B. L'EFFORT POUR CONTENIR ET FAIRE RÉGRESSER LES PRATIQUES DÉLOYALES EN MATIÈRE D'IMPOSITION DIRECTE
1. Le « groupe Primarolo » sur les mesures fiscales dommageables
A court terme, il est prévu de renouveler le mandat du groupe « code de conduite » 14 ( * ) , qui avait été créé en mars 1998 et placé sous la présidence de Mme Dawn Primarolo, trésorier-payeur général du Royaume-Uni. Depuis sa constitution, ce groupe a identifié près de 300 pratiques fiscales dommageables et a contribué à la révision ou au remplacement de 66 d'entre elles.
Il apparaît cependant que de nouvelles formes de concurrence fiscale « déloyale » , échappant aux dispositifs visés par l'actuel code de conduite, tendent à se développer. D'après la direction générale, la fiscalité française sur les redevances des brevets et droits de propriété industrielle, très avantageuse depuis sa réforme dans la loi de finances rectificative pour 2004, pourrait être concernée.
Des territoires comme Malte et l'Ile de Man ont également établi des régimes de fiscalité différenciée des bénéfices se traduisant par une taxation quasi-nulle pour les bénéfices distribués aux sociétés mères, et contribuant donc à avantager les sociétés filiales non-résidentes qui y constituent l'essentiel des contribuables.
Pour l'heure, la Commission entend les combattre par le moyen indirect de la qualification d'aide d'Etat non notifiée , donc illégale et impliquant un remboursement rétroactif.
2. La question des prix de transferts
La Direction générale est également préoccupée par certains accords préalables sur les prix de transfert (APP 15 ( * ) ), qui ne sont pas toujours conclus de manière bilatérale ou multilatérale, contrairement aux principes fixés en 1995 par le Conseil de l'OCDE. Un APP conduisant à un taux effectif d'imposition de 1,5 % des centrales d'achat belges a ainsi été évoqué. Le mandat du Forum conjoint sur les prix de transfert a été renouvelé le 22 décembre 2006 pour une période de deux ans, à compter du 1 er mars 2007.
3. Le contentieux avec la Suisse
Le cas de la Suisse , dont le régime fiscal de certains cantons fait l'objet d'un différend avec la Commission 16 ( * ) , est délicat compte tenu de sa probable non-conformité aux cinq critères des mesures fiscales dommageables appliqués dans le code de conduite précité.
La Commission estime que la Suisse devrait prendre l'initiative de respecter ce code et a sollicité un mandat de négociation auprès des Etats membres, auquel une majorité (16 sur 27) serait favorable. Les positions sont divisées sur une référence directe de ce cycle de négociations au code de conduite. Des mesures unilatérales seraient vraisemblablement perçues comme agressives, et le traitement des difficultés peut également se poursuivre sur une base bilatérale.
4. L'harmonisation des assiettes et la coordination des systèmes de fiscalité directe
Le 5 avril 2006, la Commission a publié une communication intitulée « Avancement des travaux et programme futur pour une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS) » (COM/2006/157), suivie d'une nouvelle communication le 2 mai 2007 17 ( * ) .
Une révision de la directive 2003/48/CE du 3 juin 2003 sur la fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts pourrait également être proposée d'ici la fin de l'année 2007, compte tenu des interprétations divergentes des agents payeurs sur la notion d'intérêt.
A moyen terme, les actions futures devraient s'inscrire dans la continuité des trois importantes communications publiées en décembre 2006 sur la coordination des systèmes de fiscalité directe des Etats membres, le traitement fiscal des pertes intra-société ou intra-groupe (entre établissements stables ou entre sociétés 18 ( * ) ) dans les situations transfrontalières et l'imposition des résidents lors de leur sortie (« exit tax »).
Il s'agit de proposer aux Etats membres des solutions intermédiaires entre la coordination et l'harmonisation (plus efficiente mais plus complexe et risquée à mettre en oeuvre), tendant à prévenir une extension de la jurisprudence de la CJCE , et en particulier le risque que celle-ci ne valide, in fine , les montages purement artificiels d'optimisation.
* 14 Le code de conduite exige des Etats membres qu'ils s'abstiennent d'instaurer de nouvelles mesures fiscales dommageables (mesures dites de « gel ») et modifient leurs dispositions ou pratiques considérées comme préjudiciables au regard des principes du code (mesures de « démantèlement »). Il vise les mesures fiscales (législatives, réglementaires et administratives) ayant ou susceptibles d'exercer une incidence sensible sur la localisation des activités économiques au sein de l'Union.
Les critères qui permettent de déceler des mesures potentiellement dommageables sont :
- un niveau d'imposition effective nettement inférieur au niveau général du pays concerné ;
- des facilités fiscales réservées aux non-résidents ;
- des incitations fiscales en faveur d'activités qui n'ont pas trait à l'économie locale, de sorte qu'elles n'ont pas d'impact sur l'assiette fiscale nationale ;
- l'octroi d'avantages fiscaux même en l'absence de toute activité économique réelle ;
- des règles pour la détermination des bénéfices des sociétés d'un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment de celles approuvées par l'OCDE ;
- le manque de transparence des mesures fiscales.
* 15 Un accord préalable de prix (APP) est une procédure administrative qui tend à prévenir les différends relatifs aux prix de transfert en déterminant, avant sa réalisation, les modalités d'application du principe de pleine concurrence - fondamental en matière de prix de transfert - à une transaction considérée.
* 16 Le 13 février 2007, la Commission européenne a établi que les privilèges fiscaux (imposition différenciée des bénéfices de source domestique et étrangère) accordés par les cantons suisses à certaines sociétés (sociétés d'administration, holdings et sociétés mixtes) représentaient une forme d'aide publique contraire à la loyauté de la concurrence et aux principes de l'Association européenne de libre-échange (AELE), à laquelle la Suisse est partie.
* 17 « Mise en oeuvre du programme communautaire pour l'amélioration de la croissance et de l'emploi et pour le renforcement de la compétitivité des entreprises de l'UE : progrès accomplis en 2006 et étapes suivantes en vue de la proposition d'une assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS) », (COM/2007/223).
* 18 L'affaire Marks & Spencer, précité, constituait le premier arrêt de la CJCE traitant de la compensation transfrontalière des pertes entre sociétés d'un même groupe.