C. LA STRUCTURATION DE L'OFFRE
- Le régime actuel
Les professionnels européens des filières agricoles se sont regroupés dans la plupart des Etats membres de l'Union dans le cadre d'organisations verticales destinées à répondre aux impératifs de chaque produit en termes d'adaptation de l'offre, de qualité, de sécurité sanitaire ou de promotion. Reconnues et soutenues par les législations internes de la plupart de ces Etats, elles ont été ensuite intégrées par les Communautés européennes dans le cadre des OCM sectorielles, dont celle vitivinicole.
Un des objectifs de la dernière réforme de l'OCM vitivinicole a ainsi été d'officialiser et d'asseoir juridiquement les deux types d'organismes travaillant à une telle structuration de l'offre : les groupements de producteurs et les organismes interprofessionnels.
Les premiers sont reconnus par les Etats membres dès lors qu'ils comptent un nombre de membres minimum et offrent de réels services aux producteurs. Leur but est de contribuer à l'adaptation de la production à la demande en facilitant la mise sur le marché des produits. Ils peuvent, pour ce faire, sanctionner ceux de leurs membres ne respectant pas leurs prescriptions.
Les organismes de filière -dits aussi organisations interprofessionnelles- ont quant à eux pour objectif d'améliorer le fonctionnement du marché, pour les VQPRD et les vins de table avec IG au terme de l'actuelle législation communautaire. Leurs décisions en matière d'innovation, de promotion ou d'assistance dans la commercialisation sont mises en oeuvre par les Etats membres dans le respect du droit communautaire.
- Les propositions de la Commission européenne
Dans le projet de réforme de la Commission européenne, des organisations de producteurs peuvent être reconnues par les pouvoirs publics avec entre autres objectifs de promouvoir la concentration de l'offre et de gérer et stabiliser les fluctuations de prix.
Les Etats membres peuvent également reconnaître des organisations interprofessionnelles aptes à mettre en oeuvre des contrats-type respectant la réglementation communautaire. La reconnaissance ne serait plus limitée aux seuls VQPRD et vins de pays, mais concernerait tous les vins. La mise en réserve et les sorties échelonnées resteraient toutefois réservées aux AOP et IGP.
La Commission propose également de renforcer l'intervention de ces structures professionnelles au niveau des contrôles de qualité, concernant les procédures de classification et déclassification des vins et les règles de production vinicole.
- La position de votre commission des affaires économiques
Les organismes de filière rencontrent plusieurs difficultés. Les activités qu'ils mènent sont bien en retrait de celles qu'autorise le règlement portant OCM vitivinicole. Contrairement au secteur des fruits et légumes, ils ne disposent pas en effet d'instruments opérationnels leur permettant d'agir sur les producteurs et de réguler le marché. De plus, dans plusieurs Etats membres, dont la France, ils demeurent très en retrait et ne se sont pas suffisamment regroupés pour jouer un rôle réel en matière de coordination et d'assistance à la production et à la commercialisation.
Atomisée au niveau des producteurs, divisée entre diverses interprofessions et assurant de façon désordonnée sa promotion, la filière n'est donc pas en mesure, tout particulièrement dans notre pays, de gérer la production en cohérence avec le marché, de soutenir le dialogue avec la distribution, ni de conquérir des parts de marché à l'extérieur.
Votre commission des affaires économiques suggère donc, comme cela a été fait dans d'autres OCM, d' inciter les acteurs de la filière, par des mécanismes règlementaires ou financiers, à se regrouper pour :
- mieux gérer les excédents anticipés ou effectifs , par exemple en habilitant les structures professionnelles organisées à adopter des règles contraignantes, pouvant être étendues, en matière de limitation des volumes produits ou de mise en marché . Par ce mécanisme d'extension, les organisations peuvent demander à l'autorité qui les a reconnues que les règles, accords et pratiques décidées en leur sein soient rendues obligatoires à l'ensemble des opérateurs exerçant une activité en rapport avec le produit ;
- lisser l'impact des crises conjoncturelles sur les revenus des exploitants, en leur permettant de créer des caisses de péréquation constituant de véritables « filets de sécurité ». Ces caisses seraient abondées initialement par des fonds publics, nationaux et/ou communautaires, avant que leur fonctionnement soit confié aux seuls producteurs : les cotisations seraient prélevées lorsque les cours des produits sont élevés et les paiements compensatoires alloués en période de crise ;
- mieux s'organiser pour la connaissance des marchés à l'export et la promotion des produits , afin d'atteindre une masse critique et d'acquérir une plus grande visibilité vis-à-vis des importateurs des pays tiers. Les acteurs français à l'export souffrent en effet d'un grand éparpillement dans leurs stratégies de promotion et de commercialisation. Une meilleure organisation et coordination de leur action par des organismes de filière fortement implantés et reconnus paraît à ce titre aujourd'hui indispensable pour rivaliser avec les producteurs des pays tiers, qui eux agissent de façon unitaire et cohérente à l'export. Cette approche « de filière » est déterminante pour un secteur où les entreprises de l'aval apportent une contribution essentielle à la valorisation des produits par leurs capacités de transformation, leur marketing et leur soutien commercial à l'export.
Votre commission des affaires économiques souscrit donc pleinement à la proposition de la Commission européenne de renforcer le rôle des organisations interprofessionnelles dans la gestion des marchés et de la qualité. Afin qu'elle soit réellement efficace, elle suggère que cette gestion couvre toutes les composantes de la maîtrise de l'offre et de la mise en marché des produits vitivinicoles, en prévoyant notamment la possibilité de limiter les volumes de production en vue d'anticiper ou de gérer des crises d'offre et d'étendre les accords.
Dans une logique de regroupement des acteurs, il conviendrait, par l'utilisation des enveloppes nationales notamment, d'inciter davantage à la concentration de l'offre et à la restructuration des entreprises d'aval. La responsabilité des programmes financés sur ces enveloppes, notifiés à la Commission européenne, relève des Etats membres. Ces derniers devront confier un rôle clef aux organisations professionnelles aptes à les mettre en oeuvre et à les gérer au plus proche de la filière.
D'une façon générale, il s'agira de prendre en compte le fait que les structures professionnelles et interprofessionnelles, du fait du désengagement des politiques communautaires de soutien, seront amenées à jouer un rôle grandissant dans la gestion et la régulation des marchés . Il conviendra donc d'accroître les délégations de pouvoirs à leur profit, dès lors que leur composition est paritaire et représentative, et que l'ensemble des opérations de contrôle est effectuée de façon indépendante.