agence fédérale des réseaux ( Bundesnetzagentur ), d'engager des poursuites en cas de carence des entreprises électriques privées. Au demeurant, le vice-président de cette agence s'est, lors de son entretien avec les membres de la délégation, déclaré réticent à la formule de la PPI, estimant contestable d'imposer une décision publique d'investissement à des entreprises privées et jugeant que faire relever la sécurité d'approvisionnement de la responsabilité des entreprises n'était pas contradictoire avec sa garantie sur le long terme. Il a néanmoins précisé qu'une loi sur le secteur énergétique, publiée en 2005, prévoyait un monitoring assuré par le ministère de l'économie ( BMWi ) au travers d'un rapport annuel confrontant les capacités de production aux prévisions de consommation. Dans ce cadre, est prévue, d'ici 2012, la construction de 37 nouvelles unités d'une puissance de 30 GW. D'ici 2020, 55 autres centrales sont envisagées pour une puissance de 41 GW. La réalisation de ces projets est d'autant plus nécessaire que la marge de sécurité, constituée par les capacités excédentaires de production par rapport à la demande de pointe, est tombée à 5 %. Sur le nucléaire, deux grandes options s'affrontent en Allemagne . Le ministère fédéral de l'environnement est favorable à l'application stricte de la loi de sortie du nucléaire, votée en 2001, et se déclare fermement opposé à la filière nucléaire pour plusieurs types de raisons (sûreté, danger terroriste et gestion des déchets). Dès lors, il défend une stratégie tendant à porter, d'ici 2020, la part des ENR de 12 à 28 % dans le bouquet électrique, et à améliorer l'efficacité énergétique et les économies d'énergie. La fédération des exploitants de réseaux partage cette vision et estime qu'il est possible de renoncer au nucléaire en développant des sources alternatives, sans remettre en cause la sécurité d'approvisionnement. Toutefois, la fédération de l'industrie allemande fait valoir que, si les objectifs du gouvernement en matière de développement des ENR peuvent être atteints en 2010 et devraient pouvoir l'être en 2020, cette politique extrêmement onéreuse (environ 6 milliards d'euros par an) a poussé à la hausse le prix de l'électricité qui, en Allemagne, est l'un des plus élevés d'Europe, ce qui pénalise fortement l'industrie nationale. En revanche, le ministère fédéral de l'économie considère que la sortie du nucléaire obligera l'Allemagne à remplacer 30 % de son électricité par de nouveaux modes de production et estime impossible, au plan économique, de substituer totalement des ENR au nucléaire. Dès lors, il doute que les objectifs de réduction des émissions de CO 2 soient atteints si le démantèlement du parc nucléaire est confirmé. Pologne La Pologne dispose d'une puissance électrique installée de 32,4 GW (29,8 GW de thermique -charbon à 97 %- et de 2,3 GW d'hydraulique). En 2006, la production électrique nette s'est élevée à 148,85 TWh, 96 % provenant donc du charbon (25 % pour la moyenne européenne), et la consommation à 136,5 TWh. Toutes les personnalités rencontrées par la délégation (membres du groupe parlementaire sur l'énergie, ministère de l'énergie, régulateur, gestionnaire du réseau de transport...) ont insisté sur l'ampleur des besoins d'investissements de la Pologne d'ici 2020, pour reconstituer le parc de production (40 % des installations ont plus de 30 ans et 34 % ont entre 20 et 30 ans), moderniser les réseaux de transports et de distribution et adapter l'offre d'électricité à une demande dont la croissance est estimée à 3 % par an en moyenne sur la période 2007-2020. Au total, la consommation électrique en Pologne, actuellement deux fois moins élevée que la moyenne européenne, devrait doubler d'ici 2020. Pour répondre à ces besoins, une croissance des capacités de production est indispensable, la Pologne devant installer chaque année entre 0,8 et 1,5 GW avant 2025, soit un montant total d'investissements compris entre 6 et 9 milliards d'euros. La plupart des intervenants ont indiqué que les obligations communautaires en matière de réduction des émissions de CO 2 pourraient gravement obérer le développement économique du pays. La prépondérance du charbon dans la production d'électricité, en raison de son abondance en Pologne, rend l'évolution du secteur très dépendante des progrès réalisables dans le domaine de la captation et du stockage du CO 2 à des coûts raisonnables. Par ailleurs, le pays ne peut guère parier sur les énergies renouvelables car il est plat, peu venteux et peu ensoleillé. Le ministère de l'énergie élabore tous les quatre ans un plan de développement des capacités énergétiques, les opérateurs devant réaliser chaque année un plan de satisfaction de la demande. En cas de carence de l'initiative privée, l'autorité de régulation peut organiser des appels d'offres pour rééquilibrer le marché. Royaume-Uni En matière d'électricité, la capacité installée du Royaume-Uni est de l'ordre de 76 GW, dont 25 GW devront être renouvelés au cours des vingt prochaines années. La production d'électricité s'est élevée, en 2006, à 350 TWh. Environ 20 % de l'électricité du Royaume-Uni est produite à partir d'un parc de centrales nucléaires en fin de vie, le reste de la production étant réparti à parts égales entre des centrales à charbon (36 %) et à gaz (40 %). Les énergies renouvelables représentent environ 4 % du total et devraient atteindre, selon les objectifs du Gouvernement qui entend en assurer la promotion grâce à un mécanisme de soutien, 10 % en 2010 et 20 % en 2020. Le secteur électrique britannique, tout comme le secteur gazier, a été l'un des premiers en Europe à être libéralisé au début des années 1990. L'OFGEM, le régulateur, estime que cette voie a été choisie avec succès puisqu'elle aurait permis le remplacement des centrales à charbon par des centrales à gaz, le maintien d'un prix moyen de l'électricité très bas, de hauts niveaux d'investissement et le développement d'une large gamme de produits adaptés aux besoins des industriels et des consommateurs. Le régulateur a le pouvoir d'imposer ou de suivre un plan pluriannuel d'investissement, notamment par l'émission des licences d'exploitation. Toutefois, l'autorité a renoncé à exercer cette compétence de manière délibérée, pariant sur le fait que le marché permettrait d'orienter les acteurs à faire les choix les plus efficients, y compris en ce qui concerne les investissements dans les capacités de pointe. Dans ce contexte, son rôle se borne à informer les acteurs du marché avec la publication de rapports prospectifs. Le principal défi du secteur électrique britannique est lié à l'épuisement des ressources en gaz naturel de la mer du Nord. Avec un parc thermique à gaz en pleine croissance, l'arrêt programmé des centrales à charbon et la fermeture des centrales nucléaires à partir de 2017 font courir au pays des risques majeurs pesant sur près du tiers de ses capacités de production. Pour ces raisons, le Gouvernement entend donner aux investisseurs les signaux les incitant à engager un programme, notamment nucléaire, afin d'éviter que, dans les années 2020, 70 % de la production britannique d'électricité soit assurée par du gaz importé. En effet, selon les estimations les plus récentes, 80 % de l'électricité du royaume aurait une origine gazière en 2050, 90 % du gaz devant, à cette date, être importé. Même si les autorités britanniques souhaitent s'appuyer sur le marché et les opérateurs privés pour relancer le parc de production nucléaire, il s'agit avant tout d'un choix politique qui nécessite un travail important de pédagogie auprès d'une opinion publique majoritairement opposée au nucléaire. Ainsi, le Gouvernement a publié à la mi-mai 2007 un Livre blanc exprimant ses grandes orientations stratégiques en matière d'énergie. Ce document évoque la relance du nucléaire, qui fait actuellement l'objet de consultations afin d'aboutir à une décision définitive à l'automne 2007. Italie Avec une puissance installée de 90,3 GW (20,9 GW d'hydraulique, 64,5 GW de thermique et 4,9 GW d'ENR dont 3,2 GW d'éolien) ayant permis en 2006 une production nette de 302 TWh, l'Italie est fortement déficitaire en moyens de production pour répondre à ses besoins électriques qui se sont élevés à 338 TWh. Pour combler ce déficit, le pays a importé 46 TWh, ce qui, malgré une diminution de 7,8 % par rapport à 2005, représente encore 13,6 % des besoins domestiques. Le gaz contribue à hauteur de 48 % à la production électrique italienne, le charbon 15 % et le pétrole 12 %, soit une production provenant aux trois quarts de combustibles fossiles fortement émetteurs de CO 2 . Le nucléaire a été abandonné en 1987 à la suite d'un référendum, plus un seul électron ne provenant désormais des centrales nucléaires. Même si des efforts de modernisation ont été engagés ces dernières années, la structure de production en Italie reste vétuste et coûteuse. En conséquence, les Italiens payent leur électricité 30 % plus cher que la moyenne européenne. Avec la libéralisation, l'opérateur historique, ENEL, a été contraint de céder un grand nombre de ses actifs de production, ce qui a conduit l'entreprise à prendre des positions à l'étranger, en France mais aussi en Espagne, plus particulièrement au cours du premier semestre 2007 avec son projet de rachat de l'électricien espagnol Endesa. Après le gigantesque black-out qui a frappé l'Italie le 28 septembre 2003, une prise de conscience générale a eu lieu puisque 20 GW supplémentaires ont été autorisés depuis cette date, dont 9,5 GW sont d'ores et déjà entrés en service. L'Italie mise essentiellement sur le développement de la filière des cycles combinés à gaz : de ce fait, l'emploi du gaz dans la production électrique a progressé de 14,7 % entre 2004 et 2005. En conséquence, la sécurité d'approvisionnement électrique passe, en Italie, par une sécurisation des filières d'approvisionnement en gaz et par une diversification de ses fournisseurs, ce qui est un chantier difficile à mettre en oeuvre dans le pays, eu égard aux oppositions locales s'étant levées face aux projets de construction de terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL). Certains électriciens italiens estiment néanmoins qu'à terme, l'Italie devra envisager avec sérieux le retour au nucléaire, compte tenu des incertitudes qui planent sur la fourniture de gaz (les interruptions dans les livraisons gazières intervenues en 2006 ont conduit les électriciens à remettre en fonctionnement de vieilles centrales à fioul). En ce qui concerne l'anticipation des capacités de production, les autorités italiennes font valoir que la production d'électricité est une activité libéralisée. En conséquence, tout projet de construction de centrale fait uniquement l'objet d'une autorisation administrative, laquelle ne porte pas sur la localisation de l'investissement. Le seul signal d'orientation des investissements est donc celui des prix de marché. Suisse La Suisse dispose d'une capacité de production installée totale de 17,5 GW (13,4 GW d'hydraulique, 3,2 GW de nucléaire, 0,7 GW de thermique). En 2006, sur une production totale d'électricité de 62,1 TWh, 52,5 % provenaient de l'hydraulique et 42 % des centrales nucléaires, pour une consommation nationale de 63,22 TWh (pour la première fois en 2006, la Suisse s'est trouvée en situation de léger déficit). Ce pays dispose donc d'un mix énergétique particulièrement performant au regard des émissions de CO 2 puisque plus de 90 % de moyens de production sont très peu émetteurs de gaz à effet de serre. Selon les interlocuteurs rencontrés par la délégation, le pays constitue une véritable « plaque tournante » de l'électricité au service du réseau européen. Alors qu'elle consomme seulement 2,6 % de l'électricité des pays membres de l'UCTE, la Suisse possède 10 % des interconnexions utilisables de la zone UCTE. En outre, de nombreux moyens de production nationaux étant directement raccordés aux réseaux à moyenne tension, la Suisse présente d'importantes surcapacités de transport permettant à ces infrastructures de jouer un rôle de réserve de puissance. Ses échanges d'électricité avec les pays voisins sont structurants à plusieurs égards : elle importe de l'électricité pendant la nuit, notamment depuis la France, pour recharger les bassins supérieurs des STEP et alimente l'Allemagne quand l'électricité éolienne y fait défaut. La loi sur l'approvisionnement électrique, adoptée au cours de l'année 2006, a arrêté plusieurs orientations déterminantes pour l'avenir du secteur électrique. Elle a procédé à la libéralisation du marché de la fourniture, dans un premier temps au seul bénéfice des plus gros consommateurs, et créé une autorité de régulation ainsi qu'un gestionnaire unique du réseau de transport (sur le modèle ISO). Anticipant un déficit de capacités, qui pourrait apparaître dès 2020, pour couvrir les besoins à l'horizon 2030 (en l'absence de décisions prochaines, le pays serait dans l'incapacité de couvrir la moitié de sa consommation en 2050), les autorités helvétiques souhaitent relancer un programme électronucléaire, seul moyen crédible de couvrir les besoins, même si le soutien de l'opinion publique reste à conquérir. En effet, la loi de 2006 a instauré une obligation de compenser totalement toute nouvelle émission de CO 2 liée à la production électrique, ce qui obère fortement toute possibilité d'accroissement du parc thermique. Par ailleurs, les cours d'eau suisses sont déjà largement équipés en centrales hydrauliques et tout développement doit tenir compte des contraintes environnementales tenant à la gestion de la ressource en eau et à la préservation des milieux aquatiques. Espagne La puissance électrique installée en Espagne s'élève à 76,4 GW (18,5 GW d'hydraulique, 7,5 GW de nucléaire, 37,5 GW de thermique et 12,9 GW d'ENR dont 11,5 GW d'éolien). En 2006, la production de la péninsule ibérique a atteint 268,1 TWh, 57 % provenant des combustibles fossiles et 20 % d'énergies renouvelables, et la consommation 259,6 TWh. Les énergies renouvelables sont en pleine croissance dans ce pays, plus particulièrement l'éolien qui a produit plus de 22,5 TWh en 2006 (11 500 aérogénérateurs installés dans plus de 400 parcs). Des objectifs élevés sont fixés pour 2010 puisque l'Espagne ambitionne de disposer, à cette date, de 20,1 GW d'éolien. Depuis le changement de majorité en 2003, le nucléaire a fait l'objet d'un moratoire et aucune relance du programme électronucléaire n'est aujourd'hui à prévoir. L'Espagne fonde l'essentiel du développement de ses capacités de production sur la filière des CCG, notamment pour remplacer les centrales à charbon. Comme en Italie, les sécurités d'approvisionnement en électricité et en gaz sont intimement liées. Toutefois, le ministère de l'énergie fait valoir que l'Espagne, qui, en Europe, dispose du plus large éventail d'approvisionnement gazier avec dix pays fournisseurs, poursuit ses efforts en matière de diversification, une nouvelle usine de regazéification du gaz naturel liquéfié (GNL) devant venir s'ajouter prochainement aux six unités existantes. Même s'il n'existe pas en Espagne de mécanisme comparable à celui de la PPI, le ministère de l'énergie souligne qu'il dispose d'outils de planification, notamment des systèmes de primes et de garanties de prix, permettant d'orienter les décisions d'investissement dans les capacités de production et les technologies utilisées. En réalité, ce dispositif concerne essentiellement le mécanisme de promotion des énergies renouvelables. Le Gouvernement a d'ailleurs récemment annoncé la diminution des aides en faveur de l'éolien, au regard de la rentabilité désormais acquise de la filière, et l'augmentation des aides en direction des autres sources d'ENR. En revanche, contrairement à la France, aucune procédure n'est définie pour programmer le développement des capacités de production : dans ce secteur, le système de fixation des prix par les marchés est considéré comme suffisant pour assurer la réalisation des investissements nécessaires. Le système électrique espagnol est confronté à deux défis majeurs : - le premier a trait à la maîtrise de l'énergie éolienne, qui, en raison de son intermittence, doit être prise en compte dans la gestion de l'équilibre offre/demande. A ce titre, la mise en service d'un centre de contrôle des énergies renouvelables par le transporteur ( REE ) a permis de remédier aux inconvénients liés à l'intermittence des capacités éoliennes et autorise une augmentation de ces capacités. - le second est lié à la hausse de la demande en électricité, notamment de pointe. Pour répondre à cette évolution et assurer la sécurité d'approvisionnement, les autorités espagnoles jugent primordial le développement des interconnexions. Les liaisons entre l'Espagne et le Portugal ont ainsi été renforcées au cours des trois dernières années (les deux pays ont d'ailleurs constitué un marché commun de l'électricité, le MIBEL), mais la péninsule ibérique restera une « île électrique » tant que la nouvelle interconnexion projetée avec la France ne sera pas réalisée. En effet, les capacités d'interconnexions entre la France et l'Espagne sont aujourd'hui limitées à 1,2 GW dans le sens France - Espagne et à 500 MW dans l'autre sens. Tous les interlocuteurs rencontrés par la délégation ont insisté sur la nécessité de voir ce projet aboutir dans un avenir proche, saluant la décision de la Commission européenne de nommer un coordonnateur indépendant chargé de faire avancer le projet. |