II. DES POSITIONS DOCTRINALES EN MATIÈRE DE CONCURRENCE ET D'ÉNERGIE QUI NE PRENNENT PAS EN COMPTE LES SPÉCIFICITÉS FRANÇAISES

Les discussions menées par votre rapporteur général avec le cabinet de Mme Neelie Kroes ont permis d'identifier deux divergences d'analyse. L'une, particulièrement sensible, a trait à la rente nucléaire, dont le bénéfice doit, selon votre rapporteur général, être rétrocédé au consommateur français en contrepartie des efforts d'investissements dans l'énergie nucléaire , nonobstant le principe d'unification des prix sur le marché intérieur européen. L'autre, qui concerne l'épargne et les marchés financiers, est plutôt une question de méthode, la Commission européenne semblant préférer l'approche souple du code de bonne conduite à la voie réglementaire.

A. L' « UNBUNDLING » OU « DÉGROUPAGE » DES INFRASTRUCTURES D'ÉNERGIE ET LA LIBÉRALISATION DU MARCHÉ

Le Conseil « Transports, télécommunications et énergie » du 15 février 2007 a approuvé l'essentiel des propositions de la Commission sur le Plan d'action pour l'énergie en 2007-2009, décliné en cinq grands axes relatifs à une plus grande utilisation des énergies renouvelables, au marché intérieur du gaz et de l'électricité 12 ( * ) , à la sécurité d'approvisionnement, aux technologies de l'énergie, et à la politique internationale de l'énergie.

Un « paquet énergie », liant les questions de sécurité des approvisionnements, du changement climatique, des quotas de carbone et du traitement à réserver aux « gros pollueurs » au regard de leur compétitivité, devrait être proposé au cours de l'automne 2007.

Un nouveau Conseil Energie en juin 2007 devrait approfondir les résultats de l'enquête sectorielle en cours et la situation des approvisionnements.

1. La séparation entre la production et le transport

La Direction générale de la concurrence se positionne de fait en « chef de file » sur la question de l'organisation des entreprises d'énergie, par la promotion (fondée sur une enquête publiée en octobre 2001) de l' « unbundling » des structures verticalement intégrées, c'est-à-dire la séparation juridique, fonctionnelle et comptable entre la production et l'approvisionnement d'une part, et les réseaux de transport et de distribution d'autre part.

Cette séparation entre production et distribution est perçue comme le seul moyen de garantir que le propriétaire du réseau - rente constituant un monopole naturel - ait un réel intérêt à investir dans sa modernisation. Le cabinet de Mme Neelie Kroes estime que ce monopole naturel justifierait une propriété intégrale du réseau par l'Etat , la production et la distribution étant du ressort des investisseurs privés dans ce cas de figure, afin d'éviter des conflits d'intérêts.

Votre rapporteur général considère cependant que ce risque est surmontable et que le capital du gestionnaire du réseau, tout en demeurant majoritairement public, gagnerait de nouvelles facultés d'investissement par une ouverture au privé.

Votre rapporteur général s'est également interrogé sur l'opportunité, parallèlement à l'« unbundling », d'une fusion des réseaux nationaux de distribution de gaz et d'électricité , accompagnée d'une ouverture du capital. Le cabinet de Mme Neelie Kroes a réaffirmé que le marché unique de l'énergie était aujourd'hui entravé par les barrières à l'entrée que créent les marchés nationaux.

2. Le débat sur le prix de l'électricité nucléaire

L'approche du cabinet de Mme Neelie Kroes est manifestement stricte sur l'organisation des acteurs de l'énergie, mais entretient une certaine ambiguïté sur le nucléaire . Si chaque Etat membre est supposé libre de choisir son « energy mix », il subsiste une certaine défiance à l'égard des tarifs réglementés, et plus particulièrement du niveau de tarification de l'énergie nucléaire . Cette tarification est jugée comparativement avantageuse du fait de la sous-valorisation des coûts de démantèlement et de stockage.

Votre rapporteur général considère cependant que si cette question de la valorisation n'a effectivement guère été prise en compte en France dans les années 60 lors de la construction de la première génération de centrales, elle est bien aujourd'hui conforme au principe de prudence et à la réalité économique .

Votre rapporteur général estime, en outre, que la fin des tarifs réglementés créera sans doute un choc de grande ampleur et des difficultés économiques et sociales, induisant un risque de conflit entre la France et les autorités communautaires, quel que soit le gouvernement en place.

* 12 Le Conseil invite explicitement la Commission à élaborer des mesures assurant « une séparation effective des activités d'approvisionnement et de production des opérations de réseaux ( unbundling ), fondé sur des systèmes de réseaux régis de manière indépendante (...) , qui garantissent un accès ouvert et égal aux infrastructures de transport et l'indépendance des décisions sur les investissements dans les infrastructures ».

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